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A suivre (6 septembre 2001)

L’entreprise citoyenne : plus qu’un ravalement de façade ?

La contestation, parfois violente, qui a entouré l’organisation des grands sommets politico-économiques de Seatlle à Gênes, ne peut nous empêcher de voir qu’au-delà des coucous-anarchistes qui n’ont pas manqué de profiter de la situation, la contestation de la mondialisation des règles du libéralisme économique ne cesse de s’amplifier.

La contestation surgit de l’engagement de milliers de citoyens regroupés dans de nombreuses organisations non-gouvernementales (ONG) travaillant à plus d’égalité et de justice dans le travail, la santé, l’éducation, la qualité du milieu de vie... Pour contestaires qu’elles soient, elles ne sont jamais les premières à faire des démonstrations de violence. Mais on a aussi entendu à l’occasion des hommes politiques et des chefs d’entreprise reconnaître que les grandes entreprises internationales devraient davantage tenir compte de l’impact de leur production et de leur stratégie commerciale sur l’environnement social et organiser davantage de concertation, plus de transparence, une gouvernance éthique, un plus grand respect du cadre de vie, une attention plus grande à la dignité des travailleurs dans tous les pays du monde… Autrement dit, l’entreprise ne doit pas seulement "rouler pour ses actionnaires". Elle est aussi "citoyenne". Voilà donc que les entreprises succombent à leur tour aux charmes des valeurs.

Aux Etats-Unis, ce courant de pensée dit de "responsabilité sociale de l’entreprise" n’est pas tout récent. Il serait né dans les années soixante,dans le terreau du capitalisme protestant. Mais c’est surtout dans les années 80 que l’on a vu se multiplier les réflexions cherchant à concilier éthique et business. Le phénomène s’est prolongé en Europe sans toutefois prendre la même ampleur. Il n’empêche, un petit tour du côté d’Internet sur le thème de l’ "entreprise citoyenne" affiche plus de 10.000 entrées sur un seul moteur de recherche. Et la majorité des pages renseignées sont issues de sites d’entreprises qui tiennent toutes à faire preuve de citoyenneté : le respect de l’environnement mais aussi la formation, la qualité de l’emploi, l’égalité entre hommes et femmes, l’offre de travail pour des personnes handicapées, le travail des jeunes, la lutte contre l’exclusion… sont les thèmes les plus fréquents (1).

On constate donc, comme l’écrivait Pierre Haski, dans le quotidien français Libération (31/01/00), que "les patrons s’enrichissent du vocabulaire des ONG" en parlant de plus en plus souvent de "standards éthiques et moraux". Cette évolution témoignerait de l’impact des campagnes menées par les ONG mais aussi de l’irruption de la société civile dans les grandes négociations internationales qui se tenaient depuis de nombreuses années "à bureaux fermés" imposant aux parlements démocratiquement élus des stratégies économiques que leurs électeurs n’auraient à coup sûr pas avalisées !

En Europe, c’est Jacques Delors qui lançait le Manifeste des entreprises contre l’exclusion sociale. Et dans notre pays, le concept de responsabilité sociale des entreprises est apparu en 1987 avec le Social venture Europe, venu précisément de l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, le Réseau des entreprises pour la cohésion sociale (Bensc) regroupe aujourd’hui des noms tels que Ahlers, Belgian Shell, Cockerill Sambre, Glaverbel, Randstad Belgium, Société Générale de Belgique, Dialogic, Inter-Mailing, and Janssen Pharmaceutica. Celui-ci organise ainsi des initiatives de formation pour leurs travailleurs, travaille en collaboration avec des entreprises de travail adapté ou des CPAS, développent des lieux d’accueil dans l’entreprise pour les enfants du personnel… (2)

Et pourtant, les ONG s’interrogent : ces efforts sont-ils plus que de simples exercices de relations publiques, de mécénat ou de philanthropie ? La business ethics ne sera-t-elle pas toujours pas sous-tendue par l’objectif premier de toute entreprise commerciale : la rentabilité financière et commerciale ? La vogue actuelle du thème de la "responsabilité sociale" dans les entreprises ne sera-t-elle pas toujours "sous-tendue au plus profond par la croyance que l’éthique est essentielle à la réussite commerciale et financière" comme l’écrit l’essayiste français Gilles Lipovestky ? Ce ne serait donc pas la consécration de l’éthique qui caractériserait des entreprises libérales qui auraient atteint l’âge de maturité, mais "son instrumentalisation utilitariste dans le monde des affaires".

La nouvelle bonne volonté manifeste de nombreuses entreprises commerciales ne peut suffire à "changer la vie". Dans un essai d’évaluation de l’impact de la mondialisation des règles libérales sur la santé des populations, les auteurs convergent pour constater que si l’intégration économique est un moteur puissant d’accroissement des revenus, et donc de possibilités d’amélioration du bien-être, l’état de santé général des populations n’évolue favorablement que si la majorité des habitants peut profiter de ces accroissements de revenus. Or, trop souvent, la mondialisation n’a abouti qu’à creuser les inégalités et même à augmenter fortement les taux de pauvreté sur tous les continents. Cela restera vrai tant que les objectifs financiers resteront dominants par rapport à d’autres valeurs essentielles comme l’emploi et le niveau de revenus, le bien-être général, le développement, la lutte contre la pauvreté, le développement durable. Il ne faut pas rêver : l’économie de marché n’est pas et ne sera jamais une économie sociale.

Christian Van Rompaey

Un colloque sera organisé prochainement à Bruxelles sous le titre "La responsabilité sociale des Entreprises à l’Agenda de la politique sociale européenne". Plus d’informations : www.socialresponsibility.be - Site Internet: www.ebnsc.org - Voir la revue d’économie sociale Traverses (09/99) l’article de Jean Delespesse : "Réconcilier éthique et business ?" - Noces de l’éthique et du business de Gilles Lipovetsky dans Le crépuscule du devoir. L’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques - Voir les articles Internet : www.who.int