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Images floues autour de l’idéal olympique... (2 septembre 2004)

 

Personne ne se souvient de l’entrée dans le stade du Grec Spiridon, vainqueur du marathon de 1896. Les premiers Jeux Olympiques modernes ne dépassaient guère le “fait divers brillant et pittoresque”, comme l’écrivent alors certains journaux, même si certains affirment (déjà) que le spectacle est “grandiose”.

 

Loin des jeux d’Olympe organisés par les Grecs anciens, qui étaient d’abord des jeux religieux destinés à se concilier les faveurs des dieux, où toute idée de performance était absente, les jeux modernes annonçaient, comme l’avait pressenti Pierre de Coubertin, la croissance irrésistible du sport dans un société qui s’ouvrait de plus en plus au spectacle, au voyage et au jeu. Pierre de Coubertin croyait aussi à la montée des échanges internationaux, que révélait l’organisation d’expositions universelles. Il avait également compris l’enjeu pédagogique du sport, porteur de valeurs morales simples (même l’idéologie totalitaire s’en est réclamée) et d’un modèle de perfection.

Le sociologue et essayiste français Georges Vigarello, dans ses nombreux ouvrages (1), a bien décrit l’irrésistible montée du sport. Non seulement la pratique sportive n’a cessé de se développer ces dernières années, tant la pratique professionnelle que celle des amateurs, mais surtout le phénomène correspond à une société “avide de loisirs et de jeux” qui occupent une bonne part du temps hors travail, même si pour un grand nombre il ne s’agit que de s’installer devant la télévision pour suivre un Grand Prix ou le Tour de France. “Mais, ajoute-t-il, ce phénomène n’est pas simplement ludique. Il correspond aussi à des idéaux ou à des mythes marquants de nos sociétés : mettre en spectacle l’égalité des chances, explorer les possibilités du corps, celle de la technique, raconter et montrer des histoires où semblent possibles plusieurs logiques, toutes excitantes (le meilleur qui gagne à tout coup, le petit qui veut dépasser le meilleur, l’incident qui renverse tout pronostic).” Ainsi, affirme Georges Vigarello, le sport dit davantage sur nos sociétés que bien d’autres objets sociaux”.

 

Le mythe cache la réalité

 

Depuis quelques décennies, il semble que le monde du sport (y compris les Jeux Olympiques), ne pourrait se développer sans recourir aux mécanismes du marché et sans une envahissante présence médiatique. Ce qui n’est pas sans susciter quelques tensions entre la fonction éducative du sport, sa fonction de détente et de santé, son appartenance au domaine public et le statut acquis dans une société où le marché et le spectacle l’emportent largement.

Les équipes sportives se sont véritablement mutées en de vastes entreprises commerciales productrices d’évènements aux images fortes. On en connaît les dérives : marché des joueurs, gestion douteuse de clubs sportifs, importance du dopage, violences fréquentes...

Faut-il pour autant désespérer du monde du sport, s’interroge Georges Vigarello? “Le résultat en est une apparente perte de crédibilité pour le sport, dit-il, mais à coup sûr aussi une plus grande mise en évidence de son côté mythique. Plus que jamais apparaît comme un ressort central de la pratique sportive dans les sociétés contemporaines: dessiner l’existence d’une contre-société censée offrir un modèle de morale et d’équité, un monde à part dont les mots se mêlent à ceux de l’idéal démocratique, “égalité” et “loyauté”... (2)

De fait, une dynamique de “purification” a toujours animé le monde du sport. Le monde sportif ne se résume pas aux seuls professionnels. Il résiste à une mise en spectacle outrancière. Le combat contre le dopage et les caisses noires, les marchés arrangés et la triche organisée révèlent une attente, celle d’une pratique sportive vertueuse et les Jeux Olympiques apparaissent comme le lieu de cet idéal “sacré”. Et pourtant, comment ne pas voir que les dénis de “fautes” “protègent le mythe plus que la vérité. La question délicate pour les informateurs qui ne veulent pas s’en laisser compter est bien celle-ci: “Jusqu’où peut-on dénoncer la transgression sans que le spectateur ne perde le plaisir de voir?”

Le flou de l’idéal olympique est tel, écrit Georges Vigarello, qu’il parvient aujourd’hui à prospérer “parvenant à faire croire aux valeurs, sinon à les faire exister, provoquant une adhésion planétaire tout en satisfaisant des sociétés folles de divertissement et de show. Elles ont excité l’effervescence et légitimé la “noblesse”, mêlant morale et passions, fureur des images et sagesse des discours…Peut-il y avoir mesure là où précisément le plaisir tient à l’excès ?” (3)

 

Christian Van Rompaey

 

 

(1) Diplômé en éducation physique, agrégé de philosophie, professeur à l’Université de Paris V, Georges Vigarello a écrit de nombreux articles et ouvrages sur le sport, notamment sur la (re)naissance des Jeux Olympiques : Du jeu ancien au show sportif (Seuil 2002) . Il était récemment l’invité de Pierre Brouhon, l’Échevin de l’Information et de la Participation de la commune d’Ixelles (Bruxelles).

Signalons que Georges Vigarello a publié une intéressante Histoire des pratiques de santé (Seuil 1999, coll. de poche “Points Histoire”) où il montre entre autres comment aujourd’hui on ne se contente pas de sauvegarder sa santé mais de l’améliorer sans cesse.

(2) Le sport, la triche et le mythe. Un dossier de la revue Esprit (Janvier 1999).

(3) D’Olympie à Athènes. L’Express (30/08/2004)

 

 

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