Social
(15 mars 2007)
Un accord
social dans le non marchand en région wallonne
Le 28 février
dernier, la ministre des Affaires sociales de la Région wallonne, les
syndicats et les employeurs du secteur non-marchand ont signé un accord
social cadre pour les années 2007-2009. Un accord qui améliore la situation
des travailleurs mais qui laisse les employeurs inquiets devant les
engagements financiers qu’ils devront consentir sans garantie de financement
public.
Avec une augmentation de plus de
10% en une quinzaine d’années, le secteur non-marchand (essentiellement
associatif) représente aujourd’hui près de 30% de l’emploi salarié en
Wallonie et ce, dans les domaines de la santé, de l’action sociale, de
l’insertion socioprofessionnelle, de l’éducation, de l’enseignement et du
socioculturel. C’est dire l’importance de ce secteur et l’enjeu que
représente la conclusion d’un accord social qui concerne ici les secteurs
relevant de la Région wallonne (1).
En
fait, un protocole d’accord avait été conclu entre la ministre Vienne et les
syndicats en novembre dernier, prévoyant des moyens supplémentaires à
hauteur de 35 millions d'euros sur trois ans (2,5 millions en 2007, 7,5
millions en 2008 et 25 millions en 2009).
Début février, lors de la réunion
tripartite syndicats-employeurs-ministre, les employeurs ont refusé
d’avaliser ce protocole parce qu’ils avaient été exclus de la négociation,
au mépris de la concertation sociale, et n’avaient donc pu faire entendre
leurs revendications et remarques (lire l’éditorial d’Alda Gréoli).
15 jours plus tard, après une
reprise de la négociation tripartite, le projet d’accord volait en éclats,
le banc patronal estimant notamment inapplicable l’octroi aux travailleurs
de deux jours de congés supplémentaires par an avec embauche compensatoire
ainsi que la valorisation des heures inconfortables, le gouvernement wallon
ne s’engageant à financer ces mesures que pour les emplois subsidiés par la
Région. Or, une partie non négligeable du personnel du secteur est financée
par les institutions sur fonds propres ou par d’autres biais (Maribel
social, PTP, APE…). Etant donné l’équilibre budgétaire généralement précaire
des institutions, le surcoût mènerait beaucoup d’entre elles dans le rouge.
Quant à l’application de cette mesure dans les petites structures, elle
semblait tout simplement irréaliste, comme l’a fait remarqué la
Confédération des entreprises du secteur sportif et socioculturel (Cessoc).
Par la suite, les discussions ont
repris ; la ministre a accepté d’apporter quelques améliorations et pris des
engagements de nature à rassurer quelque peu les employeurs. L’accord a
finalement été conclu le 28 février dernier.
Satisfaction syndicale
CNE et SETCA sont
particulièrement heureux de cet accord même s’ils espéraient plus. «Il
s’agit d’un accord cohérent et solidaire qui permet une juste indemnisation
des frais de déplacement des aides familiales, assure l’indispensable
refinancement du fonds de sécurité d’existence des ETA et propose une mesure
égalitaire pour l’ensemble des travailleurs par l’octroi de jours de congé
compensés par des créations nettes d’emplois», explique le front commun
syndical qui se réjouit que cet accord poursuive la démarche d’harmonisation
salariale entamée en 2000 par la valorisation de la rémunération des heures
inconfortables de nuits et de week-ends dans les secteurs concernés
(2), renforce le droit à la concertation sociale dans les
petites institutions par le financement des délégations syndicales
inter-centres et récompense les travailleurs syndiqués par le paiement d’une
prime syndicale.»
Amertume
patronale
Sur le banc patronal, on regrette
justement que cet accord cadre comporte en définitive davantage d’enveloppes
sectorielles que de mesures intersectorielles et que celles-ci soient
centrées exclusivement sur les travailleurs et sur les syndicats
(3). En fait, comme le rappelle la Fédération nationale des
associations médico-sociales (FNAMS), les employeurs du non-marchand
fixaient comme mesures prioritaires l’augmentation des normes d’encadrement
et l’amélioration des services. En clair, ils voulaient qu’une partie du
budget serve à créer des emplois supplémentaires dans le cadre d’un
renforcement des services aux usagers. L’accord social ne répond pas à leur
revendication. «Nous travaillons dans le secteur marchand tout de même, fait
remarquer Pierre Dille, Directeur administratif de la Fédération des aides
et des soins à domicile (FASD). Pas un euro ne va à l’amélioration du
service aux usagers que ce soit en termes de variété de l’offre ou du
renforcement des structures existantes». Pour ce qui concerne son secteur
d’activités, la FASD réclame par exemple depuis des années un véritable
statut pour la garde à domicile afin de lutter contre le travail au noir qui
s’est développé dans ce secteur où les besoins sont criants. De même, elle
demande de revoir à la baisse les barèmes des usagers des services d’aides
familiales car leur coût élevé en regard des aides ménagères titres-services
est en train de tuer ce métier à petit feu. Un cri d’alarme qui ne semble
pas entendu une fois de plus.
Quoi qu’il en soit, au
lendemain de cet accord cadre, tout reste à négocier concrètement au sein de
chaque Commission paritaire dans les semaines et mois à venir. Ce qui ne
sera pas simple, au vu des nombreux points nébuleux qui restent à éclaircir.
Joëlle
Delvaux
(1) Deux
autres accords concernent l’enseignement et les autres secteurs relevant de
la Communauté française.
(2)
C’est-à-dire les services de santé mentale, les centres de planning, les
services d’aide aux familles, l’hébergement et l’accompagnement des
personnes handicapées, les maisons d’accueil, les centres régionaux
d’intégration, les centres de coordination de soins et services à domicile,
les services d’aide sociale aux justiciables, les services d’insertion
socioprofessionnelle…
(3) Un million
d’euros par an sera consacré à financer directement ou indirectement les
organisations syndicales.
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