Vie Quotidienne
(20 mai 2010)
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Un colocataire averti en vaut deux
La
colocation : un long fleuve tranquille?
Le
phénomène de la colocation est en plein essor. Vivre à plusieurs devient la
solution chez les jeunes mais également, chez les moins jeunes. Un loyer
moins cher et vivre en compagnie séduit. La colocation nécessite néanmoins
une bonne organisation dans la vie quotidienne.
L'histoire de Rachel, Monica, Phoebe, Joey, Ross et Chandler, héros de la
série Friends a démontré avec humour les joies et parfois, les difficultés
de la colocation.
Ce phénomène qui émerge dans les années 80 aux Etats-Unis, a le vent en
poupe. Ne se limitant plus aux années de la vie estudiantine, la colocation
devient monnaie courante dans la tranche de 25-30 ans, chez les
quarantenaires après un divorce ou une séparation et même, plus étonnamment,
chez les plus âgés, les 60 ans et plus. L'idée séduit: 300.000 Belges - soit
4% de la population - auraient recours à ce type de logement partagé. C'est
ce que révèle une enquête du Crioc(1).
Question
d'argent
Déjà très répandu depuis
plusieurs années dans des grandes villes comme Paris ou Londres, le
phénomène de colocation connaît aujourd'hui un véritable boum, surtout à
Bruxelles et dans une moindre mesure, dans d'autres villes du pays. Faut-il
voir un lien avec la hausse ininterrompue des loyers?
“L'aspect
financier est une de mes motivations à me lancer dans la colocation,
affirme Julie, 26 ans. Je travaille depuis quatre ans à Bruxelles.
Pendant les trois premières années, j'ai vécu seule dans un petit
appartement (45 m²) avec une chambre à Saint-Gilles. Après avoir
vécu en kot avec trois autres personnes pendant cinq ans, je voulais
avoir mon espace à moi, mon indépendance. Mais le loyer (600 euros,
charges comprises) amputait de près de la moitié, mon salaire. Sans
compter les couacs de la vie de tous les jours dans une habitation:
la chaudière qui tombe en panne, une prise électrique à remplacer…
Aujourd'hui, en colocation, en payant 150 euros de moins que pour
mon ancien appartement, je dispose du double - voire du triple -
d'espace situé dans un meilleur quartier de la capitale. Evidemment,
c'est à partager. Nous sommes deux; donc, loin de nous marcher sur
les pieds.”
Toujours selon le Crioc,
vivre à plusieurs permettrait de faire de 25 à 40% d'économies sur le budget
“loyer” (1). Pas négligeable quand on entre dans la vie active. Mais aussi
quand la vie connaît des remous comme une séparation, un divorce. Ou quand
on approche de la pension.
Danielle et
Ghislaine-Céline, respectivement 64 et 63 ans, ont décidé au mois d'août
2008 de se lancer dans l'aventure. “Payer le loyer à deux nous permet
d'avoir une belle maison avec un jardin en Brabant wallon; alors que seule,
je parviendrais à peine à louer un flat bruxellois”, explique
Ghislaine-Céline.
Ensemble, pour le meilleur…
Le volet financier n'est
pas le seul leitmotiv à la colocation. “Quand j'ai trouvé du travail à
Liège, j'allais débarquer dans cette ville en ne connaissant personne,
raconte Christophe, 30 ans. Un de mes amis avait décroché un job également
dans la Cité ardente. La colocation nous a semblé un bon choix. Nous ne
sommes pas seuls, nous pouvons découvrir la ville ensemble. On s'arrange
pour les repas: nous cuisinons chacun à notre tour. Nous faisons du
covoiturage pour partir au boulot…”
Habitués à vivre en kot
à plusieurs pendant les études, nombreux sont les jeunes travailleurs à
vouloir continuer cette vie en communauté. Affronter la vie adulte seul
effraie certains, se retrouver face à soi-même le soir donne le cafard à
d'autres. La vie ensemble où on partage tout, les coups de blues comme les
heureux moments, un reste de l'utopie à la soixante-huitarde? “Les
avantages sont nombreux: je n'étais jamais seule, explique Alice,
presque trentenaire. Il y avait une solidarité entre nous. Chacun
s'entraidait par des petits coups de main.”
