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A suivre   (21 février 2002)

Sens et finalité du travail social

Le vendredi 8 février dernier, les enjeux philosophiques en travail social étaient au cœur des réflexions menées lors du colloque organisé à l’Institut Cardijn qui fête ses 80 ans. Un bel hommage à Joseph Van Haeperen qui, comme professeur puis directeur, a contribué de manière décisive à éveiller des générations d’étudiants à la démarche philosophique.

“Travailler le social, cela ne s’improvise pas”. Cette phrase, les formateurs, étudiants et anciens de l’Institut Cardijn la connaissent bien. Elle signe tous les documents de l’Institut qui fête cette année ses 80 ans. Créé en 1922 par le Mouvement Ouvrier Chrétien, l’Institut fonde la formation qu’il dispense et le projet de travail social auquel elle conduit sur un ensemble de valeurs humaines et chrétiennes: le respect fondamental de chaque personne, la promotion de sa dignité, de sa responsabilité et de son autonomie de décision dans tous les aspects de la vie. C’est également le refus de l’injustice et de l’exclusion sociale, la lutte pour l’égalité des chances avec un engagement prioritaire en faveur des plus démunis, la mise en œuvre de la solidarité…

“Les travailleurs sociaux sont des hommes et des femmes de terrain qui bénéficient d’un savoir faire et possèdent des connaissances les rendant aptes à analyser les modes de fonctionnement de l’homme et de la société. A l’Institut Cardijn nous sommes tout particulièrement soucieux d’éveiller les étudiants à la question du sens du travail social, d’éclairer la pratique sociale de réflexions philosophiques”, explique Joseph Van Haeperen qui est parti en début d’année scolaire à la pension après avoir assuré la direction de l’Institut pendant 27 ans. Et d’ajouter: “Le travailleur social est bien souvent dans une situation inconfortable. Il est écartelé entre l’idéalisme et la fonctionnalité, entre l’autonomie de l’individu et les exigences de la collectivité. Le travailleur social est mandaté par l’institution qui l’emploie mais il doit essayer de nouer une véritable alliance avec l’usager pour le rejoindre dans sa dignité”. La dignité humaine, voilà bien un concept qui n’arrête pas de perdre du terrain, comme s’en est inquiété Jacques Fierens, professeur aux FUNDP, lors du colloque intitulé “Enjeux philosophiques en travail social” qui a rassemblé à l’Institut près de 300 personnes le 8 février dernier. “Dans notre société, la notion de contrat s’est imposée dans tous les domaines à un point tel qu’elle met en péril la notion de dignité humaine qui pourtant, est inscrite dans les textes normatifs, la Constitution, les traités… et est aussi, rappelons-le, le fondement de l’aide sociale. Un fondement mis à mal par la logique de l’insertion contractualisée développée dans la droite ligne de l’Etat social actif “.

Cette analyse est partagée par Jean-Louis Genard, sociologue à l’ULB, qui a montré combien notre société est devenue de plus en plus exigeante à l’égard des individus, en glissant d’une responsabilité collective à une responsabilité individuelle. “L’Etat-Providence” était le résultat d’un travail de collectivisation de la responsabilité et du risque (accidents du travail, pauvreté…). Accusé d’assister les personnes, cet Etat-Providence est balayé aujourd’hui par l’Etat social actif qui rend l’individu responsable de sa situation et conditionne les droits à l’aide sociale aux devoirs de l’activité et de l’insertion. Cette responsabilisation individuelle envahit tous les champs de la société (management, médecine, éducation…)”. Et le sociologue de citer un exemple: “Quand un enfant naît handicapé, on ne dit plus que c’est la fatalité mais on cherche à savoir si le médecin n’a pas commis une faute en ne révélant pas un risque de malformation. Cette pression à la responsabilité individuelle est de plus en plus forte et lourde à porter. Cela peut d’ailleurs paralyser l’action. Mais cela oblige aussi les professionnels à contracter des assurances pour limiter l’impact financier en cas de mise en cause de leurs responsabilités.”

La nouvelle argumentation sur la responsabilité et les droits et devoirs dans notre société s’accompagne d’une lecture de l’échec très stigmatisante. Si être sujet, c’est se prendre en charge, être responsable, s’assumer, il faut pouvoir encaisser les échecs personnels car on en est responsable: telle est la nouvelle image du sujet qui marque bien entendu plus ceux qui ne peuvent l’assumer. L’échec est moins lu dans le vocabulaire politique de l’aliénation que dans celui de l’expressivité du mal être, de la mauvaise gestion de soi, ce qui renvoie à une approche psychopathologique.

Le travail social malmené

Lors du colloque, Jean-Paul Gérard, Professeur de pratique professionnelle à l’Institut Cardijn, a invité les travailleurs sociaux à organiser la riposte contre cette dérive qui voudrait qu’on responsabilise chacun des usagers, voire, qu’on ne travaille qu’avec ceux qui veulent s’en sortir, devenant ainsi les auxiliaires de pratiques répressives et moralisantes.

“Il faut opérer tout d’abord une riposte pragmatique en réinventant l’éducation et l’autorité. En effet, le libre choix de la personne est déterminant dans la réussite de son projet social mais on ne doit pas avoir peur de poser des limites, réaffirmer des interdits, envisager des sanctions même. Ensuite, nous devons lancer une riposte culturelle avec les usagers pour débusquer les sémantiques qui nous enferment et libérer la parole dans des groupes d’usagers. Enfin, la riposte politique par le conflit s’impose. Nous devons dénoncer avec force le tort collectif subi par les usagers pour sortir de la médicalisation et de la psychologisation des échecs sociaux “.

Joëlle Delvaux

Institut Cardijn - rue de l’Hocaille 10 - 1348 Louvain-la-Neuve -

Tél.: 010/48.29.62. - courriel: secretariat@i.c.skynet.be