Consommation
(20 décembre 2012)
Vos papiers, svp !
Drôle de coco, ce consommateur
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Les consommateurs sont de drôles de cocos. Ils réclament plus d’informations
sur les étiquettes mais… ne les lisent guère. C’est l’une des conclusions
d’un travail mené par Morgane Caminiti en 2010, au Centre de Droit de la
consommation de l’UCL, sur la base d’une centaine d’interviews. Encore
faut-il relativiser ces résultats. Si la date de péremption et les
ingrédients les intéressent, il n’en va pas de même pour l’étiquetage
nutritionnel consulté seulement par 7% des interrogés. L’intérêt vient
surtout des femmes, particulièrement celles âgées entre 22 et 40 ans.
Au-delà, l’intérêt s’émousse. Par ailleurs, 36% des répondants estiment que
ces informations sont peu lisibles ou peu compréhensibles. Quant aux
allégations nutritionnelles, seule une personne sur deux sait de quoi il
s’agit, et le niveau d’étude n’a rien à voir avec cela. Mais, une fois
informés, les sondés sont 33% à leur accorder une importance élevée. A juste
titre, la chercheuse plaide pour une information alimentaire plus claire et
plus accessible à tous. Ce que les règlements européens évoqués ci-dessus
sont censés viser. Pour les allergiques et les intolérants (pour ne parler
que de ceux-là), les nouveaux textes représentent une amélioration sensible,
en termes de qualité de vie. //PHL |
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© Pierre Rousseau/Belpress |
La lecture des étiquettes, véritables cartes d’identité de nos denrées alimentaires, représente souvent un casse-tête. Petit à petit, la législation s’améliore et tente, tant bien que mal, d’encourager l’achat d’une nourriture plus saine et plus favorable à notre santé ou à l’environnement. Voici ce qui va changer, à court et moyen termes.
Ah qu’il est doux
de se promener dans les travées de nos grandes surfaces! A droite, les
margarines dont l’emballage vante la présence d’omégas3 susceptibles de
faire du bien à notre cœur. A gauche, les céréales qui nous promettent
l’amélioration de notre transit intestinal. Plus loin, les produits lactés
bardés d’inscriptions en faveur des pro-biotiques, dressés pour activer les
défenses naturelles de nos organismes. Aux petits soins pour nos artères et
nos organes, tous ces produits alimentaires ne nous veulent évidement que du
bien…
Sauf que voilà : derrière ces affirmations les plus diverses (et
parfois les plus fantaisistes) se cache un business qui brasse des
milliards. Et qui, ces dernières années, a bataillé ferme pour ne pas se
faire brider par des règles d’étiquetage jugées trop contraignantes. Un
exemple? Les… feux de signalisation. Il s’agit d’un système d’étiquetage
nutritionnel basé sur trois couleurs, assez apprécié en Grande-Bretagne, le
pays de l’Union européenne le plus frappé par le surpoids et l’obésité. Un
petit feu rouge sur le produit? Le produit est considéré comme mauvais pour
la santé, à cause de sa teneur trop élevée en graisses, en sucre ou en sel.
Du vert? Le consommateur peut l’acheter sans crainte. Orange ? Bof, le score
est moyen… Instantanément déchiffrable, ce système a été jugé très efficace,
il y a quelques années, par un consortium australien d’ONG et d’agences
gouvernementales soucieuses de promotion de la santé(1).
En Europe, il a
pourtant été abandonné en cours de route, il y a deux ans, lors du long
processus législatif visant à réformer l’étiquetage nutritionnel du contenu
de nos assiettes. Le motif ? L’industrie agroalimentaire le juge simpliste,
infantilisant voire injuste. N’est-ce pas avant tout le comportement du
consommateur (qui choisit d’en manger un peu ou beaucoup), bien plus que le
produit lui-même, qui fait pencher la balance en faveur d’une bonne ou d’une
mauvaise santé ? L’argument a en tout cas fait mouche auprès des eurodéputés
au terme - il est vrai - d’une campagne de lobbying parmi les plus dures
qu’a connues le Parlement européen. Mais voilà : que vaut le discernement
d’un consommateur pressé, rarement bardé de connaissances en nutrition, face
à la puissance de feu des entreprises agroalimentaires : marketing,
campagnes publicitaires, études « scientifiques » faussement indépendantes,
pressions diverses sur les décideurs? En mai 2012, interviewé par En
Marche(2), Olivier de Schutter, le Rapporteur spécial pour le droit à
l’alimentation des Nations- Unies, rappelait la profondeur du gouffre entre,
d’une part, les budgets publics destinés à la sensibilisation en matière de
santé et, d’autre part, les montants publicitaires promouvant l’alimentation
riche en graisses, en sucres et en sel, source d’hypertension et de maladies
cardio-vasculaires…
Des améliorations en vue
Au lieu des feux de
signalisation, l’Union européenne a adopté, l’année dernière, un système
d’étiquetage basé sur les repères nutritionnels journaliers, plus complexe
mais plus complet. Les organisations de défense des consommateurs n’ont pas
boudé leur plaisir, l’accueillant avec une certaine satisfaction tout en
restant vigilantes quant aux modalités d’application concrète pour l’avenir.
