SOCIAL (15 février 2007)
Elections
fédérales 2007
Le XXIe
siècle sera social… ou ne sera pas!
Dans la perspective des prochaines élections législatives qui se
tiendront le 10 juin 2007, le Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) a confié au
CIEP, le Centre d'Information et d'Education Populaire du MOC, la
réalisation de 14 fiches pédagogiques dont l'objectif est de présenter les
enjeux principaux du prochain scrutin. Il ne s’agit pas pour le MOC de
désigner les hommes et les femmes pour lesquels il conviendrait de voter
mais de proposer des textes à partir desquels chacun peut se forger une
opinion politique sur des sujets essentiels.
Ces 14 fiches ont été conçues
comme des outils de clarification des enjeux idéologiques des prochaines
élections. Chacune d'elles porte sur une compétence politique fédérale
(impôts des personnes physiques, soins de santé, pensions, financement de la
sécurité sociale…) et s'attache, après avoir dressé un bref état des lieux
du domaine envisagé, à mesurer les conséquences des options politiques
néolibérales et progressistes. Chaque fiche présente des pistes pour des
revendications propres au Mouvement Ouvrier Chrétien.
Ces fiches peuvent intéresser chacun d'entre nous. Elles peuvent être
téléchargées sur le site du CIEP (www.ciep.be - Rubrique campagne). Elles
sont surtout, pour le monde associatif et les citoyens organisés, une source
d'informations et un outil de débat permettant à chacun d'entre nous de se
forger une opinion politique documentée. Ci-dessous nous reproduisons une
fiche sur la marchandisation des soins de santé qui concerne plus
particulièrement les membres de la Mutualité chrétienne.
CVR
Infos : 02/246 38 41 (ou 42 ou
43) www.ciep.be
Refuser la marchandisation de nos soins de
santé
Du fait de l’extrême concentration des soins de santé sur une faible
minorité de personnes (61 % des remboursements sont consacrés à 5% de la
population), une assurance sociale de soins de santé participe de la plus
élémentaire justice sociale: elle solidarise les bien portants et les
malades, les jeunes et les plus âgés, les moins nantis avec ceux qui le sont
davantage (grâce au financement progressif de la sécurité sociale). Ce sont
toutes ces solidarités qu’il faut maintenir et développer, afin de garantir
un accès égal pour tous à des soins de qualité.
Etat des lieux
Les dépenses publiques de soins de santé (soit les prestations remboursées
par les mutualités pour les régimes des salariés et des indépendants)
occupent une place importante au sein de notre sécurité sociale: en 2005,
elles représentent 17,3 milliards d’euros, soit 34,3% des dépenses de
sécurité sociale (ou 5,8 % de notre PIB).
Les principales dépenses sont constituées par les honoraires des médecins
(5,2 milliards), les frais de séjours à l’hôpital (3,8 milliards), les
prestations pharmaceutiques (3,3 milliards), les séjours en maisons de repos
et/ou de soins, les maisons de repos pour personnes âgées et les centres de
jour (1,5 milliards).
Ces dépenses connaissent une croissance soutenue : 6,1% par an en termes
nominal pour la période 2000 à 2005. Au travers de cet indicateur, on voit
poindre le problème majeur : comment garantir à long terme un financement
suffisant et récurrent ? Pour l’instant, une norme de croissance autorise
les dépenses de soins de santé à croître au rythme de 4,5 % par an en termes
réel. Mais cette norme devra, à l’avenir, prendre en compte l’impact du
vieillissement de la population, des progrès technologiques (qui
renchérissent le prix des prestations médicales) et du coût de la
revalorisation du personnel soignant.
Malgré l’ampleur de la couverture des soins de santé, les patients doivent
payer de leur poche des montants considérables de tickets modérateurs et
suppléments divers. Ainsi, la Mutualité chrétienne a pu mettre en évidence
que les coûts moyens à charge des patients hospitalisés ont augmenté en
moyenne de 7,1% par an entre 1998 et 2004.
Ces frais peuvent faire l’objet d’une réassurance, partielle, auprès des
mutualités via leurs services complémentaires, ou auprès des compagnies
d’assurances commerciales via des contrats d’assurance hospitalisation. Sur
ce terrain, la Mutualité chrétienne, avec ses couvertures complémentaires
solidarisées (l’Hospi Solidaire), sans condition médicale, se pose comme une
réelle alternative au secteur commercial.
Malgré tout, notre système de santé laisse ainsi une large porte ouverte à
la privatisation et à la marchandisation de l’assurance maladie.
L’option néolibérale et ses conséquences
Vu le succès commercial de certaines compagnies d’assurances dans ce
secteur, il ne s’agit plus d’un danger théorique. D’aucuns prétendent que
notre système de santé deviendrait trop «cher» et devrait laisser plus de
place aux compagnies d’assurances (en restreignant la couverture obligatoire
et en laissant croître et agir les «forces» du marché via des couvertures
complémentaires à géométrie variable… Tout cela conduirait à gérer les soins
de santé selon une logique purement commerciale (segmentation des tarifs,
sélection des risques, recherche de rentabilité financière). Conséquence
ultime de ce choix: ceux qui ont le plus besoin de soins de santé seraient
également ceux qui y auraient le moins facilement accès!
