Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre (18 décembre 2003)

 

“La fille aux mille rêves

 

Ceci pourrait être un Conte de Noël, puisqu’il est question de “naître à la vie”. Mais, ces paroles de femme en forme de contes sont tout simplement des récits de la vie ordinaire qui nous parlent de longs voyages et de bonheur. Qui pourrait deviner que ces contes si légers et lumineux ont pris racine dans une terre souvent dure et difficile ?

 

“Sur un bateau, Fatima Chouati traversa la mer qui la séparait de son rêve. Arrivée sur l’autre terre, elle s’installa dans une petite chambre , au milieu d’une grande ville. Par la fenêtre, elle voyait une tour immense s’élever dans un ciel gris; en bas, il y avait un parc rempli de fleurs et des gens, partout. Cette année-là, il fit très froid. Aïcha découvrit la neige, et la nécessité de trouver un travail se fit pressant pour cette jeune fille qui venait du soleil…”

Toutes, elles ont ainsi quitté leurs villages ensoleillés et parfumés. Parfois les maisons y étaient “fermées”, “les mères sévères”, “les pères réduisaient leurs filles au silence”, “les tantes et les oncles y étaient furieux car certaines refusaient de se soumettre aux coutumes”.

“En ces temps-là, raconte Hafida Soiayman, les filles parfois avaient la chance d’aller à l’école et elles apprenaient le réciter et l’écrire comme les garçons. Rad était de celles-là. Mais elles n’avaient pas le droit de fêter, comme les garçons les étapes de leur apprentissage parce que, pour une fille, apprendre n’avait d’autre fonction que de la rendre plus attirante aux yeux des hommes… Mais Rad étudiait avec assiduité, malgré la malédiction de son grand-père : Que la terre tremble si Rad retourne à l’école !” Avec l’aide de grands-mères ou d’hommes “très bons”, elles sont donc parties vers l’inconnu pour des pays lointains. Aujourd’hui, vivant à Bruxelles, leurs récits s’entrechoquent : les violences quotidiennes de l’immigration, la fuite d’un pays en guerre, le mariage imposé, le souhait de construire un projet personnel pour sa vie.

 

Hafida, Houria, Rebecca et les autres

 

Hafida, Houria, Rebecca et des dizaines d’autres femmes se croisent chaque jour à la “Maison Mosaïque” de Laeken à l’occasion de cours d’alphabétisation et d’informatique. Elles échangent, sur de nombreux problèmes quotidiens, leurs savoirs et savoir-faire, quand un jour Ana pour la Maison Mosaïque (Vie Féminine) et Véronique pour le CEFOC (Centre de Formation Cardijn) rassemblent un groupe de 15 femmes émigrées de huit nationalités différentes qui lisent et écrivent peu le français. Celles-ci vont tenter de mettre leur vie en forme de récit. Puis un jour, le récit rêve de devenir livre ou pièce de théâtre. “En écrivant cette histoire, je me suis rendu compte qu’on ne peut oublier son pays d’origine. Il sortait tout seul” explique Maria. “Je n’avais jamais pensé à mon passé avant de faire cette histoire, affirme Houria. Un jour, je suis rentrée à la maison avec mon cahier et mon mari m’a lu cette histoire. J’étais couchée dans le canapé et j’écoutais, c’était merveilleux ! Je n’y avais jamais pensé avant.”

A travers ces récits, nous entendons ce qui les écrase. Mais nous découvrons aussi les points d’appui sur lesquels elles ont construit leur avenir et celui de leur famille.

L’une dit : “Je rêve de pouvoir bien lire et écrire pour lire des livres et aider les autres qui ne savent pas encore”. Une autre affirme “Je rêve d’une vie pleine d’énergie, d’amour, en harmonie avec moi-même, les autres et la nature”. Ou encore “Je rêve de changer ma ville, de la rendre accueillante pour tous, une ville où il n’y aurait plus d’injustice”… Pour ces femmes, il s’agit de contribuer à changer le regard de ceux qui ont peur de l’immigration. C’est aussi garder quelque chose de leur histoire. Et cela donne une série de contes, entre tradition et modernité, qui nous parlent de voyages entrepris par ces femmes en quête d’émancipation, de liberté, de solidarité, de bonheur, d’amour : Le charme d’un chant de Maria Fé Paste, La fille aux mille rêves de Fatima Chouati, Pars loin d’ici de Marie Nkazabwa, La fille qui jouait du tambour de Houria, L’enfant de lumière de Viktoria Gerl, Le caftan rouge de Hafida Soiayman.

 

“Ce n’est plus seulement mon histoire…”

 

“Dès le début de notre travail, explique Hafida, qu’on vienne d’Asie, d’Afrique ou d’Allemagne, nous étions proches. Ce n’était pas très facile de raconter. Petit à petit, la confiance s’est installée… Ce livre, c’est une grande fierté. C’est une pierre dans la reconnaissance de ce que nous sommes. Et maintenant, ce n’est plus seulement mon histoire. C’est aussi un encouragement pour ceux qui ne parlent pas la langue. La langue n’est pas une barrière, il existe des endroits où on peut dépasser cela.”

“Un jour, explique Fatima Chouati, mon fils m’a vu écrire dans mon cahier, il me regardait et m’a dit: “moi, je peux comprendre ta manière d’écrire… Mais jamais tu ne m’as raconté tout ça ! Je commence à comprendre. Tu as eu du courage” Ensuite, il m’a lu mon histoire avec l’accent arabe. Nous avons beaucoup ri.”

Sous le voile de la fiction, ces femmes ont construit leur récit propre. En changeant de société, du fait d’avoir émigré, elles produisent aussi une réflexion personnelle sur leur propre tradition. Et surtout, comme l’écrit Jeanine Depasse-Livet dans l’introduction, “malgré les influences qui s’exercent sur leur passé, elles ont découvert que tout n’y était pas joué d’avance et par d’autres.” Et cette prise de conscience leur a ouvert tout le champ des possibles.

Christian Van Rompaey

 

Les rencontres du groupe “Paroles de femmes” ont abouti à l’édition d’un très beau petit livre publié avec le soutien de Chantal Noël, échevine de la famille de la Ville de Bruxelles. Ce livre est en vente au prix de 10 euros à :  Maison Mosaïque de Laeken (Vie Féminine), Rue Thielemans, 11 - 1020 Bruxelles (Tél. 02 42 771 69) - - CEFOC, Rue Saint-Nicolas, 84 - 5000 Namur (Tél. 081 23 15 22)