Social
(17 janvier 2008)
Les
titres-services progressent
tout en questionnement
Les
titres-services font l’objet de divers projets. Du développement au
réaménagement, les perspectives divergent entre des accents de “plus encore”
ou de “surtout différemment”. Parmi les politiques, d’aucuns parlent d’une
éventuelle extension du système des titres-services. Tandis que certains
acteurs de l’insertion socioprofessionnelle recommandent la transformation
de la formule.
Pour
le transfert
de l’activité ménagère
du noir vers le marché du travail.
De l’aide ménagère
au jardinage
Aujourd’hui et ce,
depuis leur mise en œuvre effective en 2004, les titres-services peuvent
être utilisés par les particuliers pour rémunérer des services d'aide
ménagère. Il s'agit en détail, pour les activités au domicile de
l'utilisateur, du nettoyage du domicile (y compris les vitres), de la
lessive, du repassage et de petits travaux de couture ou encore de la
préparation de repas. Pour les activités réalisées en dehors du domicile de
l'utilisateur, seront admis dans le système des services comme l’aide pour
les courses ménagères, le transport accompagné de personnes à mobilité
réduite et le repassage y compris le raccommodage du linge à repasser.(1)
Et ce, pour autant que ces différentes activités relèvent du cadre privé et
non professionnel. Ainsi, le nettoyage d'un cabinet médical, d'une salle
d'attente, etc. ne pourra être effectué en ayant recours aux
titres-services.
Il existe cependant
quelques distinctions entre les Régions du pays. En effet, bien que le
système relève d’une gestion fédérale, les Régions ont le pouvoir d’élargir
la liste des activités sur leur territoire. Et, la Flandre en particulier a
exploité cette prérogative, dans l’accueil de la petite enfance. En effet,
un décret permet l’octroi de titres-services pour la garde d’enfants,
moyennant certaines conditions: s’adresser à des familles monoparentales
actives, avec des enfants de 0 à 3 ans, pour répondre à des besoins urgents
et occasionnels (tôt le matin ou tard le soir), qui résultent de la
situation professionnelle du parent.
Une extension?
Récemment, la presse
quotidienne, retraçant le contenu des négociations de l’orange bleue, notait
ce point d’accord entre partenaires: étendre les titres-services à une
nouvelle série d’activités. Le projet était d’ailleurs évoqué dans les
programmes des partenaires cdH et MR, au moment des élections de juin 2007.
“Le système des titres-services, une idée lancée initialement par
Philippe Maystadt et Benoît Drèze en 1993, et mis sur pied en 2004, a montré
sa capacité de créer des emplois, pouvait-on lire dans le programme du
cdH. Il faut donc étendre et pérenniser le système. Le cdH propose
d’étendre le champ des activités des titres-services aux petits travaux du
bâtiment et de jardinage, à certaines activités dans le domaine du sport, de
la garde des enfants, à l’accompagnement des personnes âgées et/ou malades;
d’étendre le champ des utilisateurs concernés en permettant aux indépendants
d’y avoir accès dans des conditions spécifiques et donner la possibilité aux
employeurs d’offrir des titres-services à leurs travailleurs (...)”. Le
MR, quant à lui, proposait d’y réfléchir tout en notant que le système coûte
cher en termes de financement public et qu’il y a lieu de réfléchir à
garantir la viabilité financière du système.
Objectif emploi… et qualité
Les objectifs poursuivis
par ce système tiennent en particulier à la promotion des emplois et
services de proximité; avec la création d’emplois d’une part et la lutte
contre le travail au noir, d’autre part, en agissant pour le transfert
d’activités “clandestines”, “informelles” vers le marché du travail. De
surcroît, il s’agit d’octroyer aux travailleurs ainsi déclarés un véritable
contrat de travail avec les droits et les protections que cela suppose.
Tout en reconnaissant
que disposer d’un emploi représente la meilleure protection contre la
pauvreté, certains acteurs de l’insertion socioprofessionnelle expriment des
critiques vis-à-vis de la manière dont le système des titres-services
cherche à atteindre ces différents objectifs.
Réunis en table de
concertation autour du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et
l’exclusion(2), ils sont quelques-uns parmi lesquels ATD
Quart Monde, les syndicats CSC et FGTB, Luttes Solidarités Travail, l’Interfédération
des entreprises de formation par le travail et des organismes d’insertion
socioprofessionnelle, le Forem… à s’être penchés sur la mesure des
titres-services. De leurs échanges, ils dégagent des points d’attention, et
questionnent le système.
Leurs remarques
concernent la qualité des emplois titres-services tout d’abord. Contrats à
durée déterminée successifs et temps de travail forts limités seraient
pratiques courantes, éloignant les travailleurs engagés sous ce type de
contrat, des normes imposées par les statuts de travail légaux et de la
perspective d’un revenu stable. Les participants à la table de concertation
évoquent également la pression exercée dans certaines entreprises sur les
travailleurs titres-services en les enjoignant, par exemple, de rechercher
eux-mêmes des utilisateurs potentiels.
De qualité, il est aussi
question au regard de la formation prévue dans le cadre de ces mesures en
matière d’emploi. Un Fonds de formation rembourse une partie des coûts
consentis par les organismes agréés en la matière. Mais de l’avis des
participants à la table de concertation “la façon d’allouer les moyens du
Fonds ne tient pas compte de la qualité des formations”.