Lutter contre la
solitude, chez les jeunes comme chez les plus âgés, semble être une
motivation à vivre sous un même toit. Ghislaine-Céline confie: “Rentrée en
Belgique après un séjour en Amérique du Sud où la colocation est courante,
j'avais du mal à me réhabituer au mode individualiste occidental. Prendre
une maison avec Danielle m'a séduit. Avec l'âge aussi, c'est rassurant de
savoir qu'on n'est pas seul chez soi pour affronter les petits accidents de
la vie.”
Parfois, les petits
changements de la vie perturbent le havre de paix de la colocation.
Augustin, 27 ans, décide de vivre avec deux autres garçons. “L'un d'entre
nous a eu un enfant entre temps et s'est séparé de sa compagne. Du coup,
nous avons la petite fille à la maison une semaine sur deux.” Vivre entre
garçons ou entre garçons avec un enfant en bas-âge est différent. “On fait
des réunions pour réorganiser la vie ensemble : avec un enfant, plus
question de laisser les cendriers à sa hauteur ou de fumer quand elle est
présente. Mais la vie avec ce petit bout, c'est aussi une découverte. On
rend service au papa en faisant du babysitting et une chouette relation
s'installe avec la petite fille.”
Au
quotidien
Une organisation de tous
les jours s'impose. La vie à plusieurs doit tenir compte des agendas, des
emplois du temps, des amis qui passent dire bonjour, des humeurs… Certains
partagent tout : les courses se font ensemble, la voiture se prête, les
soirées se passent ensemble… D'autres se limitent à moins, voire ne se
croisent même pas. “Nous avons une colocataire fantôme, raconte
Catherine, 26 ans et vivant en colocation depuis deux ans avec deux autres
filles. On est censé vivre à trois mais nous avons l'impression de vivre
seulement à deux. Pas trop dérangeant sauf pour les tâches ménagères. Elle
n'y participe pas du tout: elle ne nettoie jamais les communs, n'achète
jamais les produits d'entretien ou le papier toilette. A la longue, ça peut
poser problème.”
Selon la configuration
du bien loué, il est important que chacun ait son propre espace de vie et
que son intimité soit ainsi préservée. “La maison permettrait de ne pas se
croiser si on le voulait, précise Danielle. Mais on tient l'une l'autre à ce
que chaque matin, l'on prenne notre petit-déjeuner ensemble. C'est
d'ailleurs le meilleur moment de la journée. Finalement, je ne partage avec
Ghislaine-Céline que la cuisine et le living.”
L'histoire de la
colocation a généralement une fin. Souvent perçue comme une transition, elle
se termine quand la vie change de cap. “Après cinq ans et demi de
colocation, je crois que j'ai fait mon temps, confie Alice. Jusqu'il
y a peu, le fait de vivre seule m'effrayait. Aujourd'hui, j'ai besoin
d'avoir mon intimité, d'être libre d'inviter qui je veux quand je veux sans
avoir peur de déranger les colocataires, de faire ce qui me chante sans
tenir compte forcément d'autres.”
Certains diront: “Vive
la coloc”, d'autres verront cette expérience comme un échec. La vie ensemble
est rythmée par des hauts et des bas. Qu'on se connaisse ou pas avant
d'embarquer dans l'aventure, la colocation est une situation de compromis
entre les personnes y prenant part et également, un compromis dans sa vie
personnelle : un espace partagé, pour une période, à un coût moindre…
// Virginie Tiberghien
(1) “La colocation”,
enquête menée par le CRIOC en mars 2007
www.crioc.be
Croisement de
générations |
Vivre
ensemble, ce n'est pas uniquement entre gens du même âge, qu'ils soient
jeunes ou plus âgés.
Le brassage des générations dans la grande histoire de la colocation peut
révéler de nouvelles découvertes. On l'appelle “l'habitat kangourou” ou tout
simplement “l'habitat intergénérationnel”. Ces nouveaux types de logement
peuvent être des alternatives à la maison de repos. Parfois, la maison
devient trop grande pour l'entretenir tout seul ou trop vide pour s'y sentir
bien. Avec cette solution, la personne âgée propose de louer une partie de
son habitation à un étudiant, un jeune travailleur, un jeune couple ou
encore une famille. Au-delà de la rentrée financière – généralement modique
–, il s'assure d'une présence dans sa maison.
Brochure
sur l'habitat
kangourou téléchargeable sur
www.questionsante.be
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