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A suivre (19 septembre 2002)

 

Inégalités des chances

à l’entrée de l’université

 

Le nombre d’étudiants universitaires en Communauté française a presque doublé depuis 1967, passant de 33.000 étudiants à 62.000 aujourd’hui. Ce mouvement s’est-il pour autant accompagné d’une démocratisation de cet enseignement ? Autrement dit, la population étudiante est-elle le reflet de toutes les composantes de la société ?

Non, répond Marcel Crochet, recteur de l’Université Catholique de Louvain (UCL) : “Les jeunes d’origine modeste rencontrent toujours plus de difficultés à accéder et à réussir dans l’enseignement supérieur”.

 

Il n’existe pas de réponse immédiate à cette question, faute d’enquêtes systématiques portant sur de longues périodes. Mais, par recoupement et par comparaison, à partir d’enquêtes conduites par l’UCL depuis 1968 auprès de tous les étudiants de la première génération, il a été possible de donner pour la première fois une photographie assez précise du progrès social, ou plus exactement de la stagnation sociale de l’enseignement universitaire, les données UCL pouvant être assez largement étendues à l’ensemble des étudiants de la Communauté française. C’est donc à une commission conjointe du MOC (Mouvement ouvrier Chrétien) et de l’UCL qu’a été confiée le soin de vérifier dans quelle mesure chaque citoyen de la Communauté française, à capacités égales, bénéficie des mêmes chances d’atteindre le niveau d’études auquel il aspire. Les chiffres dévoilent crûment une réalité que l’on soupçonnait, mais dont on n’imaginait pas bien l’ampleur.

Cette étude montre ainsi que la proportion d’étudiants issus de milieux socio-professionnels élevé est passée de 31,6% (en 1967) à 41,2% (en 1999). Dans le même temps, celle des étudiants issus de milieu modeste est en régression lente passant de 21,8 % (en 1967) à 17,6% (en 1999). Comparé à l’évolution de la population belge, les étudiants issus de milieu modeste ont toujours été sous-représentés à l’université : en 1967, ils représentaient 22% de la population étudiante pour 50% de la population belge. Ce rapport s’est lentement amélioré jusqu’en 1986. Depuis lors, il stagne…

L’étude montre également à quel point le niveau d’instruction des parents pèse sur la décision d’entrer à l’université et puis d’y réussir ! Ainsi, la probabilité qu’avait un jeune né en 1981 d’accéder à l’université en 1999 - 18 ans plus tard - variait de 3,2 à 79,6% selon que les parents n’avaient pas dépassé le stade des primaires ou que les parents avaient fait des études universitaires. Par ailleurs, la chance de réussir la première année d’étude universitaire variait de 0,8% à 44,1% selon que le père est diplômé de l’enseignement primaire ou universitaire (voir le tableau ci-dessous). On est donc très loin de l’égalité des chances…

 

Pour un observatoire de la vie étudiante

L’an dernier, en France, Richard Descoings, le directeur de l’Institut d’études politiques de Paris (familièrement Sciences Po), temple de l’élitisme républicain, avait provoqué une petite tempête médiatique pour avoir passé des conventions avec sept lycées situés en Zones d’éducation prioritaire (ZEP), permettant à certains lycéens de la banlieue d’accéder aux plus hautes études sans passer par le sacro-saint concours d’entrée. Richard Descoings cherchait ainsi, par un geste fort, de forcer le cours des choses et de briser ce qu’un commentateur appelait la “consanguinité sociale des élites”. La démocratisation des études exige cependant un travail de longue haleine autrement complexe.

Notre système - moins dur en général que celui de nos voisins français - est basé sur les meilleures intentions : enseignements primaire et secondaire obligatoires et essentiellement gratuits, enseignement supérieur largement subsidié et, sauf exception sans concours d’accès. Le recteur de l’UCL, Marcel Crochet pense que des recherches approfondies doivent être menées sur diverses trajectoires individuelles qui conduisent au refus des études supérieures… “On peut avancer un déficit de conditions sociales et culturelles favorables au travail intellectuel, le manque d’information, d’expérience ou de conseil face aux problèmes à l’école ou encore l’absence d’horizons autres que la situation sociale de départ. Le non-choix de l’enseignement supérieur, plus marqué dans les milieux modestes, pourrait être aussi le fruit de nombreux facteurs, tels qu’une trajectoire scolaire dans des options peu propices à la poursuite d’études supérieures et le coût des dépenses extra-scolaires liées à la poursuite des études. Il faut aussi citer les représentations qu’ont les jeunes et leur famille de la vie étudiante, des possibilités d’accès, des chances de réussite, des perspectives d’avenir et des débouchés possibles, ou encore, le mirage de la réussite matérielle en dehors de tout cadre de formation...” Pour combler ce manque d’information, le recteur a défendu l’idée d’un “Observatoire de la vie étudiante” afin de mettre au point une stratégie d’égalité des chances face à la société de la connaissance.

 

Christian Van Rompaey

Accéder et réussir à l’université

Probabilité d’accès à l’université et de réussite de la première année de la génération 1981 en fonction du niveau d’études de la formation du père      

  Primaire Secondaire inférieur secondaire supérieur supérieur non universitaire universitaire

 

50.500 jeunes nés en 1981 10.500 13.080 14.797 7.272 5.303
9.500 universitaires en 1999 319 836 1.464 2.659 4.222
Probabilité d'accès 3,2% 6,4% 9,9% 36,6%

79,6%

Nombre de réussites 83 284 531 1.085 2.339
Probabilité de réussite 0,8% 2,2% 3,6% 14,9% 44,1%