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A suivre (16 janvier 2003)

Pas de médicaments pour les pays pauvres

A la veille de Noël, les 144 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’ont pu s’entendre sur le droit pour les pays pauvres dépourvus d’industrie pharmaceutique, d’importer des copies de médicaments pour s’attaquer aux maladies les plus meurtrières.

Une ambulance sort du bâtiment de l’Organisation mondiale du commerce. Une femme sud-américaine apparaît, accrochée à un goutte-à-goutte d’où s’écoule un médicament. Des délégués commerciaux en costard-cravate des Etats-Unis, de l’Union européenne, de la Suisse, du Japon et du Canada, aiguillonnés par des lobbyistes des compagnies pharmaceutiques, coupent le tube qui pend de son bras. Elle proteste, brandit la Déclaration de Doha censée lui garantir l’accès à des médicaments essentiels. Mais les hommes des multinationales soufflent aux délégués commerciaux : “Elle n’a pas la bonne maladie. Elle ne vient pas d’un pays assez pauvre. Elle ne peut prouver qu’elle ne vendra pas ses médicaments à un riche touriste. Elle n’a pas obtenu l’autorisation requise.” Cette mise en scène, imaginée par Oxfam International, résume bien – hélas – l’état des négociations sur l’accord sur la propriété intellectuelle (ADPIC en français, TRIPS en anglais), au lendemain de la mini rencontre ministérielle qui s’est tenue à Sydney les 14 et 15 novembre dernier. (1)

On sait à quel point le non-accès aux médicaments essentiels est un problème grave dans les pays du Sud (2). L’une des causes en est le prix (trop) élevé des médicaments, conséquence de la situation de monopole dont jouissent les exploitants de brevets. Pour des raisons majeures de santé publique, il est vital que les pays pauvres puissent être exemptés des droits des détenteurs de brevets. C’est ce que l’OMC a prévu en autorisant la production locale de médicaments génériques. Mais qu’en est-il pour les pays qui, faute de capacités de production, ne peuvent profiter de cette marge de manœuvre ? Peuvent-ils importer des médicaments génériques ? Et à quelles conditions ?

A Doha en novembre 2001, l’Union européenne avait obtenu des Etats-Unis l’engagement de trouver une solution avant la fin de l’année 2002. Du coup, chacun s’était félicité des vertus de la négociation internationale. La Déclaration de Doha reconnaissait clairement la primauté de la santé publique sur la liberté du commerce. Les médicaments ne sont pas des produits industriels comme les autres et les Etats peuvent prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires pour “promouvoir l’accès de tous aux médicaments”… Mais aujourd’hui, c’est sur la liste des grandes maladies à prendre en compte que les négociateurs n’ont pu se mettre d’accord.

- Les pays producteurs plaidaient pour avoir le droit de définir eux-mêmes ce qui relevait de la santé publique dans leur pays, ce que les industriels n’ont pu accepter.

- Les pays à revenu intermédiaire comme le Brésil et l’Inde, produisant de nombreux génériques, soutenaient cette position, celle-ci leur ouvrant des nouveaux marchés.

- Les Etats-Unis, mais aussi des pays comme la Suisse et le Japon, disposant d’une puissante industrie pharmaceutique, mettaient en avant le fait que la proposition était trop ouverte et pouvait s’étendre à des maladies non transmissibles (comme le diabète et l’asthme). Hantés par la concurrence potentielle de pays comme l’Inde et le Brésil, ces pays affirmaient qu’en fragilisant la protection des brevets, on risquait du même coup d’affaiblir la recherche et le développement. Un argument cent mille fois répété depuis la création des médicaments à bas prix, qui ne se vérifie pas et qui ne sert qu’à protéger de plantureux bénéfices !

Les Américains avaient bien proposé une contre-liste moins étendue, reprenant 15 maladies tropicales, surtout africaines (dont l’Ebola… pour laquelle il n’existe pas de traitement !).

Mais cette proposition a été jugée trop restrictive par les opposants et ne pas correspondre à “l’esprit et la lettre de Doha”.

- Quant à la position des pays européens, en ne cessant de balancer entre la raison humanitaire (soutenir effectivement l’accès le plus large possible des médicaments aux pays les pauvres) et le réalisme politique ou commercial, elle finit pas s’aligner sur la position américaine.

Craignant le détournement de ces génériques vers des pays à revenu moyen ou élevé, les multinationales détentrices de brevets ont en fin de compte obtenu des pays industrialisés de défendre des propositions assorties de telles conditions administratives et légales qu’elles rendent le recours à des importations parallèles beaucoup trop lourd, restrictif et quasiment inapplicable pour les pays concernés

A l’issue de cette réunion de l’OMC, constatant son échec, le mouvement français Act Up avait froidement titré son communiqué : “Noël à l’OMC : 15 millions de morts”. Un constat que ne peut contredire les services de renseignements américains : la CIA estime en effet que d’ici 2010, plusieurs dizaines de millions de personnes seront emportés par le sida et que des pays aussi peuplés que la Chine, l’Afrique du sud ou l’Inde pourraient être fortement déstabilisés (3). Malheureusement, il y a des scandales qui ne méritent pas d’être médiatisés ou si peu.

Christian Van Rompaey

 

(1) Voir Internet de la Communauté de travail des six grandes organisations de développement suisses www.swisscoalition.ch

(2) Voir entre autres Internet www.enmarche.be  :

www.enmarche.be/Editos/un_conflit_exemplaire.htm

www.enmarche.be/A_suivre/Apartheid_sanitaire.htm

www.enmarche.be/A_suivre/Sante_publique_commerce_mondialisation.htm

(3) Lire dans Le Monde diplomatique de décembre 2002 l’article de Philippe Rivière : “A l’OMC, toujours pas d’accord sur les médicaments”.