Ensuite, ce sont les
subventions gouvernementales accordées tant aux entreprises qu’aux
utilisateurs qui font l’objet de critiques. Les subsides gouvernementaux
sont de 20 euros par chèque – une diminution de 1 euro depuis le 1er janvier
2007. Cette valeur d’échange si elle n’est pas cumulée avec des aides à
l’embauche, ne permettrait pas aux entreprises sociales d’insertion
professionnelles et aux CPAS de maintenir leurs offres à terme sur le marché
des titres-services. Alors que justement ce sont celles qui s’efforcent le
plus d’atteindre l’objectif d’insertion socioprofessionnelle durable,
regrettent les participants à la table de concertation.
Les défiances sont
identiques du côté du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) (3)
qui s’interroge entre autres sur la concurrence avec des services
collectifs. “Les agences intérimaires ont dépassé leur rôle et leurs
fonctions spécifiques et ne doivent plus pouvoir être agréées. Le
titre-service, ce n’est pas mettre un travailleur/euse à disposition d’un
particulier.”
“(…)dans les services
collectifs, l’utilisateur n’est pas compris seulement comme un consommateur,
poursuit le MOC se défendant de toute démarche corporatiste.
L’utilisateur est associé à la détermination de l’offre de service en lien
avec sa demande. Ce sont dans les services que l’on a des complémentarités
de métiers. C’est également dans le secteur du non-marchand que les
travailleurs ont les meilleures conditions de travail, de formation et
d’encadrement.”
Si, aujourd’hui le
système ne montre aucun signe de recul, les invitations à la prudence dans
son développement, voire à l’indispensable transformation sont lancées.
Catherine Daloze
(1) Source :
http://www.emploi.belgique.be/
(2) Compte-rendu des discussions publié en pages 91 à 111
dans “Lutter contre la pauvreté. Evolutions et perspectives. Une
contribution au débat et à l’action politique” - téléchargeable sur
www.luttepauvrete.be et disponible
au prix de 7 euros (+ frais de port) au 02/514.08.00.
(3) Le Mouvement ouvrier chrétien rassemble la CSC, la
Mutualité chrétienne, Vie féminine, la JOC, les Equipes populaires et le
Groupe ARCO.
Sans brader les compétences
Les ASD, aide et
soins à domicile, ont envisagé le dispositif titres-services pour
l’aspect: création d’emplois d’utilité publique. Ainsi un
département aide ménagère en croissance jouxte les activités d’aide
à la vie journalière et soins infirmiers. D’emblée, les instances de
la FASD ont pris l’option de limiter les titres-services à l’aide
ménagère et de refuser l’engagement d’aides familiales dans ce
cadre.
Pas question en
effet de brader le statut acquis par ces professionnelles au fil du
temps. Pas question par ailleurs, de créer de l’emploi dans
n’importe quelles conditions. Contrats à durée indéterminée,
formation continue adaptée (technique de manutention, communication,
déontologie…) constituent le cadre donné aux titres-services au sein
des ASD. Et la Fédération de revendiquer également la reconnaissance
de l’ancienneté pour les aides ménagères, la valorisation de
l’encadrement formatif… |
Avec succès
Les titres-services ont
engendré la création de nombre d’emplois. 40.000 personnes étaient occupées
sous ce régime en 2006. Avec une précision cependant: parmi les travailleurs
titres-services interrogés pour une évaluation publiée en 2007
(1), 47,7 % étaient demandeurs d’emploi auparavant, alors que 38,1 %
avaient déjà un travail rémunéré.
L’évaluation remarquait
également que “cette fructueuse mesure pour l’emploi a un impact
budgétaire élevé pour les autorités fédérales”. Un coût estimé pour 2006
à 308,1 millions d’euros net (effets de retour dans les caisses de l’Etat
déduits).
La demande est
croissante sur les trois Régions et la Flandre continue à supplanter les
autres: en novembre 2007, Bruxelles comptait 362.365 titres-services achetés
durant le mois, la Wallonie 1.425.052 et la Flandre 3.229.195
(2).
(1) IDEA Consult – disponible sur
http://www.emploi.belgique.be
(2) Source:
http://www.onssrszlss.fgov.be/
Concrètement? |
Sur le terrain,
comment se traduit ce système? Première étape: le particulier
s’inscrit comme utilisateur et achète des titres-services auprès de
la société Sodexho (successeur d’Accor depuis le 1er
janvier 2008). Il sélectionne une entreprise agréée par l’autorité
fédérale. Parmi les 1.600 agréés, des entreprises commerciales
côtoient les initiatives publiques et privées du non-marchand.
L’entreprise agréée envoie alors, selon les modalités convenues avec
l’utilisateur, un travailleur qui effectuera le service souhaité.
Par heure de travail prestée, l'utilisateur remet au travailleur un
titre-service daté et signé. La valeur du titre-service est fixée à
6,70 euros et sa durée d’utilisation est de huit mois. Les sommes
payées pour l'achat des titres-services donnent droit à une
réduction d'impôts de 30 %.
Infos
www.titres-services-onem.be/
Pour les particulier : 02/547.54.95;
pour les entreprises : 02/547.54.93. |
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