Vie Quotidienne
(7 août 2008)
Du bord
de l’eau
“Le soleil
est à peine sorti de sa couche que déjà quelques hommes s’installent le long
de la berge. (…) Ils déballent ce qui n’est pour nous non-pêcheurs que du
simple matériel. Ce n’est pas un rituel, puisque les gestes changent suivant
l’endroit et l’envie de chacun. Ce n’est pas ’du matériel’ puisqu’ils l’ont
soigneusement préparé, bichonné avec la délicatesse d’une passion.”(1)
Ouvrir
la porte d’un magasin de pêche, c’est expérimenter une plongée dans la
caverne d’Ali-Baba. Les alignements d’hameçons, d’appâts, de flotteurs, de
moulinets… donnent le tournis au néophyte, et exaltent le connaisseur. Pour
la pêche au coup, la pêche à la mouche, la pêche au toc, la pêche aux
carnassiers… avec poisson nageur, avec leurre souple, avec dérive de ver… Un
univers particulier s’ouvre derrière le lexique du pêcheur.
Ils sont plus de 60.000 en
Région wallonne à disposer du permis de pêche, sésame obligé pour lancer son
fil à l’eau. Ce chiffre aux regards de certains optimistes atteste que la
“pêche frétille à nouveau” en Wallonie. Il faut dire que le secteur sort de
vingt ans de chute libre en matière de délivrance de permis. Pour d’autres,
60.000, c’est encore bien loin des près de 115.000 permis de 1986; et les
efforts de promotion à mener pour ce loisir aux accents sportifs ne doivent
pas faiblir. Question de points de vue. L’heure est en tout cas à la
“redynamisation”.
Petit alevin
deviendra grand
Les jeunes sont en partie
visés. “La passion de la pêche s’est transmise pendant longtemps de
génération en génération. Malheureusement, la chaîne s’est brisée et les
jeunes n’ont plus pris le relais pour perpétuer cette activité ancestrale”,
remarquent les spécialistes de la Maison wallonne de la pêche
(2). Aujourd’hui, le relais est pris en partie par les moniteurs agréés
des écoles de pêche et des stages thématiques, qui s’attèlent à transmettre
ce savoir des pêcheurs expérimentés. Un savoir qui tient aux techniques de
pêche bien entendu mais également à la connaissance du milieu aquatique et à
sa protection. Et les jeunes amateurs sont au rendez-vous.
Au gîte d’étapes de Han sur
Lesse; par exemple, ils seront une petite trentaine à fouler début août les
berges. Au programme: apprentissage et perfectionnement des techniques de
pêche; découverte de la faune et de la flore le long d’un parcours réservé
et préservé de la Haute-Lesse; respect de l’environnement; visite d’une
pisciculture et cours condensé de législation (taille minimale des prises,
permis nécessaire…). Le tout sous les conseils avisés du président de la
Société “Les Truites de la Haute Lesse” et de l’école de pêche de Han-sur-Lesse.
L’initiative estivale n’est
pas neuve. Cela fait dix ans que ce type de stage est organisé par le gîte.
Il a remporté dès sa mise sur pied un large succès. D’autant qu’à l’époque
le principe était relativement novateur. Aujourd’hui, l’offre de stage est
en croissance, la concurrence plus présente mais les jeunes amateurs
toujours au rendez-vous. Certains mordus reviennent chaque année. Première
envie pour ces ketjes: être au bord de l’eau. Les voilà tous levés aux
aurores pour le coup du matin.
Mais combien parmi eux
deviendront pêcheur régulier? Le vieillissement du groupe des pêcheurs
wallons turlupine les passionnés, comme Bruno Chermanne, rédacteur en chef
du mensuel “Le pêcheur belge” (3). La pêche souffre,
écrit-il, de son image d’“activité ringarde réservée aux 3 x 20 et qui se
pratique à l’aide d’un matériel de fortune”.
Image d’Epinal
trop réductrice
D’abord le pêcheur n’est pas
seulement l’homme amateur de tranquillité, assis sur son panier au bord de
l’eau, pratiquant l’art de la pêche au coup, c’est-à-dire celui qui choisit
un point d’amorce, où il attirera le poisson. Le pêcheur, c’est aussi le
moucheur fouettant l’air de sa ligne, imitant les insectes qui à la surface
de l’eau déclenche l’attaque du poisson. C’est aussi l’ultra-moderne pêcheur
à la carpe en nocturne muni d’un petit bateau à moteur téléguidé, bijou de
technologie et de précision. C’est aussi celui qui arpente un tronçon de
cours d’eau ou le canotier qui se postera dans les sillons reculés,
observateur d’une faune méfiante…
Bien souvent le pêcheur est
plus qu’un consommateur de poisson ou qu’un sportif de rivière. Il veille à
la protection de l’environnement. S’intéresser aux poissons, ne va-t-il pas
de pair avec être concerné par leur habitat? Et si la Wallonie n’a pas à
rougir de son patrimoine halieutique, les efforts pour le maintenir et le
gérer durablement doivent être soutenus. Les coups sont parfois durs, comme
avec cette pollution du Samson à la mi-juin qui a décimé truites, chabots et
écrevisses précédemment réinsérés dans le cours d’eau namurois; ou cette
pollution aux pesticides et herbicides de la Meuse liégeoise, l’été dernier.
