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A suivre... (20 septembre 2001)

Terrorisme : L’effroi et la raison

Après les terribles évènements survenus aux États-unis, après que se soient exprimées la douleur et la compassion pour les milliers de personnes prises dans le piège effroyable des tours jumelles de Manhattan, la portée mondiale de l’événement et des risques à venir apparaît de plus en plus clairement.

Après l’effroi et l’émotion, il faut maintenant analyser et surtout voir comment prendre en compte dans l’action politique, économique et sociale, toutes les causes qui ont conduit à cette situation que George W. Busch a qualifié d’état de guerre. Si, comme l’affirme le Comité catholique (français) contre la Faim et pour le développement, “l’idéologie et la conception délirante de l’action politique qui ont inspiré ces crimes de masse doivent être condamnées,” il est de notre responsabilité “de ne pas entrer dans le cycle de la haine et de la violence”.

Le terreau du terrorisme

Robert Fisk, journaliste britannique, a parcouru tout le Moyen-Orient pendant 25 ans. Sur les antennes de la RTBF, il déclarait que la misère et le sentiment d’injustice sont le meilleur terreau pour les candidats au martyre. Ainsi, disait-il, dans les camps de Sabra et Chatila, les enfants “vivent dans des conditions effroyables au milieu de poubelles, de rats et de déchets… J’ai marché dans ce camp avec un collègue. Je lui ai dit, franchement, si je devais vivre ici, je crois que je préfèrerais me suicider. Tu ne crois pas si bien dire, m’a-t-il répondu, c’est exactement de cela qu’il s’agit.”

Penser le terrorisme, c’est comprendre pourquoi tant de jeunes, dont chacun aura pu voir dans divers reportages la détermination, prêts à devenir des combattants extrêmes, soutenus par leur famille et leur communauté. Comment ne pas entendre l’avertissement lancé par Théo Klein, président d’honneur du Conseil représentatif des institutions juives de France, dans une lettre ouverte à Ariel Sharon (1), à propos du “terrorisme” palestinien : [Votre action], “ fait lever chaque jour parmi la jeunesse une volonté encore plus exacerbée de combat et de sacrifice…. Le terrorisme ne peut être combattu qu’à l’intérieur de chaque peuple - dès lors que celui-ci ne peut plus le considérer comme une forme de combat. Si le peuple le soutient, le terroriste devient un combattant.”

Il ne suffit pas de dire : “Rien ne justifie le terrorisme” ou “le terrorisme, c’est le Mal”. Si le terrorisme c’est effectivement la négation de la démocratie, puisqu’il s’agit de faire taire - définitivement - toute forme d’opposition, si le terrorisme est injuste parce qu’il met en péril la vie d’innocents, le refus énergique de justifier la terreur comme moyen d’action ne peut aller jusqu’à refuser de penser l’origine de cette terreur. Pourquoi cela s’est-il passé ? Pourquoi l’Amérique a-t-elle une si mauvaise image hors de ses frontières et surtout au-delà des pays industrialisés ? Pourquoi ce pays est-il davantage craint que respecté ? C’est à ce travail de réflexion que l’écrivaine américaine New-yorkaise Susan Sontag invite ses compatriotes.

Regarder la réalité en face

Susan Sontag se dit épouvantée et triste après les évènements de New York, mais elle regrette aussitôt que les Américains refusent de voir la réalité en face. “Qui, dit-elle, parmi les commentateurs officiels aura reconnu qu’il ne s’agit pas d’une lâche agression contre la Civilisation, le Monde Libre, la Démocratie… mais une agression contre les Etats-Unis, c’est-à-dire la superpuissance mondiale autoproclamée, une agression qui est la conséquence de certaines actions et de certains intérêts américains ? Combien d’Américains sont au courant de la poursuite des bombardements américains en Irak ?(…) Il va falloir, écrit-elle, réfléchir [non seulement] sur le colossal échec de l’espionnage américain, [mais aussi] sur les choix possibles de la politique étrangère américaine, en particulier au Moyen-Orient et sur ce qui constitue un programme de défense militaire intelligent” (2).

Regarder la réalité en face, ce n’est pas seulement redonner de la confiance et gérer la douleur.

Pour sauver l’avenir, il faut éveiller la “conscience historique”. Est-il politiquement incorrect de rappeler que les États-unis n’ont pas toujours été les défenseurs de la liberté et du droit comme ils s’autoproclament aujourd’hui ? Si les libertés démocratiques et les droits de l’homme sont souvent mieux respectés aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde, il n’en va pas toujours de même pour la politique étrangère des États-unis et de leurs alliés, plus souvent inspirée par une oligarchie économique dont les objectifs sont loin d’être nobles (3).

Faut-il rappeler les indignations sélectives des États-unis : pour les Turcs et contre les Kurdes, pour Israël et contre les droits des Palestiniens ? En Irak, le droit est sacré et tant pis pour le drame humanitaire qui s’y joue, alors qu’au Kosovo la situation humanitaire a justifié toutes les ingérences. “Notre pays est fort”, ne cesse-t-on de nous répéter, écrit Susan Sontag. Pour ma part, cela ne me console pas vraiment. Qui peut douter que l’Amérique soit forte ? Mais l’Amérique ne doit pas être que cela.”

Nul doute que les États-unis riposteront “légitimement”. “Mais, si la riposte militaire ne s’accompagne pas d’une réévaluation de la politique étrangère des États-unis, affirme Robert Anciaux, spécialiste du Moyen-Orient (ULB) : “elle ne servira à rien”.

Christian Van Rompaey

(1) Le Monde 5/09/2001

(2) Le Monde 17/09/2001

(3) Lire l’introduction de Jean Bricmont aux textes de Noam Chomsky, De la guerre comme politique étrangère des États-unis. Editions Agone 2001.