S’activer sans
cesse, quel écueil ! A l’heure où nous ne lâchons plus nos téléphones, où
nous vivons rivés aux écrans où les informations défilent, où se trouve le
repos? Ménageons-nous des répits. Prenons le temps d’être, conseillent
quelques sages.
Chaque année,
l’écrivain Jean-Claude Carrière ouvre son nouvel agenda au hasard et barre
une dizaine de journées, réparties au fil des mois. Il ne fixera aucun
rendez- vous à ces dates, raconte à son sujet un autre écrivain philosophe
Frédéric Lenoir. “Ce sont des plages de temps qui lui appartiennent,
vingt-quatre heures durant lesquelles il peut dormir, lire, flâner, se
retrouver face à lui-même, placer ses obligations entre parenthèses”(1). De
véritables journées cadeaux à lui-même, de vraies vacances où l’occupation
sera “inutile, futile, simple, légère, non programmée, sans but ni objectif
précis, dans la gratuité d’un moment”.
La culpabilité
pointe à l’horizon. Les soupçons de paresse ne sont pas loin. “Pourtant,
pendant que ‘nous nous ennuyons’, notre inconscient trouve de l’espace pour
travailler et les idées s’élaborent dans les recoins cachés du cerveau. Ne
rien faire, c’est accepter de réfléchir, de raisonner et de penser”: paroles
de Pierre-Henry Coûteaux, co-auteur d’“Une folle envie de ne rien
faire…”(2). Néanmoins, précise- t-il, il y a lieu de distinguer le “ne rien
faire” créateur ou ressourçant de la procrastination, cette tendance
“pathologique” à remettre systématiquement au lendemain quelques actions.
S’accorder des
temps de répit constitue un réel effort tant l’activité – on peut même dire
l’activation – et le travail sont omniprésents. Quel effroi face à ce temps
a priori perdu ! Des voix s’élèvent pour nous affirmer le contraire : ne
rien faire – ou faire rien –, c’est aussi du temps gagné… à la faveur du
ressourcement, à se régénérer, à retrouver son enthousiasme, à ménager nos
esprits fatigués. Et il en faut du talent pour ne rien faire.