Sans compter la question de l’épuration des eaux, l’épineux problème du
colmatage des fonds (sources de nourriture pour les poissons, rendues
stériles), les aménagements nécessaires pour que certaines espèces puissent
remonter le courant, qu’elles disposent encore des conditions pour frayer…
Inévitablement, les pêcheurs comptent parmi les protagonistes actifs des
Contrats rivières qui tendent à couvrir l’ensemble du territoire wallon.
Autour d’une table avec d’autres acteurs de chaque vallée (politique,
administratif, enseignant, socio-économique, associatif, scientifique…), ils
se concertent “en vue de définir consensuellement un programme d’actions
de restauration des cours d’eau, de leurs abords et des ressources en eau du
bassin” (4). Vaste programme.
Au masculin
Par contre le pêcheur reste
“un homme comme les autres”, selon l’adage de feu l’émission radio de la RTB
(5). 97% des pêcheurs sont des hommes. Une particularité
wallonne. En France par exemple, si la disparité existe bel et bien, elle
n’atteint pas cette proportion. Elles sont 30% à disposer d’un permis de
pêche chez nos voisins. Mais sous nos latitudes, la fabrication des mouches
sèches telles de véritables petits bijoux fait de plumes d’oiseaux, de poils
d’animaux, de fils colorés… ne suffit pas à les appâter.
Catherine
Daloze
(1) “La pêche en Région wallonne. Un espace de liberté”,
brochure diffusée par la Division nature et forêts. Ministère de la Région
wallonne, 1995.
(2) Maison wallonne de la pêche, rue Lucien Namèche, 10 à
5000 Namur – 081/41.15.70 -
www.maisondelapeche.be
(3) Fédération sportive des pêcheurs francophones de
Belgique, rue Grandgagnage, 25 à 5000 Namur - 081/41.34.91 –
www.lepecheurbelge.be
(4)
http://environnement.wallonie.be/contrat_riviere/
(5) Vivacité a repris en partie le flambeau, avec “Allô les
pêcheurs”, diffusé le week-end, aux aurores; mais ré-écoutable sur
www.maisondelapeche.be
A consommer?
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Le
poisson est d’un point de vue diététique une source intéressante en
iode, oligo-élément qui participe au bon fonctionnement de la
thyroïde, et en oméga 3, graisse essentielle qui intervient dans le
développement du cerveau. En somme, nous avons tout avantage à ce
qu’il devienne un habitué de nos assiettes. D’autant plus s’il est
frais.
Mais les poissons de nos rivières sont-ils
consommables?
Apparemment oui.
Sauf l’anguille. La législation indique d’ailleurs que pêchée, elle
doit être remise à l’eau. Pourquoi? Ce poisson en emmagasinant de la
graisse dans ses chairs pour constituer des réserves nécessaires à
sa longue migration, accumule également les substances polluantes.
Puis, vivant sur les fonds, il est particulièrement en contact avec
les polluants associés aux sédiments de nos rivières. L’anguille
cumule les facteurs de risque, conclut Xavier Rollin du Service de
la pêche en Région wallonne.
Pour se tenir au
courant des résultats des études ponctuelles effectuées par
l’Université de Liège notamment, ou des mesures prises sur une zone
particulière en cas de pollution, le site de la Maison de la pêche
reste le moyen le plus rapide.
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Permis en poche |
Le permis de pêche
est obligatoire pour s’adonner à la pêche dans les eaux wallonnes.
Et si les contrôles sont moins nombreux qu’avant, la surveillance
est toujours de mise. De permis, il en existe deux types valables
annuellement:
► type A:
pour pêcher à une ou deux lignes du bord de l’eau et
faire usage d’une épuisette (uniquement pour enlever le poisson pris
à la ligne). Prix: 12,39 EUR (+ 1,75 EUR de frais pour la Poste).
► type B:
pour tous les modes de pêche
autorisés pour le permis A et la pêche à une ou deux lignes
autrement que du bord de l’eau (embarcadères, banquettes, planchers
…) ainsi que la pêche avec un matériel autre que la ligne à main.
Prix: 37,18 EUR (+ 1,75 EUR de frais pour la Poste).
Les seules personnes à être dispensées de permis
sont:
►
les enfants de moins de 14 ans, les samedis,
dimanches, jours fériés et durant les congés scolaires s’ils sont
accompagnés d’un adulte qui en est muni;
►
les participants à un concours de pêche à la ligne
annoncé publiquement et organisé par une société de pêcheurs dont le
siège est en Région wallonne et qui ne sont pas domiciliés en Région
wallonne. La dispense n’est valable que pendant la durée du
concours. |
Pour préserver le cadre
D’après Xavier Rollin du Service de la pêche, le prix du permis en
comparaison avec nos voisins européens est dérisoire. En France, par
exemple, un permis touristique de 10 jours coûtera 30 euros. Mais
au-delà de la question du prix et de l’obligation légale, se munir
d’un permis, c’est agir en pêcheur responsable. En effet, les
cotisations ainsi perçues sont versées au Fonds piscicole de
Wallonie: une manière d’améliorer les moyens de lutte contre les
pollutions, de restauration des habitats…
Via le Net
Se
procurer un permis - disponibles dans les bureaux de poste en Région
wallonne - n’était pas toujours des plus simples. Mais la procédure
se modernise. Ainsi en 2007, quelques 2.000 pêcheurs ont passé
commande à partir du site Internet de la Maison de la pêche. Voilà
qui devrait rendre plus aisées les démarches et permettre à un plus
grand nombre de pêcher en toute légalité.
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