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A suivre (2 mai 2002)  

La montée de la droite extrême

Dans les années 80, on s’interrogeait beaucoup sur les causes de l’apparition des partis d’extrême droite. Aujourd’hui, la question qui se pose est celle de son institutionnalisation dans la plupart des pays européens.

Les résultats de l’extrême droite française ne posent pas seulement aux démocrates une question stratégique (“les erreurs de la gauche”), un problème d’arithmétique (“Si Chevènement ne s’était pas présenté…” ou “Si les abstentionnistes s’étaient déplacés…”), un manque de talent en communication (“la gouaille du baroudeur opposée au profil sérieux mais triste du professeur Jospin”), une médiatisation excessive de la question de la sécurité, liée à l’immigration.

Certes, chacun de ces éléments a pu jouer en partie dans le résultat du premier tour des élections françaises et faire la différence entre un Le Pen et un Jospin. Mais franchement, si quelques dixièmes de pour cent de plus en faveur du Premier Ministre français auraient pu modifier le scénario et l’enjeu du second tour des élections, le résultat restait fondamentalement le même. Il n’aurait pas permis d’échapper à la réalité : la montée constante de l’extrême droite.

En Hollande, si les petits partis d’extrême droite ont disparu les uns après les autres, la liste Leefbaar Rotterdam de Pim Fortuym vient de remporter 34% des voix dans cette ville le 6 mars dernier. En Belgique, faut-il rappeler que le Vlaams Blok a obtenu 33% à Anvers en octobre dernier. En Suisse, l’Union Démocratique du Centre a obtenu 22,5% des voix aux législatives d’octobre 99. Au Danemark, le Parti du Peuple danois, dirigé par Pia Kjaersgaad, est devenu le 3ème parti du pays en obtenant 12% des voix en novembre 2001. En Norvège, le Parti du progrès a obtenu 15,3% des voix lors des législatives de 97 alors qu’il n’en avait que 6,3% en 93. En Italie, la Ligue du Nord d’Umberto Bossi qui n’a obtenu que 3,9% des voix en 2001 contre 10,1 en 96, participe cependant dans le gouvernement de Berlusconi. En Autriche, le Parti de la liberté a fait 26,91% lors des législatives de 1999. En Allemagne, aucun des trois partis de l’extrême droite n’est présent au Bundestag, mais on attend avec crainte le résultat des prochaines élections. En Grande-Bretagne, l’extrême droite ne peut apparaître, le scrutin majoritaire au premier tour ayant pour effet d’interdire aux petits partis d’être représentés.

Au moins, dans la partie qui se joue aujourd’hui, les gains constants de l’extrême droite ne peuvent plus être tenus pour anecdotiques, l’immigration et la sécurité, l’une étant lié à l’autre, la remise en question du mouvement social (comme on peut le voir actuellement en Italie), et la remise en question de la légitimité de l’Europe étant trois des leviers de ce populisme européen d’extrême droite.

Aujourd’hui, il nous faut donc aller au-delà des problèmes spécifiques à la France, à l’Italie ou à l’Autriche. Il s’agit d’affronter des défis qui sont ceux de tous les pays de l’Union européenne:

La désaffectation générale de nombreux citoyens à l’égard de la politique et des institutions traditionnelles, qui n’est pas à prendre comme une diminution de l’engagement social et politique de nombreux citoyens mais comme le signe de l’incontestable essoufflement du “système de partis”, jusqu’ici considérés comme les piliers du système démocratique.

La recomposition des forces politiques est plus que jamais nécessaire. Quand la droite et la gauche se retrouvent ensemble pour gouverner, qu’elles convergent vers les mêmes priorités et se rapprochent idéologiquement, elles ont bien du mal à faire croire à leurs différences au moment du choix électoral. Elles favorisent ainsi le choix des électeurs vers des extrêmes plus clairs à leurs yeux.

La médiatisation et la politique spectacle focalisent le débat (?) politique sur l’un ou l’autre thème porteur (comme l’insécurité) au dépens de toutes les autres questions, pourtant essentielles, qui font un vrai programme politique : l’emploi, l’environnement, la justice, l’enseignement… C’est ce que Marc Lits, directeur de l’Observatoire du récit médiatique de l’UCL appelle une “fait diversification” de l’information au dépens de son explication (1)

La désaffection de nombreux travailleurs pour les partis qui les représentaient traditionnellement est un signal important qui témoigne de l’évolution des partis dits de gauche. Beaucoup de milieux populaires ne se sentent plus représentés par les “élites” de gauche de plus en plus proches par leur mode de vie et de pensée de la classe moyenne supérieure.

Certes, l’extrême droite recrute aussi, semble-t-il, parmi les “petits patrons”, ceux qui se sont faits par eux-mêmes. En votant à droite, ils s’opposent au patronat qui représente à leurs yeux le grand capital, l’Europe avec son cortège de règles contraignantes et la mondialisation de l’économie. Mais par ailleurs, l’autre population de l’extrême droite se recrute parmi des personnes peu instruites, soucieuses de leur sécurité, peu informées et inquiètes de l’évolution des mœurs. Ceux-là ne semblent pas vouloir entendre que l’extrême droite est prête à défaire ce que les mouvements sociaux ont patiemment construits en plus d’un siècle : la sécurité sociale et l’aide sociale, comme si cet acquis ne pouvait plus être remis en question. Dans les textes de l’extrême droite, nombreuses aussi sont les références à l’importance de la religion, de la famille et de la morale la plus conforme aux valeurs dites traditionnelles qui assuraient, selon elle, une meilleure cohésion sociale. Le vote à l’extrême droite ne serait que la traduction de leur désarroi devant une société plus ouverte à toutes les influences. Mais suffit-il pour résoudre une crise identitaire de crier “La France aux Français” ou “Vienne aux Viennois”?

Christian Van Rompaey

(1) La Libre Belgique du 26 avril 2002.