Vie Quotidienne
(1er novembre 2012)
Construire et concevoir en
mode universel
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© Photononstop |
Les sept principes de la conception universelle
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Usage équitable : aucun utilisateur ne doit être désavantagé.
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Souplesse
d’emploi, adaptation aux capacités de chacun.
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Utilisation simple et
intuitive, facile à comprendre par tous.
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Perception efficace de
l’information.
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Réduction des risques d’erreur et des accidents.
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Effort
physique minimum.
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Espace adapté pour l’approche et l’utilisation.
Ces
principes ont été définis en 1997 par une équipe du Center for Universal
design (Caroline du Nord), réunie autour de l’inventeur de la conception
universelle.
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L’architecte américain Ronald L. Mace savait de quoi il parlait lorsqu’il
revendiqua, au début des années 90, la promotion d’un Universal design. En
chaise roulante depuis ses neuf ans, il avait pris la mesure de la
difficulté de vivre handicapé dans une société conçue pour les bien-portants
et surtout pour les jeunes, mobiles, bien informés et éduqués.
Trop de bâtiments,
notamment publics et donc censés être au service de la population, ne sont
pas accessibles aux personnes handicapées. Trop d’espaces urbains sont
parsemés d’obstacles qui limitent les déplacements des personnes à mobilité
réduite. Trop de transports en commun ne sont pas accessibles et les
services spécialisés restent insuffisants. Le handicap n’est pas seulement
le problème d’une personne aux capacités limitées. Il se double d’autres
difficultés, nombreuses, liées à une mauvaise organisation de
l’environnement.
Peut-on imaginer une ville dans laquelle les transports en
commun seraient si bien organisés, cadencés et accessibles que la voiture ne
serait utilisée que par celles et ceux qui ne peuvent s’en passer? Peut-on
imaginer des logements modulables selon l’âge et les capacités de chacun?
Peut-on multiplier des espaces culturels (cinémas, théâtres, musées...)
physiquement accessibles à tous, sans oublier de faciliter l’accès aux
contenus par des sous-titres de qualité au cinéma, des audio-guides dans les
expositions, l’audio-description pour les malvoyants au théâtre…?
“Tout pour
tous”
L’Universal design, que l’on traduit en français par
conception
universelle, vise à développer un environnement avec le moins d’obstacles
possible de telle sorte que les personnes handicapées ou à mobilité réduite
puissent vivre au milieu de la société.
En architecture et en urbanisme,
l’objectif est de construire d’emblée, dès la conception des bâtiments et
des environnements, des projets pensés pour tous. On a encore trop souvent
la mauvaise idée de construire d’abord et puis d’adapter! Plus largement, la
conception universelle vise à élaborer des produits et équipements
utilisables par le plus grand nombre. L’objectif des designers est de
proposer des produits esthétiques par les formes et couleurs, mais aussi
aisément utilisables, agréables à prendre en main et fonctionnels parce
qu’ils sont centrés sur les besoins de l’utilisateur.
Le concept s’est imposé au-delà du secteur de la construction. “Certains
pays ont bien compris l’intérêt de cette approche, commente l’Association
des paralysés de France(1). Prendre en compte, dès la conception d’un bien,
les contraintes d’utilisation des personnes en situation de handicap
constitue un moteur d’innovation et de développement économique.” Il est en
effet contre-productif de segmenter le marché et de réduire la production de
biens de confort aux seules personnes handicapées. Citons quelques exemples
concrets de produits innovants. L’essoreuse à salade OXO permet d’essorer la
salade d’une seule main en poussant sur un bouton. La poubelle automatique
qui s’ouvre en passant la main au-dessus du couvercle grâce à une cellule
photo-électrique permet une économie de geste et est plus hygiénique. Le
robinet muni d’un détecteur infrarouge délivre juste l’eau nécessaire. Les
tables à hauteur réglable conviennent à chacun...
Ces produits innovants ne
sont pas seulement utiles aux personnes handicapées. Ils viennent à point
pour les personnes valides qui connaissent des difficultés de mobilité à
certains moments de leur existence. Le plan incliné - qui se fait plus
fréquent dans des lieux publics - sert aussi le confort d’un parent
accompagné d’un enfant en poussette, un livreur déplaçant sa marchandise sur
un diable, un voyageur tirant sa valise à roulettes… Et la télécommande,
conçue à l’origine pour les personnes handicapées, est aujourd’hui présente
dans toutes les familles !
Une pleine vie sociale
En étant avantageux pour
tous, ces produits ne portent pas l’image discriminatoire du “produit pour
personnes handicapées”. En facilitant la vie quotidienne, ils permettent aux
moins valides de vivre en société au lieu d’être trop souvent retenus dans
des lieux adaptés. L’enjeu essentiel est bien de favoriser l’intégration et
la participation des personnes handicapées.
A Paris, Nantes et Grenoble, les
Français ont relancé le tram, plus convivial, moins bruyant que le métro et
plus accessible grâce au plancher arrivant à la même hauteur que le quai,
avec une palette qui sort automatiquement au niveau des portes. La
fréquentation est un succès. Et les personnes à mobilité réduite ne sont pas
les dernières à prendre le tram : “Si celles-ci ne fréquentent que des
transports adaptés, on ne les voit pas. Ici, on en voit de plus en plus dans
les rues et cela change collectivement le regard sur le handicap”.(1)
La
technique ne cherche pas seulement à résoudre un problème pratique.
