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A suivre (7 février 2002)

 

Comment protéger

les personnes mentalement perturbées ?

“Un état mental gravement perturbé, tel que dans la maladie d’Alzheimer, justifie-t-il que soient prises des mesures spéciales de protection?” Telle était la question soumise par Marcel Colla au Comité consultatif de Bioéthique, à l’époque où il était Ministre de la Santé Publique et des Pensions. Cette question était suivie d’une seconde interrogation relative à l’expérimentation thérapeutique sur les personnes qui ne sont plus capables d’un consentement libre, informé et autonome (1).

 

Le Conseil consultatif de Bioéthique encourage la rédaction de “directives anticipées” et la désignation d’un “représentant de la personne malade” pour prévenir le jour où une personne démente perd toute capacité de décision.

Les deux questions posées au Comité consultatif de Bioéthique prennent d’autant plus d’importance que la population vieillissante ne cesse d’augmenter et que les diverses formes de maladies dégénératives du cerveau, dont la maladie d’Alzheimer, représentent un véritable problème de santé publique. Ces personnes, à des rythmes divers, mais dans une progression le plus souvent irréversible, sont de moins en moins autonomes, deviennent incapables d’estimer ce qui est bon pour elles, ne peuvent plus s’alimenter elles-mêmes et assurer leur hygiène personnelle, gérer leur biens et les obligations d’une vie sociale. Selon les études, les diverses formes de démence toucheraient 6 à 9% des personnes de plus de 65 ans (dont 50 à 70% atteintes de la maladie d’Alzheimer), soit 150.000 personnes actuellement dans notre pays (275.000 dans 10 ans).

“La démence soulève, en terme de soins, un problème éthique évident. Comment respecter la règle du consentement éclairé, une exigence déontologique et un principe juridique essentiel à tout acte médical, dans les soins apportés aux déments ?”

 

Le Comité de Bioéthique constate que notre arsenal juridique ne dispose pas des moyens nécessaires lorsque des personnes démentes voient diminuer progressivement leurs capacités de décision sur des périodes parfois très longues. Aussi, dans l’esprit de l’avant-projet de loi actuellement en discussion sur les droits des patients, il recommande d’instituer une procédure légale encourageant la rédaction de “directives anticipées” avec la désignation d’une personne de confiance qui veillerait à leur application le jour où la personne malade n’a plus les moyens de se gérer elle-même. Allant plus loin que l’avant projet de loi en discussion, les membres du Comité consultatif estiment que le Juge de Paix devrait confirmer la désignation du “représentant de la personne” qui a été choisi par celle-ci alors qu’elle en était encore capable. A défaut, le Juge de paix désignerait d’office un “représentant de la personne malade.”

 

Cette proposition n’est pas un acte de méfiance à l’égard des protecteurs naturels du malade que sont la famille, les amis, les soignants… L’objectif est de clarifier la situation de la personne atteinte de démence en identifiant un interlocuteur responsable des décisions à prendre dans tout ce qui concerne sa santé en fonction des options qu’elle aurait affirmées antérieurement. (2)

 

Les membres du Comité consultatif de Bioéthique divergent cependant quant au poids à accorder aux “directives anticipées”. Selon que la notion de “dignité humaine” est liée à une capacité d’autonomie, à une capacité d’échange ou à une dimension transcendante, certains acceptent et d’autres refusent de prendre en considération des demandes actives de fin de vie ou des expérimentations médicales dont la personne ne pourrait trouver aucun bénéfice personnel.

 

Quant à la possibilité de mener des expérimentations sur les personnes incapables de donner un consentement, le Comité constate que les dispositions internationales l’autorisent, même sans bénéfice direct pour ces personnes, moyennant des limitations très strictes. La question fondamentale qui est posée est celle de toute expérience médicale. Mais elle prend évidemment une autre dimension quand la capacité de consentir est absente, partiellement ou totalement. (3)

 

Il y a consensus pour penser qu’une personne atteinte de démence, mais capable encore de consentir à une expérience, doit être traitée comme un citoyen ordinaire. Il y a également consensus pour estimer que l’expérimentation sur les personnes démentes peut se justifier - à moins qu’elles aient rédigé des directives anticipées contraires - dans la mesure où la personne peut en retirer des avantages, dans le respect du principe de proportionnalité entre risques et bénéfices. Par contre, la possibilité de conduire des expériences sur des personnes incapables de donner leur consentement, sans que celles-ci puissent leurs apporter des bénéfices directs pour leur santé, suscite des avis divergents selon que l’on met en avant les bénéfices que peuvent tirer de ces expériences l’ensemble des malades ou l’idée que, en aucune façon, une personne ne peut être instrumentalisée par une recherche scientifique. D’autres encore estiment que cela ouvrirait une brèche dangereuse dans la protection de personnes gravement vulnérabilisées.

 

Comme dit plus haut, à propos des traitements, le Comité consultatif de Bioéthique souhaite donc que la loi innove en créant la fonction de “représentant de la personne” (désignée par elle-même ou, à défaut, par le Juge de Paix). Celle-ci serait habilitée à décider à la place de la personne démente en fonction de son état de santé.

Christian Van Rompaey

(7 février 2002)

 

(1) Les deux questions posées par l’ancien Ministre de la Santé renvoyant au même problème, le Comité Consultatif de Bioéthique y a répondu dans un seul avis : Avis n°14 du 10 décembre 2001 relatif aux “Règles éthiques face aux personnes atteintes de démence”.

 

(2) Il est entendu que la gestion des biens de la personne démente constitue un autre problème et que la loi du 18 juillet 1991 y pourvoit déjà en permettant au Juge de Paix de désigner un “administrateur provisoire” financièrement neutre. Le texte de cette loi précise bien que cet administrateur n’a pas la charge de veiller aux soins et à la qualité de vie du patient.

 

(3) Avis n°13 du 9 juillet 2001 relatif aux expérimentations sur l’homme.

 

Plus d’informations : Comité consultatif de Bioéthique, Cité Administrative de l’État, Bâtiment Vésale - 4e étage, Boulevard Pachéco 19, bte 5 1010 Bruxelles. Tél. 02/210.42.34 - Fax 02/210.42.27. Site Internet : http://health.fgov.be/bioeth