Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre (4 octobre 2001)

Maladie mentale et sida dans les institutions

Si le Sida est aujourd’hui une des affections les plus médiatisées - en particulier parce qu’elle rejoint les revendications et les désespérances les plus profondes de notre temps -, la pathologie du Sida en milieu psychiatrique reste un phénomène peu connu. La première tâche sera donc éthique, nous dit le professeur Philippe Caspar : ce sera de “briser le mur du silence”.

Comment exercer la responsabilité que nous devons à tout être humain à l’égard de personnes doublement exclues, par leur retard mental tout d’abord, par leur séropositivité ensuite dans le cadre de leur insertion institutionnelle ?” Tel était l’objet d’un congrès international qui s’est tenu à Gand à la fin du mois de septembre dernier (1). De toutes les interventions, il se dégageait un constat : la problématique des maladies sexuellement transmissibles (Sida, hépatite B,…) dans les institutions n’a pas fait jusqu’ici l’objet d’une approche systématique. Il en résulte des pratiques qui gèrent les situations au cas par cas, légitimées par la seule expérience acquise au quotidien.

Le thème de la sexualité dans les institutions, qu’il s’agisse d’hôpitaux psychiatriques, de centres orthopédagogiques ou d’instituts d’enseignement secondaire spécial, apparaît tardivement dans la réflexion sur les pratiques. Jusqu’au milieu des années 70, le sujet était encore méconnu et même tabou. Dans le cas des personnes mentalement retardées, la sexualité et, d’une manière plus profonde encore, leur aptitude à mener des relations affectives intimes, riches et stables étaient passées sous silence ou niées. Il en résultait l’exercice d’une sexualité non éduquée, vécue sous le mode de l’impulsivité, souvent violente et homosexuelle dans la mesure où les institutions étaient réservées à un sexe.

Les questions de contraception, de parentalité, de stérilisation volontaire ou involontaire, des abus sexuels sur les personnes mentalement retardées font aujourd’hui l’objet de débats plus ouverts. Il n’empêche que plusieurs des intervenants, après de nombreux contacts pris ces dernières années dans différents pays européens, avec de nombreux professionnels confrontés à ces questions, avaient le sentiment “d’avoir recueilli globalement un triple constat d’ignorance, d’impuissance et de silence”.

C’est ce même constat qui ressortait déjà de l’avis émis le 18 décembre 1997 par le Conseil national du Sida (France) qui affirmait dans ses conclusions :

“Au terme de ce rapport, il apparaît que les raisons de l’absence de prévention du VIH en milieu spécialisé sont multiples et qu’elles relèvent de blocage de nature historique, symbolique et pratique. On peut en effet considérer que :

- l’absence ou la trop récente problématisation de la sexualité en milieu spécialisé n’a pas permis une mobilisation des acteurs et des pouvoirs publics;

- les enjeux symboliques qui se nouent autour de la question de la sexualité ont empêché les professionnels en charge de cette population de jouer un rôle de prévention ou même de relais;

- l’organisation quotidienne de la vie actuellement en milieu spécialisé rendant trop souvent impossible l’intimité, le discours de prévention n’a pas trouvé l’espace de réception nécessaire à son effectuation.

Face à une telle situation de blocage, le risque de VIH est réel. L’interdit, l’absence de problématisation comme le tabou qui entoure la sexualité redoublent la vulnérabilité des personnes handicapées. En plaçant l’exercice de la sexualité dans l’espace de la clandestinité et du silence, en la vulnérabilisant, notre société accroît les risques de diffusion du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles au sein de cette population.”

A ce constat, ajoute le professeur Philippe Caspar, il faut encore faire remarquer que le traitement du Sida passe par des protocoles pharmacologiques très lourds (trithérapies ou tétrathérapies). Or, beaucoup de personnes retardées mentales vivent dans des institutions dont on ne peut nier les qualités pédagogiques mais qui sont généralement sous-médicalisées. La gestion d’une séropositivité dans ces établissements risque donc de poser des questions complexes.

Le “peuple des silencieux”

Le Sida représente un défi scientifique et un défi éthique. Le prix du Sida est très lourd, non seulement en nombre de morts, mais aussi en nombre de familles éclatées et enfants séropositifs dont personne ne veut, en carrières brisées et solitudes déchirantes. Si la prévention du risque transfusionnel semble aujourd’hui sous contrôle et si les trithérapies font apparaître de nouveaux espoirs, la meilleur défense reste - en dehors de la fidélité à un partenaire unique - un mince film de caoutchouc. L’écart reste béant entre notre niveau actuel de connaissance de la structure moléculaire du VIH et notre arsenal thérapeutique. Les médias nous ont abondamment informés de la saga des chercheurs et de l’avancée ou des reculs de l’épidémie, mais la plus grande discrétion entoure toujours les progrès du Sida parmi les personnes mentalement retardées et, dans une moindre mesure, chez les patients psychiatriques. “Ce peuple des silencieux est-il donc à nouveau exclu du champ de la conscience collective ? Est-il à nouveau condamné à faire peur sans espoir d’une prise en charge humaine?” Si la parole peut être source de violence, le silence peut l’être aussi chaque fois qu’il vise à occulter une réalité intolérable.

 

Christian Van Rompaey

(1) “Maladies sexuellement transmissibles (sida, hépatites), sexualité en institutions”, Congrès international (19-20 septembre 2001) tenu à l’Institut International Chanoine P.-J. Triest des Frères de la Charité à Gand sous la présidence du professeur Philippe Caspar (Fondazione Civitatis Lateranensis Université de Latran, Rome).

Fondée en 1807, à une époque où les fous et les déments étaient enfermés dans des conditions épouvantables, la Congrégation des Frères de la Charité compte aujourd’hui 662 Frères de douze nationalités. Elle est présente sur les 5 continents.