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A suivre (20 novembre 2003)

 

L’information est un bien public

 

Du 10 au 12 décembre prochains, se tiendra le premier “Sommet mondial” des Nations Unies sur la société de l’information. Un sommet dont on n’a jusqu’ici guère entendu parler, excepté dans “Enjeux internationaux”, un nouvel hebdo qui, pour son deuxième numéro, y consacre un important dossier (1).

 

Téléphonie mobile, Internet, télévision par satellite… Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) modifient notre perception du monde. Euphoriques, certains y voient de nouvelles chances pour un monde plus libre et plus équitable. Des groupes oubliés prennent la parole. La société civile internationale s’organise. D’autres, sceptiques, dénoncent au contraire la toute puissance des multinationales de la communication, l’influence écrasante de la langue anglaise et “l’exclusion numérique” qui ne fait que prolonger les déséquilibres sociaux existants. Comme l’écrivent Anne-Marie Impe et Jean-Paul Marthoz en introduction à ce dossier de 34 pages, “les objectifs que s’est assigné l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) se bousculent et s’entrechoquent dans un torrent d’ambitions et d’ambiguïtés.”

Pour les responsables de l’UIT, principale organisatrice de ce sommet, l’objectif serait de réduire “ la fracture numérique ” entre les pays du Nord et du Sud, de permettre un accès universel aux technologies de l’information et de la communication et de favoriser ainsi la démocratie et la bonne gouvernance. Mais force est de constater qu’on est loin du compte. Les plaidoyers pour la liberté d’expression cachent mal la volonté des pays détenteurs de la technologie et producteurs de contenus d’imposer leurs normes. Malgré la perspective utopique d’un monde interconnecté la réalité est toute autre : 65% des habitants de la planète n’ont jamais effectué un seul appel téléphonique de leur vie et 40% d’entre eux n’ont pas accès à l’électricité.

Si les données les plus récentes font état de 446 millions d’internautes dans le monde, à peine plus de 1% d’entre eux se situent en Afrique qui compte pourtant plus de 12% de la population mondiale. Ce n’est là que la conséquence logique de la “fracture téléphonique”, moins médiatisée mais tout aussi dramatique. L’Afrique ne compte en effet que 2% des lignes téléphoniques mondiales. Paradoxalement, l’UIT ne voit de salut pour l’Afrique, comme pour d’autres régions du monde, que dans une privatisation des sociétés nationales de télécommunications. L’expérience européenne a pourtant démontré que l’essor des télécommunications résulte de la volonté politique publique, dans les années 70, d’investir massivement dans les infrastructures, provoquant ainsi un effet d’entraînement incontestable sur l’économie.

En organisant ce sommet, les Nations-Unies démontrent que l’information et la communication sont des enjeux internationaux autant que la lutte contre la pauvreté, la promotion de la paix ou la protection de l’environnement. Mais aussi qu’ils sont au centre de conflits d’intérêts importants. Les nouvelles techniques de la communication et de l’information n’échappent pas au credo économique libéral dont les trois piliers sont la privatisation, la dérégulation et la globalisation. En effet, alors que jusqu’au milieu des années 80 les débats sur l’information avaient lieu au sein de l’Unesco (l’Organisation des Nations-Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture), ceux-ci se sont déplacés sur le terrain économique et technique. “Aujourd’hui les décisions les plus importantes en matière d’information et de communication sont prises au sein de l’OMC, de l’OCDE de la Conférence pour le Commerce et le développement (UNCTAD), de l’UIT ou de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), affirme le service des Églises protestantes suisses pour le développement “Pain pour le prochain” (2) dans un dossier sur ce Sommet de l’information. Il constate que ce déplacement des lieux de discussion a modifié la nature des débats. Alors que le rapport MacBride (3) sur le nouvel ordre mondial de l’information et de la communication parlait de la liberté de la presse ou d’accès pour tous aux moyens d’information, les discussions portent aujourd’hui sur la libéralisation économique, l’e-business, le droit d’auteur… La préoccupation, c’est l’accès libre, global et illimité au marché pour les industries de télécommunications. Et le résultat, c’est une commercialisation excessive des contenus. L’information comme service d’intérêt général se perd et l’on assiste à une confusion de plus en plus grande du système de communication et d’information avec le système commercial mondial.

Le droit à l’information, un droit fondamental, loin d’être respecté partout comme le rappelle régulièrement l’association Reporters sans frontières qui s’est vue interdite de participation à ce Sommet de l’information, divise profondément les participants à ce sommet. Pour contourner l’obstacle, les textes préparatoires prévoient de subordonner la liberté de presse aux “législations de chaque pays”. Ce qui ne nous rassure pas, c’est que la deuxième partie de ce sommet se déroulera en Tunisie en 2005 alors que ce pays ne respecte pas la liberté de presse !

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Lire le dossier dans la nouvelle revue mensuelle Enjeux Internationaux dont le numéro 2 confirme la bonne qualité. Un dossier complet (34 pages) traite de cette question : La société de l’information. Un enjeu pour la liberté, la diversité, le développement (9 Euros). Pour découvrir la revue : www.enjeux-internationaux.org  (Tél. 02/465.61.83)

(2) http://www.ppp.ch/devPdf/information_bien_public.pdf   

(3) “Voix multiples. Un seul monde”. Rapport Unesco ( www.unesco.org )