Vie Quotidienne
(5 mai 2011)
Lenteur
à tous les étages
Le
mouvement “Slow” est né en réaction à un monde en constante accélération
avec, pour corollaires, la fatigue des hommes mais aussi l’épuisement des
ressources naturelles. Le “Slow” se décline aujourd’hui en “Slow Food”, qui
prône le bon et l’équitable dans nos assiettes. Le Slow Management commence
à faire son nid dans les entreprises et le Slow Sex s’invite dans nos lits.
Mais voilà que se profilent le Slow Travel, la Slow Fashion et le Slow
Design. Exquises lenteurs !
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©
Philippe
Turpin-BELPRESS |
Le mouvement Slow trouve son origine dans le Slow Food,
courant né du
vertige devant la précipitation qui consiste à tirer un maximum de
profit des terres, de l’agriculture et des hommes. Tout a commencé
en 1989 à Rome. Le projet d’installer un fast-food sur une place
historique déclenche la colère du maire de la ville qui décide
d’entrer en résistance. D’autres villes se joignent à lui avec pour
slogan “le Bon, le Propre, le Juste”. Autrement dit: retrouver le
goût des aliments pour le plaisir et la santé, en préservant
l’environnement et en réservant une juste rémunération aux
producteurs.
Dix ans plus tard, des
villes ressentent le besoin d’intégrer cette dimension “Slow Food” dans leur
politique en termes d’infrastructures, d’urbanisme, d’accueil des touristes
mais aussi des citoyens… Les “Cittaslow” sont en route. Les “Villes lentes”
sont près de 150 aujourd’hui et les Etats-unis se montrent intéressés(1).
Pour être candidate, une ville se doit de dresser un état des lieux des
actions déjà engagées dans les domaines de l’environnement (contrôles d’air,
réduction du bruit, épuration des eaux…), des infrastructures (zones de
verdure, accès aux personnes handicapées, pistes cyclables, zones “kiss and
ride” où débarquer les enfants près de l’école en toute sécurité sans
provoquer d’embouteillages…). Même chose en matière d’urbanisme
(réhabilitation des bâtiments historiques, biomatériaux…), de mise en valeur
de produits locaux ou encore d’hospitalité.
Sur la base de ce bilan
et des améliorations prévues, les villes se voient octroyer (ou non) le
label “Cittaslow” (représenté par un escargot à la coquille coiffée de
maisons). Ce label ouvre la porte au partage d’expériences européennes et à
un suivi des activités par une équipe cosmopolite. Critère incontournable
pour rejoindre le réseau : ne pas dépasser une population de cinquante mille
habitants. “Pas question d’être une métropole, explique Sabine Storme,
responsable du réseau Cittaslow pour la Belgique. On misera plutôt sur le
soutien de villes lentes en périphérie des grandes métropoles pour limiter
le développement de celles-ci. C’est plus réaliste et plus efficace”. Notre
pays compte actuellement quatre villes lentes, toutes francophones: Lens,
Enghien, Silly et Chaudfontaine. D’autres communes montrent leur intérêt
pour la démarche.
De Slow
en Slow
Presser les travailleurs
comme des citrons? Le Slow Management s’y oppose désormais. Loïck Roche,
professeur à l’Ecole de management de Grenoble, a défendu ce concept devant
le Sénat français. Son propos: il est temps de retrouver le sens du travail
et de s’attaquer aux causes du mal-être au boulot, et pas seulement à ses
effets. Au menu du Slow Management: le travail d’équipe, l’écoute, la mise
en présence des travailleurs et de leurs responsables, le choix du long
terme plutôt que le “court-termisme”…
En même temps que Slow
investit le monde du travail, il se glisse dans la sphère privée…sous la
couette. Parmi les premières défenderesses du Slow Sex: la sexologue
canadienne Josée Leboeuf. “Les deux écueils de la vie de couple,
explique-t-elle, c’est soit d’être las quand vient le moment de se mettre au
lit, parce qu’on s’est imposé quantité d’activités préalables, soit de
s’imposer une habileté sexuelle digne de certains films. Ce que propose le
Slow Sex, c’est de savourer tous les moments sensuels en étant à l’écoute de
ses besoins et de ceux de son couple”. Et c’est en couple, profitant de la
lenteur, que l’on pourra aussi s’adonner au Slow Parenting – arrêtons de
planifier activités sur activités pour nos enfants, laissons-les respirer –
ou, le temps des vacances, au Slow Travel (halte à la course touristique, de
site en site). Et à nos moments “perdus”, nous pourrons découvrir la Slow
Fashion – une mode qui se concentre sur la matière, le savoir-faire, la
culture – ou encore le Slow Design – en décorant nos espaces intérieurs
d’objets faits mains, en matériaux recyclables…
Décidément, il a bien
progressé, en quelque vingt ans, le mouvement “Slow”. Comme quoi rien ne
sert de courir. Quand une idée est à point, nécessaire, intelligemment
portée de façons diverses et complémentaires, elle fait son bout de
chemin(2).
// Véronique Janzik
(1) “Ralentir la ville,
Pour une ville solidaire”, Editions Golias, 2010.
(2) Pascale d’Erm, Elie
Jorand, “Vivre plus lentement”, Edition Ulmer, 2010.
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