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A suivre... (15 février 2001)

Génome 2001

La course effrénée au décryptage du génome n’est pas seulement motivée par une recherche désintéressée de la connaissance des maladies pour mieux les détecter, les prévenir et les soigner. Il y a aussi, en toile de fond, de gros enjeux industriels. Et quelques questions éthiques...

Le 12 février dernier, le Consortium public HGP (Projet du génome humain), dirigé par Francis Collins, concurrent du groupe commercial Celera Genomics, dirigé par J. Craig Venter, révèlent les derniers résultats de la vaste entreprise de lecture du génome humain (1), qualifiée de “programme Apollo de la biologie”. Devant ce que certains commentateurs désignent comme l’ouverture d’une nouvelle ère dans le développement de l’humanité, il faut savoir raison garder. En effet, il faudra encore des années, voire des décennies, pour élucider les facteurs génétiques des maladies. Les perspectives, aussi enthousiasmantes soient-elles, ne sont encore que des promesses pour demain. Aujourd’hui, la lecture du génome humain est surtout une performance technologique avant d’être un événement médical. Le plus dur reste à faire : comprendre le fonctionnement des gènes après les avoir décrits

Aujourd’hui, nous savons que l’homme est ce qu’il est grâce à la combinaison de quelques 30.000 gènes, soit beaucoup moins que prévu (plus de 100.000 disait-on, il y a à peine quelques mois). C’est-à-dire que l’homme ne dispose pas de beaucoup plus de gènes que certaines espèces animales comme les mouches du vinaigre, les poissons, les chats, mais aussi les levures et les vers de terre auxquels quelque 10% de nos gènes sont clairement apparentés. L’homme ne doit donc pas sa complexité à une imposante batterie de gènes mais à leurs combinaisons entre eux et les interactions avec leur environnement. La part du gène se voit donc réduite dans la lecture et la compréhension des pathologies ainsi que dans la compréhension et l’explication des comportements. Il n’ y a pas de gène de l’homosexualité ou de gène de la violence, comme on l’avait imaginé de manière simpliste. On ne peut réduire nos modes de vie, de pensée et d’agir à un programme génétique qui nous déterminerait par avance. Cette observation bouleverse notre compréhension tant controversée des rapports entre l’inné et l’acquis. Les dernières analyses du génome confirment encore une autre observation importante : il n’y a aucun fondement génétique au racisme. “Chaque individu, affirme Craig Venter, partage 99,99% du même code génétique avec le reste des humains. Il y a plus de différences entre l’ADN de deux Caucasiens qu’entre un Africain et un Caucasien.”

 De nouvelles responsabilités

La progression dans la connaissance du génome et l’objectivation de plus en plus grande de notre patrimoine génétique nous engagent dans de nouvelles responsabilités vis-à-vis du respect que nous devons à nous-mêmes et à nos semblables (2) : les “droits de l’homme” ne doivent-ils pas être repensés dans un contexte plus large qui serait celui du “droit des vivants” ? Ne faut-il pas redouter une dérive “consumériste” vers un “contrôle de qualité” des vivants ? Ne faut-il pas craindre l’instrumentalisation des corps envisagés comme source de matériel intéressant, la recherche, la thérapeutique et surtout l’exploitation industrielle des matériaux du vivant ? Ces questions rejoignent celle de Noëlle Lenoir, présidente du groupe européen d’éthique de l’Union européenne et membre du Conseil constitutionnel qui s’interroge sur le fait de savoir “comment assurer que la génétique humaine reste bien au service de la santé, dans un contexte de compétition économique ? Des risques existent de voir les intérêts du marché primer sur les aspects sociaux de la recherche”. Des laboratoires peuvent mener des stratégies industrielles contradictoires avec l’objectif de l’accès aux soins pour tous. Par exemple, celui qui sera titulaire des brevets sur les gènes prédisposant une patiente au cancer du sein maîtrisera de fait la commercialisation des tests de dépistage de ce type de cancer. Breveter des gènes reviendrait à privatiser (c’est-à-dire ne plus rendre disponible à tous) un patrimoine commun. Comment encore ne pas penser au risque de mise à l’écart des pays les plus pauvres de la planète ? Sans structure de recherche, faute de moyens financiers, ces pays pourront-ils bénéficier des avancées médicales espérées ? C’est le moment de rappeler que la Déclaration sur le génome humain, approuvée par les Nations unies en 1998, suggérait un droit universel au partage des bienfaits tirés de ces recherches.

Christian Van Rompaey

(1) Voir en Marche du 3 août 2000

(2) Question déjà soulevée par Anne Fagot-Largeault dans “Respect du patrimoine génétique et respect de la personne” (Revue Esprit, mai 91).