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A suivre... ( 15 avril 2004)

 

L’avenir de la politique

 

A l’heure où il est de bon ton de jeter le discrédit sur les professionnels et les règles du jeu de la politique, de nombreux citoyens en attendent cependant toujours plus… Entre la société et la politique, les échanges “tiennent de la cacophonie” affirme le sociologue flamand Luc Huyse (1).

 

Les plaidoyers en faveur du dégraissage de l’État, dont le citoyen attend aujourd’hui moins de règles imposées et plus de fluidité, s’accompagnent d’une demande d’un renforcement de l’arsenal répressif, dans le style de l’Etat gendarme fin XIXe siècle. Alors que les responsables politiques élaborent de plus en plus de lois qui concernent notre vie quotidienne (la conformité des bâtiments à des normes de sécurité, la protection de l’environnement, l’interdiction grandissante de fumer dans les lieux publics, la sécurité routière, l’élimination des déchets…), “les professionnels et les règles du jeu politique inspirent de moins en moins confiance aux citoyens”. Cela n’empêche pas aux politiques d’être toujours très demandés et très présents dans les émissions de télévision. Le mouvement de privatisation des secteurs publics provoque une demande inverse de restauration du pouvoir politique. A l’échelle mondiale, les multinationales disposent d’un pouvoir considérable mais d’une faible légitimité tandis que les ONG, moins puissantes, bénéficient d’un soutien populaire important.

Il arrive souvent que des programmes politiques bien ficelés soient bouleversés par des évènements inopinés. Il a fallu l’enlèvement des enfants pour que les questions de justice deviennent une priorité politique, après avoir été traitée en parent pauvre pendant 35 ans. L’accident de la dioxine a favorisé l’arrivée au pouvoir d’une coalition, impensable auparavant, des socialistes et des libéraux.

La rencontre entre la société civile et l’État a également beaucoup évolué. Si la pilarisation de la société en monde chrétien, socialiste et libéral est toujours bien réelle bien que moins évidente, l’État se voit confronté à de nouveaux types d’organisations visant à satisfaire des intérêts particuliers, parfois éphémères, qui le contraignent à négocier, selon de nouveaux schémas, avec une mosaïque d’organisations qui n’ont que peu de tradition de négociation. Le processus d’individualisation, en cours depuis de nombreuses années déjà, qui permet à l’individu d’adopter un mode de vie plus conforme à ses aspirations personnelles n’a pas non plus épargné le système politique. Il devient de plus en plus malaisé de prévoir le comportement des électeurs devenus plus sensibles aux “évènements - coups de cœur” qu’aux lignes de force idéologiques traditionnelles.

Bref, dans ce contexte pour le moins incertain, quelle est encore la valeur de l’action politique. La politique est-elle un biotope menacé, s’interroge le sociologue Luc Huyse ? Est-elle, comme Gulliver, ce géant immobilisé et maintenu au sol par mille et une entraves ?

 

De la pyramide au réseau

Classiquement, on considère que les lieux du politique sont le gouvernement, le parlement, les partis, l’administration… Or la réalité est toute autre. Les grandes organisations, patronales et sociales, la magistrature, les médias, les multinationales, les associations – la société organisée disait Jacques Delors - contribuent eux aussi à tracer les lignes de l’action politique. Et ceux qui rêvaient d’exclure ces acteurs de la vie politique, qu’ils considéraient comme des obstacles à l’action politique, doivent aujourd’hui déchanter. Le modèle de la pyramide, en vertu duquel les décisions étaient prises au sommet et exécutées à la base ne fonctionne plus et fait place - ce qui n’est pas confortable pour les décideurs - à une diversité de sous-sytèmes et de secteurs qui parfois, de manière fortuite ou non, forment un réseau. Il devient ainsi de plus en plus difficile de piloter la prise de décision politique à partir d’un seul poste de commande.

On ne peut toutefois se passer de la politique et nous sommes condamnés à chercher les meilleurs moyens d’organisation des processus de décision. Suffit-il de s’en tenir aux résultats des élections pour répondre à l’intérêt général ? N’est-il pas devenu nécessaire d’inventer de nouvelles pratiques d’écoute et de prise de décision dans une société de plus en plus différenciée, l’État ayant pour tâche première de déterminer en quelque sorte le “code de la route” sans occuper lui-même toute la route ?

Cela dit, “Il y a de bonnes raisons de continuer à croire en l’opportunité, voire en l’existence aujourd’hui d’une politique forte, commente Luc Huyse… Une société n’a-t-elle pas besoin de plus en plus de contrôle et de régulation à mesure qu’elle se complexifie ? … En politique, on a besoin d’un lieu où élaborer une stratégie commune, sur la base d’une multitude de plans et de projets…”

 

Christian Van Rompaey

 

 

(1) Luc Huyse, professeur émérite de droit à la Katholieke universiteit Leuven (KUL) a enseigné la sociologie. L’essai publié dans la série des Courrier hebdomadaire du CRISP (n°1807) a été édité en collaboration avec les responsables du projet Kleurrijk Vlanderen lancé en 2001 par le gouvernement flamand.

Pour obtenir ce texte : “Le problème de Gulliver. Essai sur l’avenir de la politique” : CRISP, Place Quételet n°1A - 1210 Bruxelles. Tél : 02/211.01.80 - www.crisp.be  (6,90 Euros).

 

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