L’objectif, en remplaçant un escalier par un plan incliné, est de permettre
aux personnes à mobilité réduite de monter aux étages d’une salle de
spectacle ou d’un magasin, d’aller là où tout le monde va. Une télécommande
de télévision donne accès à des contenus qui, sinon, resteraient
inaccessibles à des personnes immobilisées.
L’accessibilité est une pièce
essentielle de la participation des personnes handicapées à une pleine vie
sociale. Mais il ne faut pas se leurrer. Lever l’obstacle n’efface pas le
handicap, comme certains l’affirment un peu trop vite.
Une philosophie et
une pratique
Né aux Etats-Unis, il y a vingt ans, l’Universal design
s’est fortement développé au Japon, dans les pays nordiques aussi. Lancé
depuis 2005 en France, il s’inscrit dorénavant dans les objectifs des plus
hautes instances internationales. Ainsi, l’Europe définit la conception
universelle comme “une stratégie qui vise à concevoir et élaborer différents
environnements, produits, technologies et services de l’information et de la
communication qui soient accessibles, compréhensibles et utilisables par
tous, autant que faire se peut et de la manière la plus naturelle possible,
sans devoir recourir à des solutions nécessitant une adaptation ou une
conception spéciale.”(2) Avec l’ONU, l’Europe soutient le
développement de ce courant. Des plans d’action nationaux sont mis en place.
Une douzaine de champs d’action ont été ciblés qui vont, classiquement, de
l’environnement bâti aux transports, mais qui débordent largement sur la vie
en société, la participation à la vie publique et culturelle, les questions
de communication et d’information, l’école, l’emploi(3).
La conception
universelle est à la fois une philosophie et une pratique. Elle ne se
confond pas avec l’ergonomie ou la facilité d’usage des produits. Elle
cherche avant tout à traduire dans les faits l’espoir des personnes
handicapées à être des citoyens à temps plein, à mener une vie autonome et
solidaire.
// CHRISTIAN VAN ROMPAEY
(1) “Conception universelle. Penser tout pour tous”. Dans “Faire Face”,
publication de l’Association des Paralysés de France (n°702).
(2) Résolution
de Tomar (Portugal 2001).
(3) Actes de la conférence consacrée à la
conception universelle, Paris, 9/12/2011.
Des espaces publics accessibles à tous
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© Maxppp |
Les situations transforment les regards et les comportements. Telle est
aussi l’idée sous-jacente aux projets urbanistiques qui visent à partager
nos espaces publics. “Aujourd’hui, les déplacements (rapides) prennent trop
de place dans l’espace public qui n’est plus un lieu de séjour, regrette
Pierre Vanderstraeten, sociologue et architecte, professeur en urbanisme à
l’UCL(1). Les différents types d’usagers ne sont pas assez en relation
entre eux et ne font plus appel à leur intelligence pour appréhender
l’espace. Les règles du partage du domaine public et la civilité se sont
tellement affaiblies que les pouvoirs publics ont mis en place des
dispositifs séparatifs qui morcellent l’espace et réduisent davantage encore
la sociabilité et la civilité”, ajoute-t-il. Et de citer l’exemple des
piquets et barrières installés sur les trottoirs pour lutter contre le
parking sauvage.
“Si l’on veut recréer de la vie sociale et de la
responsabilité, il faut concevoir des espaces publics partagés tant en ville
qu’en milieu rural”, plaide le professeur d’université. Il s’agit de
réaliser des aménagements dans des lieux qui font sens, où la vie sociale
peut se déployer. L’espace partagé par tous les usagers est conçu de plein
pied, de façade à façade (sans trottoirs donc), avec un revêtement et une
couleur uniformes, sans bornes, sans feux ni panneaux de signalisation.
L’espace partagé est donc accessible aux personnes à mobilité réduite (46%
de la population, tous âges confondus) et offre un plus grand confort à
tous. Des plantations et du mobilier urbain invitent à la rencontre, à la
convivialité, aux festivités. L’éclairage est conçu de telle sorte qu’il
n’incite pas les véhicules à rouler vite.
Ces aménagements, déjà réalisés
dans certaines villes comme Malines, Strasbourg, Sion ou Freiburg, ont deux
effets positifs importants, outre la rencontre entre les générations et la
convivialité. D’une part, ils invitent à la lenteur et offrent plus de
plaisir à se déplacer à pied et à vélo qu’en voiture. D’autre part, les
accidents sont moins nombreux que dans des espaces compartimentés. En effet,
dans un espace ouvert, les usagers, privés de repères, accroissent leur
vigilance et adaptent leurs comportements. Le trafic est également plus
fluide et chacun négocie sa place en toute sécurité. A quand donc des
espaces partagés dans nos villes et villages pour améliorer le vivre
ensemble?
//JD
(1) Pierre Vanderstraeten a donné une conférence sur ce sujet lors de la
journée organisée par Enéo, mouvement social des aînés, le 26 avril 2012 sur
le thème des solidarités intergénérationnelles.
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