Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre... (21 octobre 2004)

 

Les images biaisées du handicap

 

Dans les médias, les personnes handicapées sont souvent présentées sous l’angle de leurs déficiences invitant à l’aide et à la compassion. Ou alors à l’inverse, on les transforme en super héros pour leurs exploits réalisés en dépit de leur handicap. Réflexions croisées sur l’image des personnes handicapées véhiculée par le cinéma, la publicité et la presse (1).

 

“Notre société continue d’être marquée de préjugés, de peurs et d’ignorances à propos des personnes handicapées”, affirme André Gubbels, inspecteur général à l’AWIPH. “En fait, on reste souvent mal à l’aise et on a du mal à accepter que les personnes handicapées fréquentent les mêmes lieux que soi. En réalité, elles sont davantage tolérées qu’intégrées”, poursuit l’inspecteur qui se demande si les médias aident les citoyens à modifier leur regard et leurs comportements vis-à-vis des personnes handicapées.

Pour sa part, Gregor Kern, est sceptique. Ce spécialiste allemand constate que les médias, et le cinéma en particulier, véhiculent deux grands mythes concernant les personnes handicapées. “Il y a d’une part le mythe de la personne handicapée qui ne peut rien faire, nécessite assistance et provoque la pitié. Le second mythe, aux antipodes du premier, présente la personne handicapée comme pouvant réaliser des exploits que les non handicapés ne peuvent d’ailleurs pas relever, que ce soit dans le domaine artistique, sportif, intellectuel ou professionnel”. Entre l’assisté qui incite à la charité et le super héros qui n’a besoin de personne, il y a peu de place pour des images vraies relatives au handicap; des images qui, sans pathos, montrent la réalité de la vie quotidienne et mettent en scène la personne dans les rôles qu’elle assume bien, indépendamment de son handicap (le travail, la parentalité…). Dans les deux cas, on considère les personnes comme des objets et non des sujets.

Si le cinéma utilise très souvent ces mythes quand il met en scène des personnes handicapées, la presse n’est pas exempte de cette pratique, surtout quand elle est préoccupée essentiellement d’audimat et de scoop. “Les journalistes et éditeurs doivent vendre leur journal ou émission. Quand ils donnent la parole aux personnes handicapées ou parlent d’elles, c’est principalement dans les faits divers et récits qui font pleurer dans les chaumières ou alors dans la rubrique “people” des gens extraordinaires”, dénonce Patrick Orms, de Ogilvy International. Un point de vue sans doute réducteur par rapport à l’ensemble de la presse écrite et audiovisuelle. Mais on ne peut nier cette tendance lourde qui ne concerne d’ailleurs pas uniquement les personnes handicapées.

 

La pub et le corps idéal

 

Quant à la publicité, obnubilée par la perfection du corps, elle laisse peu de place aux personnes handicapées. “Les gens ont peur de devenir handicapés et ne veulent pas non plus voir d’images renvoyant au handicap”, assure Maryke Lefèbvre, de l’Association européenne des agences de communication. Les marques n’ont donc pas d’intérêt commercial à ce qu’on associe leur nom à des situations de handicap. Quant au public handicapé lui-même, il n’est toujours pas considéré comme une cible intéressante pour l’industrie publicitaire. Il est tout simplement caché ou nié, à quelques exceptions près, comme s’il n’était pas consommateur. “Les publicités mettant en scène des personnes handicapées ont pratiquement toutes pour objet une organisation caritative ou un événement qui concerne le handicap. On contribue à mettre l’accent sur les personnes devant être aidées sans mettre en question la société handicapante “, précise Mayke Lefèbvre. Qui poursuit: “Les personnes handicapées n’ont pas grand chose à dire sur la manière dont elles sont présentées dans les médias. La chaise roulante est l’image la plus utilisée pour illustrer le handicap mais elle est très réductrice et gomme la diversité des handicaps tant physiques que mentaux”.

 

Sensibiliser à la différence

 

2003 a été déclarée “Année européenne des personnes handicapées”. Cela a-t-il changé quelque chose dans les mentalités et les pratiques dans les médias, comme dans la société en général? D. Tait, membre de la Direction générale de l’emploi et des affaires sociales à la Commission européenne, en est convaincu: “Outre le fait que des milliers de projets et initiatives ont été subsidiés par l’Union européenne, cette campagne a été popularisée par les médias dans tous les pays. On peut donc parler de succès”, assure-t-il. Patrick Worms partage cet enthousiasme. “La presse elle-même a été sensibilisée à la problématique du handicap et a développé informations et reportages sur le sujet. Cette préoccupation subsiste en 2004 et l’on ne peut que s’en réjouir”.

Ce constat, on peut le faire notamment à la RTBF. Il est clair que cette Année Européenne a impulsé, via Cap 48, un nouveau dynamisme au sein du service public de radio et télévision pour faire évoluer les mentalités, changer les regards et les actions au bénéfice des personnes handicapées. “De nombreuses personnalités de la RTBF parrainent l’Opération Cap 48 avec conviction. Ces dernières semaines, journalistes et animateurs ont multiplié reportages, émissions et interventions pour sensibiliser le public au respect des différences, en mettant en avant les valeurs de solidarité et de citoyenneté en lieu et place de celles de compétitivité et d’individualisme”, explique Edouard Descampe, Président de Cap 48. “Du 8 au 17 octobre, l’édition 2004 de Cap 48 s’est fixée comme objectif de récolter 2 millions d’euros en 2004 pour des projets d’intégration des personnes handicapées. Ce montant a été atteint et même dépassé. C’est un indéniable succès, conclut le Président de Cap 48.

Joëlle Delvaux

 

(1) Ces réflexions ont été puisées lors du colloque “Handicap et médias”, organisé par Cap 48 et la RTBF, le 23 septembre dernier à Charleroi Expo dans le cadre du Salon Alter-Egaux. Plusieurs spécialistes internationaux de renom y ont pris la parole.

 

 

Retour à l'index A suivre 2004