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L’identité palestinienne (18 novembre 2004)

 

Arafat, le président de l’autorité palestinienne, aura été un “chef historique” parce que, envers et contre tout, il aura ramené les “Palestiniens à la visibilité” comme l’a écrit l’historien palestinien Elias Sanbar dans son dernier livre, intitulé précisément : “Figures du Palestinien. Identité des origines, identité de devenir”. (1)

 

Elias Sanbar n’a pas écrit une chronique du conflit palestino-israélien. Comme celle que l’on pourrait faire à partir des évènements, le plus souvent violents, rapportés quotidiennement par bribes et morceaux par les médias et qui, en fin de compte, nous empêchent de comprendre le fond du problème. Dans ce tohu-bohu de violences, l’ouvrage d’Elias Sanbar est particulièrement éclairant par son approche d’anthropologie historique de la forte identité du peuple palestinien. Peuple expulsé de sa terre en 1948, les Palestiniens, sans jamais oublier ou négliger leur histoire, explique-t-il, se définissaient d’abord par leur géographie si particulière.

Ce sont d’abord des gens de la Terre sainte. Ainsi, il existait autrefois, dans ce tout petit pays, une inimaginable fusion des lieux de culte. La plus grande fête des musulmans de Jérusalem, aujourd’hui encore, c’est la fête de Moïse (Moussa)… Les Palestiniens, plus encore qu’Arabes occupés, se définissent par le pays où coexistent communautés et religions et dont les paysages sont marqués par les fusions des lieux de culte et de pèlerinage des monothéismes.

 

Les Palestiniens se définissent également comme Arabes de Palestine. Du temps du Mandat britannique, lorsque se bâtit le “Foyer” sioniste qui prétend appuyer ses droits sur une antériorité des Juifs sur les Arabes, au point que la “montée” vers la Palestine est un retour et non une venue, les Palestiniens, pris dans la double tourmente des colonialismes britannique et juif, deviennent, malgré résistance et révoltes, graduellement des étrangers sur leur propre terre.

 

Enfin, après l’expulsion de 1948, alors que le nouvel État d’Israël gère les biens des expulsés comme “biens des absents” et qu’il efface ou modifie méthodiquement, au fil des années, les noms de lieux, les villages, les paysages…, les Palestiniens sont des gens absents. Parqués par villages entiers dans les camps de réfugiés, ils cultivent la mémoire des lieux et nourrissent l’idée du retour. Certains auraient souhaité - pur rêve - que les Absents se dissolvent dans les pays arabes voisins, confirmant les vœux longtemps émis à travers le monde : “Les Palestiniens, ça n’existe pas.” Mais le rapport à une terre exilée dont on enseigne les paysages originaires aux nouvelles générations explique cette survie, contre les vents de l’histoire et les marées des guerres. Après des siècles de présence chez lui, le peuple palestinien réclame un État, puisque la communauté et le droit international ont érigé l’État-nation en seule forme possible, pour un peuple, de présence libre et souveraine sur sa terre. Voilà pourquoi l’historien palestinien Elias Sanbar peut affirmer que “nos racines sont devant nous”.

 

“Et la terre se transmet comme la langue”

Cet espoir palestinien, nul ne l’a mieux écrit que le poète Mahmoud Darwich. Celui-ci, qui vit à Ramallah, aurait aimé n’écrire que des poèmes d’amour, affirmait Tahar Ben Jelloum lors de la publication, en mars 1994, de son recueil de poèmes traduit par Elias Sanbar. Mais les évènements ont fait du chant de l’écrivain palestinien un cri : celui d’un peuple voué à l’errance, à la guerre, aux trahisons et à l’éternel désir de “rentrer à la maison”. Mais il est aus  si un chant infini adressé aussi au peuple juif ou plus précisément à sa mémoire. C’est un chant heureux qui réclame des uns et des autres de “garder en mémoire un peu de poésie pour arrêter le massacre”. Cette voix puissante n’est que celle de quelqu’un épris de sa terre natale et du désir “d’abréger l’éternité de l’exil”.

Dans son recueil “Au dernier soir sur cette terre” (2), il écrit: “La terre se transmet comme la langue” et proclame à ses lecteurs israéliens que le lien des racines et de l’histoire est plus fort que les lois de la géographie ou les règles de la diplomatie.,

“Jamais nos exils ne furent vains, jamais en vain nous n’y fûmes envoyés. Leurs morts s’étendront sans contrition. Aux vivants de pleurer l’accalmie du vent, d’apprendre à ouvrir les fenêtres, de voir ce que le passé fait de leur présent et de pleurer doucement et doucement que l’adversaire n’entende ce qu’il y a en eux de poterie brisée. Martyrs vous aviez raison. La maison est plus belle que le chemin de la maison. En dépit de la trahison des fleurs. Mais les fenêtres ne s’ouvrent point sur le ciel du cœur et l’exil est l’exil. Ici et là-bas. Jamais en vain nous ne fûmes exilés et nos exils ne sont passés en vain. Et la terre se transmet comme la langue (..)”.

 

“Notre pays est d’être le nôtre.

Notre pays est que nous soyons le sien.

Et sa flore, et ses oiseaux, et ses choses inanimées.

Notre pays est notre avènement.

Nos aïeux, nos petits-enfants

Nos cœurs qui marchent sur le genêt et les petits de la grouse.

Et notre pays est que nous ceinturions de lilas, son feu et sa cendre.

Qu’il soit le nôtre (..)”.

Christian Van Rompaey

 

(1) “Figures du Palestinien. Identité des origines, identité de devenir”. Gallimard - 19,50 EUR.

Historien né à Haïfa en 1947, Elias Sanbar vit en exil depuis la création de l’Etat d’Israël. Fondateur et rédacteur en chef de la “Revue d’études palestiniennes”, il a enseigné à Beyrouth, à Paris et à Princeton, et a participé, au sein de la délégation palestinienne, aux négociations de paix de Madrid et de Washington.

(2) “Au dernier soir sur cette terre”. Mahmoud Darwich. Sindbad. Actes Sud 1994 - 12,80 EUR.

Mahmoud Darwich vit à Ramallah après de longues années d’exil. En 1948, il avait six ans quand l’armée israélienne chassa sa famille du village de Birwa où il est né. En 1950, il rentra au pays mais Birwa avait disparu. À la place avaient été construites deux colonies israéliennes.

 

 

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