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Le “vrai” prix d’une guerre (20 septembre 2003)

Des millions de manifestants à travers le monde affirment une conviction forte : la force ne passe pas nécessairement par le recours aux armes. Pour toute réponse, George Bush annonce qu’il remplira son “devoir de guerre”, coûte que coûte.

Pouvait-on espérer une autre réponse du consortium d’affairistes, qui a pris – de justesse – le pouvoir aux États-Unis ? Tout l’entourage immédiat de Georges Bush est composé d’hommes qui voulaient cette guerre depuis des années (1). Maintenant qu’ils sont sur le point d’y aller, il ne suffira pas de manifester pour les faire reculer.

Certes, il ne faut pas se faire d’illusion sur le dictateur Saddam Hussein. Mais la guerre voulue par George Bush libérera-t-elle le peuple irakien ? Une victime qui a déjà subi les conséquences dramatiques d’un embargo provoquant une déscolarisation massive, une énorme mortalité infantile, une chute tragique des revenus, une régression économique et sociale dans tous les secteurs, une forte émigration vers l’étranger, comme l’ont décrit de très nombreux observateurs (2).

 

Dans son dernier bulletin, l’Association Médicale pour la Prévention de la Guerre nucléaire (AMPNG) fait écho à un rapport rédigé par des médecins et expert de santé publique sur “Le coût de la guerre sur la santé et l’environnement en Irak”(3).  Dans celui-ci, fondé sur l’analyse de la première guerre du Golfe et sur les scénarios formulés par le Pentagone, le Dr. Musil affirme : “Une guerre, même si elle est high-tech et de haute précision démolit les infrastructures et désorganise tous les services d’une société, rendant la distribution d’eau, d’énergie et de soins médicaux plus qu’aléatoire. Les conséquences de la perte de ces services essentiels seront des infections, des épidémies, de la malnutrition et une famine à grande échelle.”

 

Dans une intéressante note de synthèse intitulée “Les coûts de la guerre” (4), le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) rappelle la position du prix Nobel d’économie 1991, Joseph Stiglitz, récemment nommé docteur honoris causa de l’UCL. Même si les coûts directs d’une attaque militaire contre le régime de Saddam Hussein sont supportables pour le budget américain, dit-il, “la volonté affichée par Bush de privilégier la prudence au niveau de la fiscalité laisse penser que la plupart des coûts de la guerre seront couverts par des coupes budgétaires dans d’autres secteurs (éducation, santé, recherche et environnement)… La guerre sera donc néfaste en termes de niveau de vie.”

 

Plusieurs estimations ont tenté de mesurer les coûts de cette guerre. Ils oscillent entre 100 à 200 milliards de dollars. Pour se donner un point de comparaison, il faut savoir que 100 milliards de dollars représentent trois fois le montant dépensé par le gouvernement fédéral américain pour l’enseignement primaire ou la fourniture pendant 5 ans de soins médicaux à tous les enfants non assurés médicalement aux États-Unis.

 

Mais surtout, il ne faut pas négliger que le coût réel de la guerre ne se limite pas au champ de bataille. Il faut aussi prendre en compte la gestion de l’après-conflit, comme l’affirme Wilhiam D. Norhaus, professeur d’économie à l’Université de Yale. Dans les rapports et scénarios présentés à la Chambre et au Congrès américain, dit-il, “aucune de ces estimations ne prend en compte la possibilité d’un conflit de longue durée et, plus grave encore, sous-estiment les coûts élevés qui surviendront après la victoire quand il s’agira de maintenir la paix, reconstruire le pays et édifier des structures étatiques. Selon lui, “les Américains sous-estiment beaucoup la charge que représente une guerre menée à son terme avec le renversement d’un régime et une occupation”. Dans l’hypothèse la moins favorable, le “vrai” coût de la guerre approcherait sur 10 ans 1.900 milliards de dollars. Nous sommes donc loin des 200 milliards, au pire, évoqués par les conseillers de la Maison Blanche !

 

Les États-Unis sont-ils prêts à entrer dans une vaste reconstruction de l’Irak alors que, constate Nordhaus, “dans tous les pays où Washington est intervenu militairement au cours des quatre dernières décennies, les bombardements ont rarement été suivis de travaux de reconstruction.” C’est le cas de l’Afghanistan dont, par ailleurs, on ne peut pas dire qu’il soit stabilisé. En septembre 2002, les États-Unis avaient dépensé 13 milliards de dollars en effort de guerre en Afghanistan, mais le budget total du Pentagone engagé pour les travaux civils ou l’aide humanitaire ne totalisait que 10 millions de dollars !

 

En conclusion, affirme le GRIP, si l’administration Bush fait le forcing pour motiver “sa” guerre contre l’Irak, elle sous-estime le poids économique de la reconstruction. Les Américains ont-ils un plan de développement pour l’Irak ou n’ont-ils pour seule obsession que de renverser Saddam Hussein, à n’importe quel prix ?

Christian Van Rompaey

 

(1) Lire dans le Courrier International (N°640 - du 6 au 12 février 2003) : “Qui manipule qui ?”. Internet : www.courrierinternational.com.

(2) Voir le recueil de témoignages dans “L’Irak, à qui la faute ?” (Éditions du Cerf)
Des responsables politiques, religieux, économiques éclairent, par leurs analyses et leurs réactions, la situation.

(3) Newsletter 80 (4e trimestre 2002). Ce rapport (en anglais) a été rédigé par l’International Physicians for the Prevention of Nuclear War peut être téléchargé www.medact.org 

Plus d’informations : AMPGN, 48, avenue des Platanes - 4000 Liège - Tél. 04/252.22.40.

(4) Irak : Les coûts de la guerre, Caroline Pailhe, attachée de recherche au GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, 33 rue Van Hoorde - 1030 Bruxelles). Renseignements : 02/241.84.20 - Internet : www.grip.org - e-mail : admi@grip.org