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A_suivre... (19 avril 2001)

79e Semaine Sociale du Mouvement Ouvrier Chrétien

Sauver l’Etat

“Il faut sauver l’Etat !” Tel était le thème de la 79e Semaine Sociale du Mouvement Ouvrier Chrétien (Moc) qui vient de se tenir à Charleroi. Certes, le Moc n’a jamais été un partisan du “tout-à-l’Etat”. Mais le paradoxe n’est qu’apparent. Si l’État social reste le meilleur garant des fonctions collectives en assurant un accès pour tous à l’éducation ou la santé, entre autres, il ne peut aller jusqu’au bout de sa tâche sans le soutien des associations et des organisations sociales, c’est-à-dire sans l’appui de la société civile organisée.

Ce n’est pas la première fois que la Semaine Sociale du Moc réfléchit sur le rôle de l’État. Sans remonter aux Semaines Sociales des années 30 qui s’interrogeaient sur la place du mouvement ouvrier dans l’État tout en affirmant la légitimité de l’autorité publique et celles des années 50 qui, avant la lettre, évoquaient le thème de la citoyenneté et de la participation des travailleurs à la démocratie, le Moc affirmait, il y a à peine 4 ans, qu’il fallait “Relégitimer, requalifier l’État”. Aujourd’hui, le Moc parle carrément de la nécessité de “sauver l’État”.

Mais pourquoi faudrait-il “sauver l’État” ? “Entendons-nous au moins sur un constat simple, affirme Thierry Jacques, secrétaire politique du Moc, les États, dans leur capacité à réguler et à redistribuer, se trouvent aujourd’hui considérablement déforcés sous l’effet d’un double phénomène, qu’on appellera, pour faire court, la globalisation d’une part, la marchandisation d’autre part (...) Dans les esprits et les modes de vie, dans les convictions et les pratiques, c’est donc l’ État lui-même qui est dévalorisé, disqualifié, délégitimé ; comme l’est la fonction publique, considérée comme inefficace et paperassière ; comme l’est la Sécurité sociale, jugée inadaptée et dépensière; comme l’est l’impôt, vu comme excessif et souvent inutile.” Tour à tour, les participants de cette Semaine Sociale tenteront donc de redéfinir le rôle de l’État : l’État redistributeur de richesses, l’État producteur de services, l’État arbitre à la recherche du bien commun. 

L’État doit pouvoir compter sur la société civile organisée

L’ État redistributeur de richesses a été incontestablement l’un des principaux facteurs du formidable développement économique et social de l’après-guerre. Il a surtout permis de faire en sorte que ce développement soit, dans l’ensemble, relativement équitable. Mais, avec la crise des années 70, l’État social, baptisé “État-Providence” pour mieux le disqualifier, devrait laisser la place à l’ “État social actif”. Qui pourrait s’opposer à ce nouveau label qui se veut positif. Christian Arnsperger, chercheur au Fond National de la Recherche Scientifique et à la Chaire Hoover de l’UCL, craint que “le terme d’État social actif ne devienne le slogan creux de la nouvelle politique sociale.” Ainsi, constate-t-il, ceux qui défendent l’idée que l’État doit rendre les gens plus responsables, plus autonomes, moins dépendants des aides sociales sont ceux-là mêmes qui refusent de lui donner les moyens de réinvestir dans des secteurs socialement utiles comme l’éducation ou la santé. L’ “État social actif”, dans ces circonstances, n’est alors qu’un gadget idéologique. Ceux qui détiennent la richesse ne sont pas prêts à investir dans la réalisation de ce qu’ils préconisent !

Dans nos pays, l’Etat est aussi un producteur de services comme la Poste, les transports ou l’enseignement... Michel Jadot, Secrétaire général du Ministère de l’Emploi et du travail, a pourfendu le plan Copernic de réforme de l’administration qui, dit-il, sous couvert de modernisation n’est qu’une vaste entreprise de mercantalisation des services publics (le client-roi, le mythe de la réussite du privé) et de réduction drastique des tâches traditionnellement attribuées à l’État social pour assurer le développement de secteurs commerciaux. Dans un groupe de travail, Jean Hermesse, secrétaire national de la Mutualité chrétienne en a fait la démonstration dans le secteur des assurances santé. Et le syndicaliste Guy Rasneur, vice-président de la CCSP-CSC affirmait que la pire des hypocrisies est de reprocher aux fonctionnaires leur manque d’adaptation et d’innovation tout en refusant de leur donner les moyens financiers et humains de se redéployer.

“Egalité d’accès, universalité du service public, continuité du service sont trois principes fondamentaux qui définissent le service public par rapport au secteur marchand”, devait rappeler Robert Tollet, président du Conseil central de l’économie. Or, on voit ce qu’il en est d’un Etat social minimum quand on observe le laboratoire anglais comme l’a fait Philippe Marlière, maître de conférence à l’University College of London. Tonny Blair, tout en prétendant se situer entre capitalisme et socialisme, a moins investi que le gouvernement libéral de Major dans l’éducation et la santé ! Sur le terrain les consommateurs ont à se battre contre des sociétés privées (dans les chemins de fer, en culture, dans la distribution de l’eau…) qui fournissent de moins bons résultats que les anciennes administrations (qui n’étaient certes pas parfaites). L’Angleterre, c’est ce qui nous attend, dans une dizaine d’années… si les associations et les organisations sociales ne se dressent pas pour constituer un rempart contre la mercantalisation des rapports sociaux.

“Pour faire face au marché privé, affirmait Thierry Jacques, il est nécessaire de coaliser l’État et le secteur associatif afin qu’ils s’inscrivent dans une logique de complémentarité et de coopération.” L’ État est traditionnellement l’arbitre qui, après avoir identifié les intérêts particuliers, doit être capable de formuler une politique cohérente, garante de l’intérêt général. En guise de clôture, François Martou, président du Moc _devant des représentants écolos, socialistes et sociaux chrétiens_ devait en appeler à un grand rassemblement des forces sociales qui, par ailleurs se retrouveront lors de la manifestation du 20 mai prochain dans les rues de Bruxelles en faveur de l’augmentation des indemnités sociales.

Christian Van Rompaey