Alimentation
(20 octobre 2011)
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Matières
grasses : à la recherche de l’équilibre
L'huile de palme, ingrédient caché d’une mauvaise santé
Elle est partout. Elle envahit nos cuisines mais également nos
salles de bain. On dirait presque qu'on ne peut plus s'en passer : l'huile
de palme est l'invitée de notre quotidien. Une invitée (parfois surprise)
qui joue un rôle néfaste sur la santé des consommateurs…
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Nightmaro/Belpress
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Des cosmétiques aux plats préparés, l'huile de palme (souvent mentionnée sur les produits sous le terme
générique d'huile végétale) a fait une entrée fracassante sur le marché il y
a une dizaine d'années. Et, depuis, elle semble devenir indispensable pour
tous les industriels. A l'époque où l'on a diabolisé le beurre et les
graisses animales, les huiles végétales sont apparues sur le devant de la
scène comme la solution et l'alternative “saine” aux mauvaises graisses.
“Mais il y a différentes huiles végétales, précise le Dr. Muller,
cardiologue d'une clinique universitaire. Ce qui est vicieux, c'est
qu'on présente l'huile de palme comme une huile végétale, qui est associée
au positif dans l'esprit des consommateurs. ‘Végétale’ est synonyme pour eux
de ‘pas nocive pour la santé’. Or, il n'en est rien: cette huile est riche
en graisses saturées, tout comme le beurre, la viande ou les produits
laitiers. On joue donc un peu avec les pieds du consommateur en mentionnant
‘huile végétale’ à tout va”. L'huile de palme contient 50% d'acides
gras saturés à la différence de l'huile d'olive qui n'en contient que 15%.
Moins cher
au détriment de la santé
Pourquoi les industries
ont-elles recours à cet ingrédient? Avec l'objectif de réduire l'utilisation
des graisses animales, l'huile de palme se présentait comme une solution
très intéressante: bon marché et présentable, elle allait faire fureur dans
les assiettes. Une huile qui se solidifie à l'air ambiant et qui s'altère
très peu et très lentement était censé être l'élément-miracle pour remplacer
le beurre. Malheureusement, l'huile de palme ne se trouve pas seulement dans
les produits identifiés comme “gras”. En observant les étiquettes de
composition des aliments, on peut constater que la mention “huile végétale”
se trouve quasiment sur tout. De la charcuterie aux gâteaux industriels,
même les produits bio ou les aliments pour bébés en contiennent. “Et on
peut supposer qu'à chaque fois
qu'apparait cette mention, c'est en fait de l'huile de
palme”, ajoute le Dr. Muller.
Des graisses chaque matin
“Des noisettes, du
bon lait et du bon chocolat pour donner de l'énergie à nos enfants chaque
matin!” scande la publicité pour la pâte à tartiner Nutella®. Et si
cette gourmandise adorée des enfants était un poison? Une vidéo crée le buzz
sur internet: un internaute a réalisé une expérience filmée et partagée sur
la toile. Il a laissé pendant huit heures un pot de choco de cette célèbre
marque dans une voiture en plein soleil. Après ces quelques heures, c'est
presque la moitié de la pâte à tartiner qui s'est changée en huile liquide.
De quoi dégoûter ses amateurs et faire prendre conscience du caractère
trompeur de la publicité qui vante le produit et ces soi-disant valeurs
énergétiques utiles aux enfants. Le Dr Muller confirme : “Tartiner son
pain tous les matins avec une couche de Nutella®, c'est comme étaler une
couche de beurre. Il y a 30% de graisses dans cette pâte chocolatée. Les
enfants d'aujourd'hui qui consomment régulièrement et en grande quantité de
tels produits: barres au chocolat, biscuits industriels… auront de fortes
chances de développer des problèmes de santé dans quelques années”.
Problèmes de santé
Le CRIOC, Centre de
recherche et d'information des organisations de consommateurs, met en garde:
“L'huile de palme est riche en acides gras saturés. Ces derniers se
déposent sous forme de plaques dans les artères, ce qui a pour effet
d'augmenter considérablement le risque de maladies cardiovasculaires. Par
ailleurs, les acides gras saturés ont tendance à faire augmenter le taux de
mauvais cholestérol (LDL cholestérol) dans le sang. Ils sont aussi
responsables, en partie, des problèmes d'obésité et de certains cancers”.
Un apport nutritionnel journalier équilibré ne devrait pas dépasser 30% de
graisses. Elles sont indispensables pour le corps car elles lui apportent,
entre autres, de l'énergie. Mais dans ces 30%, il ne faut pas absorber plus
de 10% de graisses saturées. “Et on oublie qu'on en consomme déjà dans
beaucoup d'aliments, comme la viande ou les laitages, continue le Dr.
Muller. C'est ainsi que l'on dépasse les doses journalières préconisées”.
La chasse à l'huile
Il est difficile de
bannir complètement l'huile de palme de nos assiettes… Comme elle se
dissimule dans beaucoup d'aliments achetés, essayer de concocter un plat qui
n'en contient pas devient un véritable défi. “Ce qu'il faut, c'est
mettre les consommateurs au courant, préconise le médecin. Quand on mange du
beurre, on sait que c'est gras. On a donc tendance à y faire attention.
