Social
(21 septembre 2006)
Bénévolat
Enfin
un cadre légal pour les volontaires!
Vincent Gengler,
Président de la plate-forme
francophone
du volontariat
La loi
relative aux droits des volontaires vient d’entrer partiellement en
application le 1er août dernier. Elle prévoit des obligations
d’information et d’assurance pour les associations, organise un régime de
responsabilité civile, réglemente l’octroi éventuel d’indemnités de
défraiement et facilite l’accès du bénévolat pour les allocataires
sociaux. Vincent Gengler, Président de la Plate-forme francophone du
volontariat (1), commente les avantages de cette loi et ses zones d’ombre.
En
Marche : La loi relative aux droits des volontaires était en chantier
depuis des années au Parlement fédéral. Adoptée en juillet 2005, elle
vient partiellement d’entrer en application, les volets “assurance et
responsabilité” devant l’être en janvier 2007 (2). Pourquoi cette loi
s’imposait-elle?
Vincent Gengler : Tout d’abord,
l’activité de volontariat est très importante en Belgique. On cite
toujours le nombre de 1,2 million de personnes. Mais il est largement
supérieur car ne sont comptabilisés dans cette statistique que les
volontaires actifs dans des associations comptant au moins un permanent.
Il faudrait donc y ajouter toutes celles et tous ceux qui sont actifs dans
les 50.000 associations sans permanent (asbl et associations de fait) et
dans les associations relevant de l’enseignement libre.
Par ailleurs, le volontariat
représente une réalité économique qui génère des flux financiers. On
estime le travail volontaire à 140 millions d’heures par an, ce qui
correspondrait à 76.000 postes de travail à temps plein. Bien entendu,
cette transposition en emplois est tout autant théorique qu’irréaliste sur
le plan pratique et financier. Mais elle n’est pas non plus souhaitable
sur le plan des principes.
Le premier mérite de la loi est
ainsi d’assurer une reconnaissance du volontariat. L’idée sous-jacente est
d’encourager, de soutenir l’engagement bénévole de tout un chacun, qu’il
soit exercé dans le secteur du bien-être et de la santé mais aussi dans
les secteurs socioculturels, sportifs, récréatifs, et dans les mouvements
militants. Quand on demande aux gens pourquoi ils s’engagent dans le
bénévolat, ils disent vouloir défendre une cause ou être acteurs de lutte
contre ce qu’ils perçoivent comme injustes. Ils parlent d’un besoin de
valorisation personnelle, disent vouloir se rendre utiles, occuper leur
temps de manière constructive… C’est donc un véritable engagement qui crée
du sens et du lien social; c’est une démarche citoyenne pour une société
harmonieuse. Le législateur l’a bien compris en offrant un statut au
volontaire qui lui permette d’exister sur le plan social tout en
simplifiant les aspects fiscaux de ses défraiements. Il a également voulu
éliminer les obstacles qui empêchent les allocataires sociaux de
participer plus activement à la vie sociale de manière volontaire (voir
articles en page 11 à ce propos).
______
Le bénévolat est un véritable
engagement
qui crée du sens et du lien social;
c’est une démarche citoyenne
pour une société harmonieuse.
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Par ailleurs, jusqu’ici, le
volontariat naviguait dans une grande insécurité juridique. On appliquait
des règles aux volontaires sans savoir si c’était légitime ou pas. Je
pense en particulier aux questions ayant trait à la responsabilité du
bénévole ou au droit du travail… En ce qui concerne les défraiements des
volontaires, l’insécurité était aussi de mise puisque l’on se basait
jusqu’ici sur la circulaire ministérielle prise à la fin des années 90 par
l’ancien ministre des Finances, Jean-Jacques Viseur. Or, une circulaire
peut être modifiée à tout moment par le ministre. Le fait que la loi fixe
des principes et des limites est une très bonne chose.
EM :
Dorénavant, chaque association qui fait appel à des volontaires est tenue
de les informer sur l’organisation, les objectifs, les assurances
contractées, les indemnités éventuelles… Que pensez-vous de cette
obligation?
VG : C’est important que les
gens sachent dans quelle association ils mettent les pieds, ce à quoi ils
s’engagent et ce qui est prévu pour les volontaires en termes
d’assurances, d’indemnités, de secret professionnel… Au départ, la loi
était plus exigeante à l’égard des organisations en leur imposant de
remettre à chaque volontaire une note d’organisation personnalisée
comportant plusieurs mentions obligatoires. Cela a provoqué une levée de
boucliers sur le terrain. Les modifications ont apporté plus de souplesse
quant à la manière d’informer les volontaires (revue des membres, site
internet, dépliant, affichage dans un local…). Mais le principe du devoir
d’information reste heureusement acquis (3).
EM :
Un important volet de cette loi concerne la responsabilité du volontaire
et les assurances. Outre le risque que la personne court elle-même, le
danger du volontariat réside en effet dans le risque qu’elle fait courir
aux autres dans l’exercice de ses activités. Comment est-ce réglé?