C’est que la nouvelle législation changera très progressivement, réservant
ici et là un long moment d’adaptation aux fabricants. Passons en revue ce
qui change et va changer dans les mois qui viennent.
> Les substances
allergéniques seront mieux mises en évidence.
En fait, actuellement,
quatorze types d’aliments font déjà l’objet d’un signalement obligatoire (œufs,
crustacés, céleri, arachides, lait, céréales, poissons, fruits à coque,
etc.). Mais “celui-ci devra dorénavant sauter aux yeux par une mise en
exergue, précise Nicolas Rousseau, nutritionniste chez Karott. Les dérivés –
de type amidon de blé – sont également concernés”. L’entrée en vigueur est
prévue en décembre 2014. Un bémol, toutefois : si le règlement européen à
l’origine de ce changement inclut théoriquement les produits non préemballés
(vendus en boucherie, boulangerie, etc.), “la forme que prendra cette
obligation est encore incertaine en Belgique”, commente Ellen Van Nieuwenhuyze, aspirante FNRS au Centre de droit de la consommation de l’UCL.
> Sept éléments obligatoires devront figurer sur l’étiquette des
préemballés.
Il s’agit de l’apport énergétique (en calories), des graisses
(dont les acides gras saturés, mauvais pour le cholestérol), des sucres, des
protéines, des glucides et du sel. En Belgique, beaucoup de fabricants
mentionnent déjà cette déclaration nutritionnelle. Ils y sont légalement
tenus lorsqu’ils utilisent des allégations (lire plus bas). A partir de
2016, ces informations devront être regroupées sur l’emballage et
mentionnées clairement par quantités de 100 g ou 100 ml afin de faciliter
les comparaisons. Le type d’huile végétale (colza, soja, tournesol…) devra
être mentionné. De quoi répondre aux consommateurs qui veulent bannir
l’huile de palme pour des raisons de santé et d’environnement(3). Autre
avantage : les producteurs ne pourront plus jouer sur la confusion entre sel
et sodium. De ce fait, “les potages déshydratés remplis de sel ne pourront
plus se cacher derrière cette ambiguïté”, souligne Nicolas Rousseau. Mais il
y a des bémols. Primo, les alcools ne devront pas afficher leur composition
nutritionnelle. Secundo, les graisses “trans”, pourtant décriées par les
nutritionnistes, ne devront pas être mentionnées comme telles. Tertio, la
composition en fibres alimentaires ne sera pas obligatoire.
> Le lieu
d’origine de la viande ne sera plus obligatoire uniquement pour le bœuf(4).
Il le sera aussi pour le porc, la volaille, les ovins et les caprins.
“Le législateur veut ainsi répondre aux consommateurs qui souhaitent
favoriser l’élevage local et réduire leur impact en matière de transport,
donc de réchauffement climatique”, se réjouit Catherine Maréchal, d’Ecoconso.
Gros bémol : le lait reste actuellement épargné par cette obligation. De
même que les préparations à base de viande.
> Les allégations
nutritionnelles et de santé seront plus contrôlées.
Il s’agit des messages
indiquant ou suggérant qu’une denrée alimentaire possède des propriétés
nutritionnelles bénéfiques ou développe un effet positif sur la santé. Pour
les premières, assez épargnées par la réforme législative, il existe
dorénavant une liste de trente allégations autorisées, parmi lesquelles
“riches en oméga3” ou “pauvres en graisses saturées”. Les secondes (exemples
: “l’huile d’olive a un effet antioxydant”, “le silicium protège de
l’accident gastrique ») ont été sérieusement recadrées, notamment celles
portant sur les produits pro-biotiques. Il faut dire qu’au terme d’une vaste
enquête publiée en 2010, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire
(EFSA) avait établi qu’à peine une allégation de santé sur cinq reposait sur
une base scientifique suffisante. Sur près de 4.500 demandes introduites
auprès d’elle, seules 222 ont reçu un avis positif. On commence à en voir
les résultats : “Les yaourts avec probiotiques communiquent de moins en
moins sur le renforcement de l’immunité au profit d’un message centré sur la
notion de ‘produit naturel’ ou ‘produit lacté’ ”, relève Ellen Van Nieuwenhuyze. On le voit, chaque mot, chaque terme est choisi avec de plus
en plus de soin par les fabricants, écartelés entre la crainte du bâton
européen et le souci de répondre aux attentes du consommateur (souvent
orientées ou créées de toutes pièces par eux-mêmes). A noter : les
propositions d’allégations portant sur les produits à base de plantes n’ont
pas encore été tranchées par l’EFSA.
> La taille minimale des caractères
sera d’1,2 mm pour les éléments obligatoires.
Un progrès, certes, mais tout
relatif. Il est vrai qu’en Belgique, le recours aux deux principales langues
nationales (sinon bien plus dans la pratique!) prend déjà pas mal de place
sur l’étiquette. Des exemptions sont prévues pour les biens alimentaires de
petite taille.
// PHILIPPE LAMOTTE
(1) Source : “Equilibre” août 2010.
(2) Lire “Nos systèmes alimentaires
rendent les gens malades” - EM du 3 mai 2012.
(3) Lire “L'huile de palme,
ingrédient caché d’une mauvaise santé” - EM du 20 octobre 2011.
(4) La même
obligation existe déjà pour les fruits et légumes, le miel et l’huile
d’olive.
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