Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre (20 mars 2OO3)

La crise de l’eau

“Parmi toutes les crises d’origine sociale ou naturelle auxquelles les humains sont confrontés, la crise de l’eau est au cœur de notre survie et de la survie de notre planète Terre”, a déclaré le Directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura, en présentant les conclusions du premier “Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau” réalisé par 23 agences des Nations-Unies.

Lors de la présentation de ce rapport, à la veille du 3ème Forum mondial de Kyoto (Japon), le directeur général de l’Unesco n’a pas hésité à dramatiser la situation : “Aucune région, a-t-il affirmé, ne sera épargnée par l’impact de cette crise qui touche tous les aspects de la vie, de la santé des enfants à la capacité des pays à nourrir leurs citoyens. Les ressources en eau sont en chute libre alors que la demande augmente de façon dramatique. Au cours des 20 prochaines années, on s’attend à une diminution d’un tiers, en moyenne, de l’eau disponible par personne dans le monde”. (1)

Mais déjà, de nombreux pays et territoires sont en situation de crise comme le montre le classement de 180 pays et territoires, établi selon les ressources renouvelables en eau et disponibles par individu. Les plus pauvres en eau sont le Koweït (avec un coefficient de disponibilité en eau par personne et par an de 10 m3), la Bande de Gaza (52 m3), les Émirats arabes unis (58 m3), les Bahamas (66 m3), le Qatar (94 m3), les Maldives (103 m3), la Jamahiriya arabe libyenne (113 m3), l’Arabie saoudite (118 m3), Malte (129 m3) et Singapour (149 m3).

 

On estime que vers 2050, 7 milliards de personnes dans 60 pays (hypothèse pessimiste) ou 2 milliards dans 48 pays (hypothèse optimiste) seront confrontées à une pénurie d’eau. Le problème est tel que la guerre de l’eau pourrait s’ajouter aux guerres du pétrole ! Sur 507 litiges liés à l’eau ces 50 dernières années, 21 ont effectivement conduit à des actions militaires.

Le changement climatique expliquerait environ 20 % de l’augmentation de la pénurie d’eau dans le monde. Les zones humides vont probablement recevoir davantage de pluies, alors qu’on s’attend à ce que les précipitations diminuent et deviennent plus irrégulières dans de nombreuses régions sujettes aux sécheresses, voire dans certaines régions tropicales et subtropicales. La qualité de l’eau va empirer en raison de l’augmentation de la pollution et de la température de l’eau ! Mais attention, il ne s’agit pas seulement d’un phénomène “naturel” dont personne ne serait responsable, prévient Riccardo Petrella, auteur du Manifeste de l’eau (1998). Celui-ci dénonce les prélèvements excessifs, les gaspillages invraisemblables, la pollution élevée. “C’est ainsi, dit-il, que nous avons asséché les fleuves et les nappes, détruit la vie dans les lacs, contaminé le sol, dévasté le territoire, favorisé les pluies acides… Il n’y a rien d’irréversible dans les processus actuels.” (2)

 

La pollution vient encore s’ajouter au risque de raréfaction de l’eau. Environ 2 millions de tonnes de déchets sont déversés, chaque jour, dans les fleuves, lacs et rivières, lit-on dans le rapport. Un litre d’eau usée pollue environ huit litres d’eau douce. Il y aurait environ 12 000 km3 d’eau polluée dans le monde, soit plus que toute l’eau des dix plus grands bassins fluviaux du monde et ce, à n’importe quelle période de l’année. Si la pollution continue à un rythme identique à celui de la croissance démographique, la planète va perdre 18 000 km3 d’eau douce d’ici à 2050 - soit près de neuf fois la totalité de ce que les pays utilisent chaque année pour l’irrigation, qui est de loin l’activité la plus consommatrice en eau, puisqu’elle représente 70 % des prélèvements d’eau. Et ceux-ci devraient encore croître de 14 % d’ici à 2030.

Tandis que dans les pays riches il s’agit de lutter, au prix d’une facture de plus en lourde, pour éviter une dégradation des ressources en eau, en principe suffisantes, par la pollution agricole et industrielle, au Sud, “plus de 2,2 millions de personnes meurent chaque année de maladies dues à l’eau contaminée et à un mauvais système sanitaire.”

 

Le Rapport mondial sur l’eau aborde également la question cruciale des rapports entre secteur public et entreprises privées commerciales en citant le diagnostic alarmiste établi en 1999 par Maude Barlow, fondatrice de l’ONG Projet Planète bleue : “La privatisation des services municipaux de distribution d’eau a un terrible passif bien documenté. Les tarifs sont doublés ou triplés; les profits croissent parfois de 700%, la corruption est rampante ; la qualité de l’eau se dégrade, parfois gravement ; le gaspillage est promu et ceux qui ne peuvent payer sont débranchés…” (3) Toute privatisation ou système de fixation du prix de l’eau doit inclure des mécanismes de protection des plus pauvre, affirme le Rapport. A Delhi (Inde), les habitants les plus riches ont accès au réseau de distribution pour environ un centime d’euro les 1.000 litres. Dans les quartiers pauvres, les marchands d’eau facturent l’eau presque 5 fois plus cher (4).

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Ce Rapport représente la plus importante contribution au Forum et à l’Année internationale de l’eau douce http://www.wateryear2003.org - coordonnée par l’UNESCO et le Département des Affaires économiques et sociales des Nations Unies -

(2) Professeur à l’UCL, Ricardo Petrella a été un des premiers a parlé de “bien public mondial, de bien commun de l’humanité, accessible à tous” -

(3) Voir la Libre Belgique du 15-16 mars 2003 : “Non aux guerres de l’eau” www.lalibre.be -

(4) L’Or bleu. Éditions Fayard novembre 2002.