A suivre

A suivre (21 novembre 2002)

Des chantiers pour l’égalité

Le 30 novembre prochain se tiendra à Liège le premier des quatre forums des Assises pour l’égalité consacrés à la santé. Pluraliste, celui-ci est largement ouvert aux professionnels de la santé, aux malades et aux citoyens qui ambitionnent d’analyser et de s’attaquer aux inégalités dans l’univers des soins et de la santé.

Si personne ne doute qu’en termes de protection, de secours et de réconfort, notre système de soins est de qualité grâce à une couverture sociale élevée des activités médicales et para-médicales ainsi qu’un fort potentiel d’excellence d’équipements et de savoir-faire, ce système ne peut à lui seul résoudre les inégalités persistantes dans le secteur de la santé. En effet, l’état de santé ne relève pas seulement d’une réponse médicale.

La dernière enquête sur la santé des Belges nous indique, par exemple, que l’état de santé des personnes socio-économiquement défavorisées (selon le niveau d’instruction) est généralement moins satisfaisant. La santé mentale est moins bonne, les maladies chroniques plus fréquentes et les incapacités de travail plus longues. Par ailleurs, ceux-ci fument davantage, ont une moins bonne alimentation, souffrent d’une obésité plus importante… ce qui donne de l’eau au moulin de l’éducation à la santé et des campagnes de promotion de la santé. Malheureusement, l’enquête sur la santé des Belges ne nous parle guère du travail qui est pourtant un facteur clé d’inégalité devant la santé.

Cette information, nous la trouvons, entre autres, dans une enquête publiée au début de 2002 par le Haut Comité de la santé publique en France. Son dernier rapport ( paru en 1994) avait largement contribué à lever le voile d’ignorance recouvrant les fortes inégalités sociales de santé selon le facteur travail. Aujourd’hui, il faut cependant constater que celles-ci ne régressent pas !

Ainsi, la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre âgés de 35 ans atteint 6,5 années. Deux ouvriers sur huit, âgés actuellement de 35 ans, décèderont avant l’âge de 65 ans, pour un décès de cadre sur dix. Le score de risque d’invalidité d’un ouvrier non qualifié est de 113 quand celui du cadre supérieur est de 89, la moyenne française étant de 100. Le taux de prématurité varie du simple au triple et la fréquence des petits poids à la naissance du simple au double en fonction du niveau scolaire de la mère.

Au fur et à mesure que progresse la recherche sur les inégalités sociales en santé, il apparaît aussi que ces inégalités ne concernent pas seulement la mortalité ou la morbidité de la population, mais aussi le handicap ou les dépendances, et leur prise en charge sociale et sanitaire. Par exemple, à handicap de gravité équivalente, la proportion d’enfants handicapés entrant en institution est trois fois plus élevée chez les ouvriers et les employés que chez les cadres et les professions intermédiaires.

On estime par ailleurs (1) qu’environ le tiers des différences sociales de mortalité par cancer dans les pays industrialisés est expliqué par l’exposition à des facteurs d’origine professionnelle, et que cette fraction s’élève jusqu’à 50% pour les cancers du poumon et de la vessie. Les troubles musculo-squelettiques, les troubles de l’audition, de la reproduction, des pathologies respiratoires, de la peau, neuro-psychiatrique, cardiovasculaire… sont en grande partie liés à l’univers du travail, comme les facteurs psycho-sociaux associés à l’organisation du travail. Malheureusement, le facteur travail, premier facteur d’inégalité devant la santé, reste sous-estimé dans les études d’évaluation de l’état de santé des populations.

Cela devrait nous inciter à poursuivre des recherches approfondies dans le domaine des déterminants sociaux de la santé (le travail, mais aussi l’environnement, le cadre de vie, la qualité des aliments…) pour mieux comprendre les causes des situations sanitaires, des comportements de santé et des recours aux soins.

Christian Van Rompaey

(1) Voir la contribution de Marcel Goldberg de l’Inserm, Institut national de la santé et de la recherche médicale : “ Déterminants professionnels : des effets qui restent largement sous-estimés ” in La santé en France en 2002 , Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, janvier 2002.

Les quatre Forums régionaux

des “Assisses pour l’Egalité” sont ouverts à tous et gratuits.

Les deux prochaines rencontres se tiennent de 9h30 à 13h00 à

• Liège, le samedi 30 novembre, salle Wallonie du CERSW, 13 c rue du Vertbois : “ L’organisation du système de soins concourt-elle à la réduction des inégalités ? ”

• Wavre, le samedi 7 décembre, Palais du Gouverneur du Brabant Wallon, 61 chaussée de Bruxelles : “Être acteur de sa santé : à la portée de tous”.

Prochaines rencontres à Libramont (11 janvier) et Charleroi (8 février)

Plus d’informations :

“Assises pour l’égalité”, c/o CET, 4 rue Le Titien, 1040 Bruxelles - Tél. : 02/736.56.80 (demander Jasira); e-mail : contact@assises-egalite.be - Site web : www.assises-egalite.be

Pour le chantier itinérant “Santé” : Thierry Poucet, Journaliste de Santé publique, Mutualité socialiste - Tél. : 02.515.05.75 – e-mail : Thierry.poucet@mutsoc.be ou Michel Dupuis Responsable de l’Unité d’éthique biomédicale - Faculté de médecine de l’UCL – e-mail : dupuis@risp.ucl.ac.be