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Quand les malades font sauter les frontières

Depuis la signature du traité de Rome en 1957, il était entendu que chaque État membre restait libre d’organiser son système de santé comme il l’entendait.

Le secteur de la santé pouvait-il cependant rester étranger au processus d’intégration européenne ?

Publié en juillet dernier, un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes est passé relativement inaperçu alors que, à la suite d’autres arrêts, les juges ont confirmé l’idée que l’organisation des services de soins ambulatoires et hospitaliers ne peut contrevenir à ce principe essentiel de la construction européenne : la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.

Mme Smits, atteinte de la maladie de Parkinson, s’était faite soigner dans une clinique allemande tandis que M. Peerbooms, suite à un accident de la circulation, avait été soigné dans une unité de soins intensifs en Autriche. Tous deux, citoyens néerlandais, s’étaient vus refuser le remboursement des frais engagés dans ces hôpitaux étrangers par l’assurance maladie de leur pays d’origine parce qu’ils n’avaient pas introduit, préalablement à leur séjour à l’étranger, une autorisation médicale préalable, comme les y oblige la réglementation. Dans les deux cas, le 12 juillet dernier, les juges de la Cour de justice des Communautés européennes leur ont cependant donné raison, estimant que l’obligation d’autorisation médicale préalable allait à l’encontre du principe de libre prestation des services.

Les juges de Luxembourg étendaient ainsi aux soins hospitaliers les conclusions de deux arrêts précédents concernant des soins ambulatoires rendus en avril 98. Kohll et Decker, citoyens luxembourgeois, après s’être vus refuser le remboursement de prestations de santé, pour l’achat en Belgique de lunettes prescrites par un ophtalmologue luxembourgeois et d’un traitement en orthodontie en Allemagne, avaient eux aussi obtenu gain de cause devant la Cour de justice européenne.

Il faut noter toutefois que, dans les arrêts récents de Smits et Peerbooms, la Cour a considéré que l’autorisation médicale préalable de l’organisme assureur du patient pouvait trouver sa justification pour des raisons de santé publique et d’intérêt général. Ce principe n’a pas été condamné en soi, mais les juges ont invoqué d’autres critères pour donner raison aux plaignants : "l’état de l’art" dans un cas, l’impossibilité de recevoir des soins dans un "délai opportun" dans l’autre cas.

Dans ces différentes affaires, les avocats généraux et les juges ont prôné un assouplissement des règles en vigueur pour apporter une réponse aux files d’attente existantes dans certains États membres et améliorer les conditions d’accès aux soins dans les régions frontalières. Certains États, dont le Luxembourg et la Belgique, ont déjà modifié leur législation afin d’autoriser leurs assurés sociaux à bénéficier du remboursement des soins ambulatoires délivrés à l’étranger sans autorisation préalable. Mais ces jugements soulèvent une autre question d’importance : "Peut-on laisser aux juges le soin de définir une politique de soins pour l’Europe ?Où restent les politiques qui ont en charge la Santé publique à la commission européenne ?" (1)

Coopération transfrontalière

C’est dans ce contexte en profonde et rapide évolution que prennent place les programmes européens Interreg qui visent à rendre complémentaire les systèmes de soins frontaliers. Depuis quelques années déjà, par exemple, des patients français de la région de Tourcoing sont envoyés en dialyse à l’hôpital de Mouscron qui est tout proche et des patients belges atteints du sida vont se faire soigner en France. Avec le projet "Transcards" - une première en Europe - Belges et Français peuvent recevoir librement des soins en hôpital en présentant soit leur carte Vitale, soit leur carte SIS selon qu’ils sont Français ou Belges. Grâce au projet Interreg II, La Caisse Régionale d’Assurance Maladie du Nord Est, couvrant la Champagne-Ardenne et l’Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes pour le Collège Intermutuelliste belge, ont conduit un projet de recherche de 1999 à décembre 2001. Après avoir repéré les axes complémentaires entre les deux systèmes de soins, une dynamique de coopération impliquant les établissements hospitaliers, les prestataires de soins, les organismes assureurs, les autorités publiques… a permis de conduire diverses actions. C’est ainsi que les grands brûlés français pourront être admis à l’IMTR de Loverval tandis que les patients belges qui doivent suivre une rééducation fonctionnelle pourront se rendre à l’UGECAM de Charleville-Mezières. Les services d’urgence implantés de part et d’autre de la frontière seront également appelés à intervenir sur le sol français ou belge en fonction de la hiérarchie des appels des centres 100 (Belgique) et 15 (France) et de la zone territoriale sur laquelle l’intervention doit avoir lieu. Les patients pourront ainsi être orientés vers les établissements de soins les plus proches et les mieux appropriés à leur état de santé.

Cette démarche a développé une collaboration dynamique transfrontalière entre hôpitaux et prestataires de soins. Elle a aussi permis de remédier aux procédures administratives et financières complexes qui s’appliquent aux soins à l’étranger.

Ces initiatives ne sont sans doute que les premiers pas d’une Europe sociale en friche. Mais celles-ci seront confirmées et vont s’étendre dans le cadre du futur programme Interreg III qui s’étendra sur la période 2002-2008.

Christian Van Rompaey

(20 décembre 2001)

(1) Lire à ce propos :

Quel est l’impact de la jurisprudence européenne sur l’accès aux soins à l’intérieur de l’Union européenne ? par Henri Lewalle et Willy Palm dans la Revue Belge de Sécurité sociale (2e trimestre 2001)