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Solitudes (1er juillet 2004)
La solitude, dit-on, est “un mal de notre temps”. On peut même en prendre la mesure. Selon l’Institut National de Statistique, il y a - officiellement - de plus en plus de “ménages d’une personne”. Et chacun se souvient en particulier de la canicule de l’été dernier, qui fit de très nombreuses victimes parmi les personnes âgées, et que l’on présenta comme “un drame de la solitude”.

Généralement, la solitude se fait plutôt discrète et s’installe insidieusement. Plus souvent imposée que choisie, elle peut concerner tous les âges, tous les milieux et toutes les catégories professionnelles. Mais elle sévit plus particulièrement dans les grandes villes. Le décès d’un conjoint bouleverse un projet de vie. Le chômage casse un parcours professionnel. L’accident nous laisse handicapé. L’avancée en âge entraîne l’éloignement des connaissances et la famille se réduit… Si la solitude est destructrice c’est parce qu’elle défait les liens sociaux.

Du moins est-ce ainsi que l’on perçoit le plus souvent la solitude. Comme un malheur, un manque ou une absence. Or, comme le fait remarquer Marie-Noëlle Schurmans, professeure à l’Université de Genève, il existe des “solitudes pleines” (1).

 

La solitude peut être un choix de vie et un passage assumé comme un moment incontournable dans la (re)construction d’une personnalité ou d’un projet de vie renouvelé. Il serait illusoire, écrit Marie-Noëlle Schurmans, de croire que l’on pourrait se passer de cette “indispensable solitude” qui implique, après un deuil, après un long travail personnel, après une séparation ou après une maladie, un retour plus ou moins rapide à une vie ordinaire. Vivre seul, n’est pas toujours synonyme d’isolement. On peut vivre seul et rester très présent dans le cercle familial, actif dans un réseau d’amis ou d’associations, ou engagé dans sa vie professionnelle. Toutes les personnes qui vivent seules ne souffrent pas d’un déprimant “sentiment de solitude”, même si elles y sont plus exposées que d’autres.

 

Il ne faut pas confondre solitude, isolement, et sentiment de solitude. Comment en effet comprendre ceux qui vivent entourés de leurs proches, qui ont une vie professionnelle ou sociale intense et qui se disent pourtant habités par un profond “sentiment de solitude” ? Comment comprendre que certains, se tenant à l’écart d’une vie ordinaire, ne semblent pas souffrir d’un sentiment de solitude alors que d’aucuns pourraient qualifier leur vie de solitaire ? Autrement dit, vivre seul n’est pas toujours signe d’isolement social et vivre une vie active ne préserve pas du “sentiment de solitude”.

 

Cela dit, l’isolement est une réalité statistique. Officiellement, un ménage sur trois serait un ménage d’une personne. Et, bien naturellement, on imagine que les personnes célibataires, divorcées, âgées, malades… courent plus de risques de se retrouver isolées, ou plus exactement “inutiles aux autres” comme en témoignent les écoutants de services téléphoniques d’aides et de services. Le sentiment de solitude, disent-ils, se confond bien souvent avec le sentiment d’abandon et d’inutilité : “Personne ne m’entend”, “Ma vie n’a plus de sens : on ne s’intéresse pas beaucoup à moi et je ne suis plus utile à personne.”

 

Avec la montée du troisième et du quatrième âge, le risque de se retrouver isolé devient plus important. Les collègues de travail se perdent de vue, la famille se réduit, les amis s’éloignent, les voisins viennent moins souvent… Avec l’âge, la sollicitude dont on faisait preuve pour les autres et pour soi-même disparaît progressivement. A un âge certes de plus en plus avancé, on risque bien de n’être plus qu’un objet de soins et de perdre la capacité de s’occuper des autres. D’où, le lourd sentiment d’être quelqu’un d’inutile et de devenir une charge pour les autres. Ne dit-on pas à celui ou celle qui entre en maison de repos : “Ne te fais pas de souci, maintenant on s’occupera bien de toi…” Or, c’est cela qui fait problème. Ne plus être capable de prendre soin de soi, c’est aussi ne plus avoir les moyens de faire des projets, de partager des activités, de prendre sa part d’engagement aux côtés des autres…

 

Or, en réponse à la solitude des personnes malades ou âgées, notre système social répond bien en terme d’institutions, d’aide et de soins. Et, bien sûr, ceux-ci sont plus que jamais nécessaires lorsque l’entourage familial, les voisins, les amis, les revenus… font défaut. Mais il ne faudrait pas oublier que le sens d’une vie ne peut se retrouver quand la personne n’est plus qu’un “objet de soins” même attentionné (2).

 

Comment maintenir autour des personnes âgées des relations sociales où la personne âgée trouve sa place, même si la famille rétrécit et les amis disparaissent. Telle est la question essentielle, lit-on dans la revue française “La santé de l’homme”. Car “on ne vit pas pour être soigné, mais on est soigné pour continuer à vivre… Il y a encore trop de confusions entre les objectifs et les conséquences. Chanter ne vise pas obligatoirement la rééducation de la capacité respiratoire ou la prévention; manger n’est pas uniquement un acte de prévention de la dénutrition; parler avec son voisin n’est pas uniquement lutter contre l’isolement… Là se trouvent les raisons de vivre, les plaisirs de la vie, et même le sens de la vie.”(3)

Christian Van Rompaey

 

(1) Les solitudes. Marie-Noëlle Schurmans. Presses Universitaires de France 2003.

 

(2) [Contact] la revue de l’aide et des soins à domicile éditée par la Fédération des Aides et des soins à Domicile a publié un dossier complet sur la solitude et les soins à domicile (n°99 et 100 à paraître).

Renseignements : FASD [Contact], Avenue Adolphe Lacomblé, 69/71, bte 7 - 1030 Bruxelles.

Tél. 02/735.24.24 - secretariat@fasd.be

 

(3) “Personnes âgées, restaurer le lien social”. Revue française d’éducation à la santé “La santé de l’homme” (N°363).

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