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Le patient, l’expert et le vendeur 

Le patient est au cœur de toutes les sollicitudes. Des plus désintéressées aux plus mercantiles. Pris à partie entre ceux qui prennent en charge sa santé avec dévouement et compétence, les analyses des experts médicaux ou des gestionnaires du système de santé, les vendeurs à la recherche de nouvelles conquêtes commerciales, le patient n’est pas toujours celui qui est le plus écouté.

 Si notre système d’assurance maladie n’a cessé de progresser dans l’accès aux soins et la couverture des dépenses de santé pour la majorité de la population, les “échecs” en santé publique doivent tempérer sérieusement ce sentiment de réussite. Il suffit d’énumérer les problèmes récurrents de ces dernières années pour s’en convaincre : l’affaire du sang contaminé, le scandale (centenaire!) de l’amiante, la diffusion irrésistible de la maladie de Kreutzfeld-Jacob, les effets du tabagisme devant lequel les pouvoirs publics capitulent au nom d’impératifs financiers, les accidents de la route, les toxicomanies et les dépendances, les nombreux cancers environnementaux, les effets des déchetteries et des nuisances du bruit, les conséquences mentales du chômage et de la flexibilité outrancière dans certains milieux de travail... Autrement dit, il y a loin d’une politique de soins à une politique de santé publique! En effet, le droit à la santé ne peut seulement s’exprimer en un droit à la consommation indéfinie de soins de réparation ou de médicaments. Ne vaudrait-il pas mieux consacrer davantage de temps, d’énergie et de moyens financiers à “changer de vie” plutôt que de passer sa vie à la soigner ! Comme aime à la dire un professeur d’éducation à la santé : “Il vaut mieux placer une barrière au bord du précipice que de construire un hôpital dans le fond.”

La question de savoir qui va définir les priorités de santé publique est aujourd’hui une question centrale. Est-ce seulement l’affaire des pouvoirs publics ? La réponse appartient-elle aux professionnels de santé ou à ceux qui cotisent, travailleurs et entreprises ? Ou serait-ce à l’ensemble de la population ? Les patients ne doivent-ils pas être invités à s’exprimer davantage ? Quels instruments se donnera-t-on pour évaluer la demande de santé et de soins ?

C’est ici qu’apparaît le rôle incontournable de ce que Jacques Delors appelait la société civile organisée. C’est-à-dire, dans le champ de la santé, les mutualités, les associations, les groupes de patients qui sont de plus en plus nombreux. Encore faudrait-il que tous ceux-ci trouvent les voies de l’action collective. Entre l’expert médical avec son modèle de santé scientifique, l’économiste avec ses modèles économétriques, le vendeur avec ses parts de marché, le citoyen ne devrait-il pas se réveiller et fonder ce que le psychiatre et philosophe français Bernard Honoré appelle un “projet de santé”? (1)

Selon celui-ci quatre axes fondamentaux devraient définir ce projet de santé :

Dépasser l’opposition entre la santé et la maladie. La maladie n’est pas synonyme d’absence de santé si on comprend celle-ci comme une capacité de lutter et de renouveler son mode d’existence en fonction de ses capacités. Mais c’est un point de vue difficile à adopter tant le “modèle médical scientifique”, celui qui règne en maître dans les hôpitaux s’est imposé. Même la santé publique est dominée par une stratégie (négative) de l’évitement de la maladie plus que par le déploiement d’actions (positives) de santé.

Restaurer la continuité entre les actions de santé curative, préventive et, il faut ajouter aujourd’hui, prédictives. Ce lien, bien peu en ont, semble-t-il, conscience aujourd’hui. Le curatif s’éparpille en de multiples spécialités. Le préventif n’a guère les moyens de développer beaucoup plus que des campagnes de vaccinations ou d’éducation à la santé à coup de dépliants ou de messages médiatiques, utiles sans doute mais bien loin d’un effort continu de conseil et d’accompagnement de la santé.

Relier santé et citoyenneté. La population reste encore très absente de la réflexion sur tout ce qui touche à la santé. Les médias ne l’entretiennent le plus souvent que des prodigieux progrès de la médecine et des menaces sur le financement de la Sécurité sociale, avec quelques ajouts sur les dangers de l’alcool, du tabac et de la non utilisation des préservatifs...

Inscrire la santé dans une économie de coopération et solidarité. La Charte d’Ottawa de la promotion de la santé indique que la stratégie visant à améliorer la santé et le bien-être de la population doit reposer sur le développement d’un environnement approprié à la santé et le renforcement du tissu social. Il est important dans cette stratégie de questionner les qualités du développement économique et ses effets sur le renforcement des inégalités. Le projet de santé est aussi économique et social.

L’économie de la santé ne peut se résumer aux conditions d’un “marché de la santé”. Elle doit reposer sur l’équité et l’efficience dans la recherche du “bien-être avec les autres”. Comme l’écrit Bertrand Cassaigne, rédacteur en chef adjoint de la revue française Projet : “…On perçoit les enjeux d’une promotion de la santé, qui ne saurait être seulement technique mais favorise une participation de tous à une réponse plus globale. Car l’œuvre de santé est à la fois un système (de soins et d’assurance) et un projet collectif à construire, une politique.” (2)

Christian Van Rompaey

 

(1) La santé en projet. Bernard Honoré. Interéditions 1996.

(2) La santé, l’expert et le patient, un dossier sur la promotion de la santé dans la revue Projet (n°263 - septembre 2000).

A signaler : une analyse de la situation française dans Notre santé n’est pas un commerce de Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française (747 FB). Editions du Seuil octobre 2000.