Tandis qu'avec l'huile de palme, on ignore souvent sa présence. Prendre le
réflexe de regarder la composition de ce qu'on achète permettra sûrement de
réduire la consommation quotidienne d'huile de palme…”
Actuellement, en
l'absence de législation en la matière, c'est au consommateur à être
attentif en choisissant ses produits alimentaires. En France, certains
groupes commerciaux ont fait la chasse à l'huile de palme: parmi eux,
Casino® ou Findus® se sont engagés à la remplacer par de l'huile de colza ou
de tournesol dans les préparations alimentaires où le composant est
indispensable. En Belgique, l'an dernier, le Parlement de la Fédération
Wallonie-Bruxelles a adopté une proposition de résolution visant à indiquer
explicitement sur les produits “huile de palme” à la place de “huile
végétale”. A suivre donc… C'est une avancée, même si elle reste encore bien
lointaine de ce qui se passe au Danemark qui taxe la graisse saturée depuis
quelques semaines.
// Virginie Tiberghien
De l'or qui fait mal…
L'huile de palme? L'or vert! Mais, trop souvent, au prix de gros
dégâts humains et environnementaux. Pour le consommateur, des alternatives
commencent à émerger.
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Philippe Lamotte |
En Asie, et tout particulièrement en Malaisie et en Indonésie, les deux
champions incontestés de sa production,
de véritables empires agro-industriels se sont érigés grâce au célèbre
palmier. Il faut dire que la productivité de celui-ci dépasse de loin celle
du soja ou du colza et que, depuis peu, l'huile de palme est également
utilisée pour la production de biocarburants en Asie – les Chinois,
notamment, en raffolent – et, dans une moindre mesure, en Europe. Ce marché
s'annonce plantureux.
Le hic, c'est que
l'exploitation industrielle du palmier à huile se réalise au détriment des
forêts primaires. Selon le Cirad (France), l'Indonésie a vu disparaître à
elle seule au moins trois millions d'hectares de forêts entre 1990 et 2005.
Un comble: en rasant la forêt et en plantant des palmiers à perte de vue, on
contribue deux fois à aggraver l'effet de serre responsable du réchauffement
climatique. D'abord, en supprimant les poumons forestiers de la planète,
censés absorber le gaz carbonique d'origine naturelle ou humaine. Ensuite,
en “aidant” les tourbières – zones souvent utilisées pour les plantations de
palmiers en Asie – à relâcher dans l'atmosphère de gigantesques stocks de
carbone accumulés depuis des
siècles. Et tant pis pour les
orangs-outans, symboles d'une faune tropicale parmi les plus riches de la
planète! Tant pis, surtout, pour les populations locales, dont les droits
coutumiers sont bafoués par les exploitants (à Sumatra, notamment), souvent
liés aux gouvernements eux-mêmes.
L'année dernière, la
production mondiale d'huile de palme a atteint le chiffre record de 47
millions de tonnes. Elle était de 37 millions de tonnes à peine trois ans
auparavant… Et la demande mondiale ne fait que s'emballer. Attention: gare
aux amalgames! Selon le Cirad, 60% de cette production reste encore le fait
de petits producteurs, associés ou non en coopératives. Mais le succès de
l'huile de palme est tel que le modèle asiatique des monocultures commence à
se répandre comme une traînée de poudre en Afrique et en Amérique du Sud,
notamment dans des pays qui ne brillent pas nécessairement par leur souci de
la démocratie ou de l'environnement: Colombie, Nigeria,
Cameroun… Là comme ailleurs, on peut s'attendre à une déforestation massive
et à de gros dégâts liés à l'utilisation intensive d'engrais et de
pesticides comme en Malaisie et en Indonésie, sous la pression
d'investisseurs cotés en bourse et prêts à acheter des territoires énormes
aux gouvernements.
Que pouvons-nous faire?
Industriels et organisations non-gouvernementales se sont engagés, en 2004,
à promouvoir une huile de palme “propre” et éthique: pas de déforestation,
respects des droits fonciers, conformité à la législation du travail… En
2008, la première entreprise certifiée RSPO(1) – un label
qui s'inscrit dans la veine du FSC sur le bois et le papier – a été reconnue
et labellisée (en Malaisie). Greenpeace l'a qualifiée d'échec, estimant que
les critères minimaux du RSPO n'avaient pas été respectés en matière de
droits sociaux.
Faut-il jeter le bébé
avec l'eau du bain? L'initiative RSPO est certes facultative, mais de tout
gros groupes ou acteurs industriels – Unilever, Schweppes®, Rabobank… – s'y
sont engagés. En fait, il en va – sans doute – du RSPO comme du FSC. Lorsque
des ONG critiquent les premiers balbutiements de ces initiatives, c'est pour
les rendre toujours plus pointues, sévères, exigeantes. Acheter de l'huile
de palme estampillée RSPO, c'est, malgré les errements du début, donner un
signal clair au marché: “oui à l'huile de palme qui respecte les gens,
la biodiversité, l'environnement!” Une course contre la montre,
assurément. Car, pendant qu'une partie des producteurs se lance tant bien
que mal dans le RSPO, le rythme hallucinant de la déforestation se poursuit.
// Ph.L.
(1)
Roundtable on Sustainable Palm Oil, Table ronde sur l'huile de palme
durable. A lire sur ce thème: “Agrocarburants: impacts au Sud?”. Cetri. Ed.
Syllepse, 2011. Infos : cetri@cetri.be
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