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A suivre (1 mai 2003)

La culture selon l’extrême droite

On aime croire qu’il n’y a point de culture lorsqu’on parle de l’extrême droite ou alors une culture barbare. Ce serait trop facile. Il existe une “culture brune” qui tente de s’imposer de-ci, de-là. En Europe, les politiques culturelles menées par l’extrême droite sont très inquiétantes…

 

En France, le programme du Front national prévoit d’arrêter les aides à l’art contemporain. La culture française, la vraie se trouve dans le folklore y indique-t-on. A Toulon, d’un côté la police a effectué une descente dans un concert rock de jeunes et de l’autre la mairie soutient l’organisation de l’élection de “la plus jolie et la plus gentille jeune fille”. En Norvège, le Parti du Progrès s’est opposé à la construction d’un nouvel Opéra à Oslo prétendant que le coût est bien trop conséquent pour un art finalement tellement élitiste. A Rotterdam aux Pays-Bas, la Liste Pim Fortuyn a préféré augmenter le budget de la sécurité pour mettre plus de policiers dans les rues au détriment de la culture dont les financements sont amputés de 10 %. Au Danemark, le ministre de la Culture du nouveau gouvernement de droite défend l’idée qu’un artiste qui ne sait pas vivre seul de sa production n’a qu’à aller chercher son gagne-pain ailleurs. En Autriche et plus spécialement dans le Land de la Carinthie, la stratégie culturelle de Jörg Haider et son acolyte Andreas Mölzer du FPO ont entamé un travail de sape des autorités culturelles en place pour réorienter petit à petit les subventions vers les associations d’extrême droite. Chorales de chants traditionnels allemands, fanfares et autres associations patriotiques se voient ainsi honteusement graisser la patte au détriment de l’art contemporain qui incite les gens à la pédophilie (dixit monsieur Mölzer !). En Belgique, le programme culturel du Vlaams Blok est assez mince. Il promeut la culture flamande et surtout pas les initiatives multiculturelles. Le Vlaams Blok propose par exemple de supprimer le Musée Royal d’Art africain… Les exemples des dangers que représente la culture vue par la lorgnette de la droite extrême ne manquent malheureusement pas…

Dans un dossier de la revue française Culture Europe, sa directrice Anne-Marie Autissier a ainsi rassemblé une série de textes très intéressants qui analysent les liens entre populisme de droite, extrêmes droites et culture dans de nombreux pays européens (1). “A peu près dans tous les pays où ces partis ont voix au chapitre, la première mesure annoncée est celle de la réduction des budgets publics pour la culture, a expliqué Anne-Marie Autissier lors du second atelier organisé par Culture et Démocratie (voir ci-dessous). Avec un discours adapté aux circonstances : il s’agit de “libérer” l’art et la culture de leur dépendance à l’égard de l’État et d’en finir avec une “culture d’État”. En même temps, l’art libéré se retrouve confronté aux seules lois qui comptent, celles du marché lui-même dissimulé sous les arbitrages de la vox populi. Enfin, les restrictions apportées aux budgets culturels se fondent sur la nécessité de s’intéresser à des mesures plus utiles pour la population.” Le citoyen est du même coup désormais libre de payer pour la culture qui lui plaît.

“Dans les droites intellectuelles radicales que j’ai eu l’occasion d’étudier, explicitait Joël Roucloux, historien de l’art et des idées politiques, lors de ce même atelier de réflexion, tout renvoie sans cesse aux notions d’identité, de terroir, d’enracinement. Le mot clef me paraît celui d’ethnicisme : la défense de l’identité culturelle est présentée comme la finalité même de l’action politique.” Si pour les uns la notion de culture s’entend comme un ensemble de créations et d’expressions multiformes et multiculturelles, pour les autres la culture s’entendra comme “l’ensemble des traditions, des institutions et des représentations symboliques dans lesquelles se reconnaît une communauté historique et linguistique donnée”.

 

Le Front National belge explique par exemple clairement dans son programme qu’il faut lutter contre une “société multiculturelle, magma d’individus sans racine et sans destin” ! Les bibliothèques des municipalités conquises par le FN français ont dû supprimer la littérature arabe, juive jusqu’au contes africains pour faire la place aux délires négationnistes et révisionnistes.

Que reste-t-il à ceux qui sont convaincus que ces idées extrêmement brunes de la culture sont dangereuses, sinon la résistance ?

 

Jan Blommaert, africaniste et linguiste de l’Université de Gand, propose sept solutions de rechange. Sa première stratégie de résistance consiste à mettre les questions de qualité au centre des préoccupations et “d’en finir avec l’assimilation généralisée de la ‘qualité’ avec ‘ce qui se vend’ ”. En second : “refuser de consommer”. Pourquoi en effet, continuer à consommer de la Star Académie ou autre Nice people, si on trouve cela mauvais ?

 

L’identification du jeu néfaste de l’extrême droite envers la culture est déjà une première étape vers la résistance. En débattre, comme le propose Culture et Démocratie est une étape de plus. Jan Blommaert indique très justement : “Une culture du débat est une culture de la différence, de la confrontation d’idées de rechange”.

Françoise Robert

 

(1) Culture Europe (n°38, décembre 2002) consacré au thème “Populisme de droite, extrêmes droites et culture”. Revue disponible à Culture et Démocratie (02/502.12.15).

 

Pour aller plus loin :

• Culture et Démocratie/Kunst en Democratie organise son 3ème atelier public sur le thème “Culture, extrême droite et populismes” le mardi 13 mai de 17 à 20h au Théâtre Royal de la Monnaie, salle Fioco, 23 rue Léopold à 1000 Bruxelles.

• Les textes des 2 premiers ateliers sont disponibles auprès de Culture et Démocratie et sur son site.

Infos : www.cdkd.be  • cultureetdemocratie@wanadoo.be  • 02/502.12.15.