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A suivre (5 décembre 2002)

Le “cercle vertueux” de la coopération transfrontalière

Des patients belges atteints du sida, résidant près de la frontière française, se rendent au Centre hospitalier de Tourcoing pour y être soignés tandis que des patients français souffrant d’insuffisance rénale sont dialysés à l’hôpital de Mouscron… Tout au long des frontières, des conventions se concrétisent et permettent aux frontaliers d’être soignés à l’étranger… tout près de chez eux.

Depuis plusieurs années déjà, les organismes assureurs maladie français et belges développent une coopération transfrontalière dans le cadre des programmes de développement régionaux Interreg. L’objectif est de favoriser la complémentarité des systèmes de santé belges et français aux frontières afin de favoriser l’accès des résidants des zones frontalières aux soins de santé. Pourquoi, en effet, faire des dizaines de kilomètres dans son pays quand, juste de l’autre côté de la frontière, un centre hospitalier peut répondre aux besoins des malades. Des conventions de ce type sont en voie de concrétisation pour le traitement des grands brûlés, des soins de réadaptation fonctionnelle, des affections urologiques, des examens IRM et scintigraphies. Encore fallait-il, pour y parvenir, que cela puisse se faire sans que les patients soient obligés de passer par des formalités administratives, lourdes et complexes, donc rebutantes !

Ainsi, en Thiérache (dans la région de Chimay en Belgique et de Hirson en France), s’est développé une expérience unique en Europe. Depuis mai 2000, les 145.000 habitants de cette région peuvent en effet se rendre dans les établissements hospitaliers situés de part et d’autre de la frontière sans formalité administrative particulière, ni autorisation médicale préalable, les systèmes de lecture de la carte SESAM VITALE (pour les Français) et de la carte SIS (pour les Belges) étant tout à fait compatibles. Vu les effets positifs de cette initiative, une convention vient d’être signée entre les deux systèmes d’assurance maladie afin de poursuivre l’expérience.

Par ailleurs, depuis quelques semaines, les organismes assureurs français et belges regroupés au sein de l’observatoire transfrontalier de la santé entameront de nouvelles actions dans le cadre du programme Interreg III. En outre, un nouveau projet transfrontalier doit lancer une recherche-action dans la “Grande région” de la Lorraine, la Moselle, le Grand Duché de Luxembourg et la province du Luxembourg belge afin de dresser l’inventaire des dispositifs sanitaires et d’identifier les complémentarités. Il sera alors possible de créer pour l’ensemble de la population des “zones franche d’accès aux soins”, tout particulièrement pour les patients atteints de pathologies spécifiques, les personnes âgées et handicapées. Ici, comme l’affirme Henri Lewalle, chargé d’études à la Mutualité chrétienne, “l’Europe de la santé est un espoir qui devient une logique d’action”.

 

Une portée européenne

Ce qui se passe à nos frontières est peu médiatisé et pourtant essentiel pour les patients. C’est ainsi que se met en place une Europe sociale adaptée aux spécificités locales et régionales. C’est ainsi que se construit sur le terrain une Europe de la santé autrement inspirée que celle que nous laisse entrevoir les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) marqués par une très forte coloration économique, veillant à ce que les mécanismes de protection sociale nationaux ne puisse porter atteinte à la construction d’un marché européen des services (1). Certes, la Cour admet que, pour des raisons impérieuses d’intérêt général (quand l’économie de marché est en échec), il est possible de faire exception au principe fondamental de la libre prestation de services. Mais force est de reconnaître que la lecture faite par la Cour est dans différentes affaires mettant en cause l’harmonisation des systèmes nationaux de santé est soutenue implicitement par la théorie économique libérale (2).

Si “défaire les frontières” en matière de protection sociale peut avoir des aspects positifs pour l’ensemble des patients, cette évolution ne peut se faire au prix d’un renoncement aux fondements solidaires sur lesquels repose traditionnellement la protection sociale en Europe occidentale.

“Il est temps (…), lit-on dans la revue française Droit social, que les expériences d’organisation transfrontalière de services fassent l’objet d’une promotion plus intense puis d’une évaluation d’ensemble qui porte non seulement sur les “effets sociaux” mais également sur une analyse en termes de mise en jeu de la libre prestation des services. C’est ainsi seulement que le cercle vicieux de compétition par le coût des services peut être transformé en un “cercle vertueux” de la coopération transfrontalière de qualité, illustration concrète, loin de la rhétorique incantatoire classique d’un “modèle social européen” (3).

 

Christian Van Rompaey

 

(1) Au niveau mondial, les négociations qui doivent préciser la portée de l’accord général sur le commerce des services (AGCS) sont entrées dans une phase cruciale, les discussions devant aboutir en juin 2003. Aujourd’hui, on sait qu’une majorité de pays européens n’acceptent pas de libéraliser davantage le secteur de la santé (comme ceux de l’enseignement et de la culture). La conclusion de ce duel qui oppose les Européens aux Américains en juin 2003…

Voir notre dossier sur l’Internet : http://www.enmarche.be/International/les_services_ne_sont_pas_tous_marchandises.htm

 (2)  http://www.enmarche.be/Europe/Circulation_des_patients.htm  -

(3) Francis Kessler (Université de Paris I Panthéon-Sorbonne) et Jean-Philippe Lhernould (Université d’Orléans), L’impact sur le droit de la protection sociale de la jurisprudence CJCE relative à la libre prestation des services.