VG : Ce volet n’entrera
en vigueur qu’en janvier 2007 et l’on ne connaît pas encore les modalités
pratiques, les arrêtés devant encore être publiés au Moniteur belge. Mais
on va calquer la responsabilité du volontaire sur celle du travailleur
rémunéré dans le cadre de son travail. Ainsi, l’association sera tenue
responsable des dommages causés par le volontaire à des tiers dans
l’exercice de son volontariat, sauf en cas de dol, de faute grave ou de
faute légère habituelle ou répétée du volontaire. L’association devra donc
contracter une assurance afin de couvrir au minimum la responsabilité
civile de l’organisation. Mais ceci ne vaut que pour les associations
structurées et encadrées. Pour les initiatives de taille réduite ou
temporaires, le régime de droit commun sera en principe d’application : le
volontaire doit réparer sa faute en recourant à son patrimoine propre ou à
la couverture offerte par son assurance familiale. D’où l’enjeu de
l’obligation d’information de l’association à l’égard de ses volontaires
en matière de responsabilité et d’assurance : ceux-ci doivent être
informés des risques éventuels et prendre une décision éclairée en ce qui
concerne le souscription d’une assurance familiale.
A propos des assurances, je
voudrais mettre en garde les asbl et associations de fait qui se verraient
d’ores et déjà proposer des contrats pour couvrir leurs volontaires dans
le cadre de leurs activités. Comme toutes les nouvelles dispositions ne
sont pas connues, elles doivent veiller à pouvoir réviser leurs contrats
au 1er janvier 2007!
EM :
D’autres points de la loi demandent-ils encore des clarifications?
VG : Oui. Par exemple,
la loi donne un statut au volontaire mais celui-ci continue de dépendre
d’autres législations comme le droit du travail. Faut-il dès lors
appliquer l’ensemble de ce droit ? En le prenant au pied de la lettre, on
devrait respecter le repos d’accouchement, l’âge minimum pour exercer du
bénévolat, etc. Le flou reste de mise donc.
Par ailleurs, on a raté
l’occasion de permettre à des ressortissants étrangers de prester du
volontariat en Belgique en imposant à ces personnes l’obtention d’un
permis de travail. En fait, on fait jouer à la loi sur le volontariat un
rôle de lutte contre le travail au noir !
EM :
En même temps, la loi répond à une nécessité d’encadrer le volontariat
mais elle introduit une série de dispositions qui peuvent le décourager
(je pense en particulier à tout ce qui concerne la responsabilité et les
assurances) ou le faire évoluer dans une mauvaise direction (je pense ici
aux risques de voir les volontaires réclamer un droit aux indemnités).
Quel est votre avis à ce propos?
VG : C’est une question
très délicate. On avait besoin d’une loi pour reconnaître et encadrer le
volontariat. Mais si l’on se place sur le plan du débat de société, on
peut regretter de devoir régler en détails les questions de
responsabilité, d’assurances… Avant, dans le bénévolat, on fonctionnait
sans la peur d’être mis en responsabilité et sans se préoccuper outre
mesure d’être couverts par des assurances. Mais malheureusement, dans
notre société, on cherche de plus en plus à trouver des responsables,
voire des coupables quand un accident se produit. C’est la base du
sentiment d’insécurité que décrit le sociologue français Robert Castel :
on regarde où l’on n’est pas couvert par une assurance. C’est la dérive
d’une société à l’américaine qui vise le risque zéro alors qu’il n’existe
pas.
On peut craindre évidemment que
trop de juridisme et trop d’obligations en matière d’assurances étouffe
les initiatives, décourage les gens qui veulent s’associer, organiser des
choses. Cela dit, il y aura toujours des personnes qui se lanceront dans
des activités bénévoles près de chez eux sans se soucier de la loi. Mais
ceux qui entreront dans des organisations recevront une meilleure
information et une meilleure protection.
Pour ce qui concerne les
indemnités octroyées aux volontaires, la loi n’a rien apporté de nouveau.
Elle n’a fait que transposer les principes d’une circulaire visant à
mettre des règles et des limites à ce propos. Mais la médiatisation de
cette nouvelle loi n’a pas toujours été bien comprise dans le grand
public. Le défraiement des frais qu’encourent les volontaires dans le
cadre de leurs activités n’est nullement un droit. Nous restons attachés
aux valeurs humaines et principes de gratuité liés au bénévolat et il ne
faudrait pas que le volontariat ne dérive vers un engagement intéressé sur
le plan financier ou matériel.
Entretien
:
Joëlle
Delvaux
(1) La
Plate-forme francophone du volontariat regroupe 25 grandes associations,
tous secteurs confondus. Parmi elles, citons Le CJEF, RNOB,
Inter-environnement, les mutualités chrétiennes et socialistes, l’UFAPEC,
La FAPEO, le CNCD, Lire et
Ecrire, le SeGEC, La Croix-Rouge… - 28 bld de l’Abattoir - 1000 Bruxelles
- admin_pfv@hotmail.com. Rens. : Association pour le volontariat,
02/219.53.70 ou
www.volontariat.be
(2) Loi du 3
juillet 2005 relative aux droits des volontaires (MB du 29 août 2005).
(3) Loi du
19 juillet 2006 modifiant la loi relative aux droits des volontaires (MB
du 11 août 2006).
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