Mais il faut tenir également compte des tensions internes au système
d’assurance soins de santé lui-même. En effet, sous la pression constante de
contraintes budgétaires et politiques (traduisant une volonté de réduire la
pression (para)fiscale), les décideurs en charge de la sécurité sociale ont
été amenés à rechercher et appliquer des mesures d’économies susceptibles de
modérer la hausse des dépenses de sécurité sociale, et principalement des
dépenses de santé. L’arsenal de mesures est vaste, mais il convient de
souligner l’importance croissante que prennent les mesures sélectives,
«incitatives» et de responsabilisation (des patients, des mutualités, des
prestataires). Toujours prises dans le but – justifié – d’économies et de
recherche d’efficacité, il faut toutefois veiller à ce que celles-ci ne
deviennent pas contre-productives. Trop de sélectivité pourrait en effet
donner l’impression à ceux qui contribuent davantage d’être «déconnectés» du
système solidaire en ayant de moins en moins de possibilités de
remboursements. La tentation pourrait alors être de quitter l’assurance
sociale pour une assurance commerciale privée.
Des pistes pour des revendications
• Maintenir au sein de la sécurité sociale un système d’assurance
maladie-invalidité obligatoire maximal. La solidarité reste, en effet,
le fondement le plus solide pour une assurance de soins de santé, avec une
attention particulière pour les personnes malades, invalides, handicapées et
les personnes les plus vulnérables. Rappelons que le système belge est l’un
des plus efficaces et des moins coûteux du monde !
• Le système d’assurance maladie-invalidité obligatoire, basé sur la
solidarité, doit rester le terrain exclusif des mutualités assurant
cette mission de service public sans but lucratif. La recherche de profit en
assurance maladie conduit inexorablement à une segmentation du marché, à une
sélection des risques et au transfert du coût des soins vers les patients.
• Pour assurer l’efficacité de cette assurance, il faut en garantir le
financement à long terme. La croissance des dépenses doit être financée
soit par le biais de moyens collectifs plus élevés (via un financement
alternatif de la sécurité sociale, en particulier une cotisation sociale
généralisée), soit par le biais d’une diminution d’autres dépenses
publiques. En tout cas, la norme actuelle de croissance ne peut pas être
diminuée, sauf au détriment du patient. Une privatisation déguisée par des
hausses systématiques du ticket modérateur et des suppléments est
inacceptable.
• Il faut également veiller à la viabilité financière du système
d’assurance pour la communauté. Dans ce cadre, une gestion et une
exécution correctes des règles légales par les mutualités sont requises. De
plus, dans les prochaines années, des mesures seront également nécessaires
pour maîtriser les dépenses et, partant, rester dans les limites du budget.
Cette maîtrise des dépenses devra contribuer à éviter un emballement des
dépenses qui risquerait de mener à un effritement du système légal et de
l’accessibilité financière des soins pour le patient.
• Une politique de soins adaptée aux besoins d’une population
vieillissante. Les conséquences sur les dépenses en matière de soins de
santé ne doivent pas être sous-estimées : actuellement les soins pour
personnes âgées augmentent chaque année en moyenne d’un petit 10 %. D’ici
2020, le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera de plus de 30 %.
Même si le vieillissement n’est pas forcément synonyme de mauvaise santé ou
de dépendance, les besoins en soins et en infrastructures pour personnes
âgées ne feront que croître. Les budgets et l’offre de soins doivent être
adaptés en conséquence (soutien des services et soins à domicile,
renforcement de l’offre résidentielle, mise en œuvre d’une
assurance-autonomie fédérale). Il faut également veiller à une tarification
transparente dans les maisons de repos par la mise en place d’un ensemble
uniforme de services de base couverts par le prix de journée.
• Une liaison des indemnités au bien-être : en matière d’indemnités
d’invalidité, une attention particulière doit se porter sur le maintien du
pouvoir d’achat des personnes en incapacité de travail, et en particulier de
ceux qui sont malades depuis une longue période.
• Une meilleure prise en compte des coûts des malades chroniques : le
maintien et le renforcement du forfait de soins pour les malades chroniques
qui font face à des coûts considérables (en situation de dépendance très
sévère, par exemple); la mise en place de mesures spécifiques pour réduire
ces coûts ( par exemple : les conditions d’octroi du forfait d’incontinence
doivent être assouplies), et enfin une meilleure couverture des médicaments
non remboursés (tels que les antidouleurs), prescrits par un médecin à un
malade chronique doivent être mieux couverts (par exemple en les remboursant
comme les médicaments de la catégorie B).
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