Social
(17 février 2011)
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Les écarts de revenus, une question sensible…
D'un côté les “riches”,
de l'autre les “pauvres” et entre les deux extrêmes, des personnes, des
familles qui arrivent plutôt bien ou plutôt mal à nouer les deux bouts. Les
écarts de revenus se creusent en Belgique mais de manière plus modérée en
comparaison avec d'autres pays européens. Notre système de sécurité sociale
joue un rôle important comme filet de protection contre la pauvreté.
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© Patrick Forget/Reporters |
Quand on aborde la question des inégalités de revenus,
il est facile de tomber dans la caricature, de stigmatiser ceux que l'on dit
“riches” et ceux que l'on dit “pauvres”.
La question est
même sensible car les uns et les autres éviteront de se classer dans l'une
ou l'autre catégorie. Lorsque l'on parle de pauvreté financière, on fait
référence à un seuil de revenus en dessous duquel les personnes sont
officiellement considérées comme pauvres. En Belgique, ce seuil est situé à
60% du revenu médian et il s'élève à 966 euros net par mois pour une
personne isolée. Dans notre pays, 15% de la population vit sous le seuil de
pauvreté. Ce seuil n'explique pas à lui seul toute la complexité sociale de
la notion de pauvreté. S'il fallait déterminer le profil d'une personne
pauvre en Belgique comme s'est risqué à le décrire Ricardo Cherenti(1),
nous pourrions dire qu’il s’agit d’une femme de 34 ans, au chômage, qui
élève seule ses deux enfants dans un logement en mauvais état en Wallonie.
On pourrait même préciser qu'elle habite Farciennes, une des communes les
plus pauvres de Wallonie, qu’elle est en mauvaise santé et que son niveau
scolaire est faible.
Peu d'études
sociologiques se sont penchées sur la notion de “riche” dans notre pays.
Cependant, sur la base de critères statistiques, on pourrait se hasarder en
disant qu'une personne “nantie” vit en couple à Lasne dans une villa quatre
façades avec ses enfants. Monsieur a une profession libérale, madame est
cadre dans un secteur porteur. Ils ont plusieurs voitures, des biens
immobiliers et ils partent en vacances au bout du monde plusieurs fois par
an. Leurs parents les ont aidés pour démarrer dans la vie; leurs enfants
fréquentent les meilleures écoles.
Et entre ces deux
extrêmes, il y a évidemment de nombreuses situations plus nuancées. Des
hommes et des femmes qui sont tantôt plus proches des personnes en situation
de pauvreté, tantôt plus proches des "nantis".
Des
travailleurs précarisés
Les situations de vie
font qu'une personne peut voir son niveau de vie augmenter, ou au contraire,
basculer dans la pauvreté. C'est le cas de Mireille. Autrefois mariée et
vivant dans une maison en Brabant wallon, elle vit aujourd'hui seule dans un
sous-sol à Saint-Josse. Puéricultrice à temps partiel, elle peine à faire
face à certains imprévus comme le simple fait de changer de lunettes.
L’argent nécessaire à cette dépense sera grappillé sur d’autres postes comme
le chauffage ou les loisirs. Elle s’est inscrite à la maison médicale de son
quartier pour réduire ses frais de santé. Elle aimerait pouvoir plus
souvent aider financièrement son fils.
Parmi les 15% des
personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, un quart sont des
travailleurs. On considère ainsi que 4% des travailleurs sont pauvres en
Belgique. C'est une proportion encore relativement raisonnable car bien
inférieure à la moyenne européenne qui se situe autour de 8%. Parmi les
personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, on compte aussi bon
nombre de pensionnés et d’invalides.
Les
écarts se creusent…
Depuis une vingtaine
d'années, les écarts se creusent en Belgique. Plusieurs indicateurs tendent
à prouver que les inégalités de revenus augmentent. Ainsi, on estime que,
dans les années 60 et 70, le rapport entre les salaires des ouvriers et ceux
des dirigeants d'entreprises était de l'ordre de 1 à 20. Il est aujourd'hui
de 1 à plus de 300(2).
L'évolution du
coefficient de Gini (toujours compris entre 0 et 1) qui prend en compte
l'ensemble des revenus d'une population, montre une augmentation progressive
des inégalités de revenus. Plus le coefficient est élevé, plus grandes sont
les inégalités. Selon l'Institut national des statistiques, nous sommes
ainsi passés, avant imposition, d'un taux de 0,319 en 1990 à 0,384 en 2007.
Après prélèvement de l’impôt, le coefficient de Gini passe de 0,246 en 1990
à 0,312, en 2007. Outre la progression des inégalités de revenus, on
constate donc que celles-ci sont aussi moins bien corrigées par l'impôt.
Dans une étude publiée en 2009 (3), Philippe Defeyt a
constaté une augmentation des écarts entre les ménages ayant les revenus les
plus faibles et ceux ayant les revenus les plus élevés. En 20 ans, l'écart
entre les 25% de la population ayant les revenus les plus faibles et les 25%
ayant les revenus les plus élevé est passé de 4,16 à 4,70.
… mais le
phénomène est modéré
“Les
inégalités sociales s'accentuent mais de façon lente,
tempère Pierre Reman
directeur de la FOPES(4).
Des politiques sociales et des politiques redistributives modèrent cette
croissance des inégalités. Nous possédons, en Belgique, un système de
sécurité sociale attentif qui joue un rôle fondamental dans la réduction des
inégalités sociales.”
Notre système de
protection sociale est certes perfectible car il n'empêche pas une partie de
la population de basculer dans la pauvreté. Mais sans sécurité sociale, ce
n'est pas 15% mais 40% de la population qui vivrait en dessous du seuil de
pauvreté. La sécurité sociale redistribue d'ailleurs davantage les revenus
que ne le fait la fiscalité. En effet, depuis plusieurs décennies, diverses
mesures ont diminué la progressivité de l'impôt des personnes physiques (IPP)
en Belgique: les revenus financiers n'y sont plus soumis depuis le début des
années '80 et les taux les plus élevés de l'IPP ont été supprimés(5).
Les
jeunes ont la vie dure
Selon Pierre Reman, les
principales raisons de l'accroissement des inégalités de revenus résident
dans l'augmentation du chômage et la précarisation du marché de l'emploi.
Cette précarisation se manifeste essentiellement chez les jeunes. “Les
jeunes sont les sacrifiés du système économique actuel. Ils ont beaucoup de
difficultés à trouver un emploi et commencent leur carrière dans des statuts
précaires.” Pour peu qu'ils ne bénéficient pas de solidarités familiales
pour leur logement notamment, les jeunes ont plus de risques de basculer
dans la pauvreté. Il ne faut pas oublier que les inégalités sociales ont
malheureusement tendance à se reproduire et que notre système
d'enseignement, pointé du doigt parce que très inégalitaire, permet
difficilement aux enfants ayant grandi dans la pauvreté d'en sortir.
// Françoise Robert
(1) “Mesure anthropométrique de l'Homme le plus pauvre de
Wallonie”, Ricardo Cherenti, Fédération des CPAS, UVCW, janvier 2010.
(2) Chiffres cités par l'économiste P. Defraigne lors d'une
conférence-débat d'Alter-Cité à l'Hôtel de Ville de Bruxelles, le 17 mai
2010.
(3) Ph. Defeyt, “Distribution et redistribution des revenus:
indicateurs pour la Belgique – 1985-2008”, Institut pour un développement
durable, février 2009.
(4) FOPES, Faculté ouverte de politique économique et
sociale.
(5) “La progressivité de l'impôt”, texte publié par le
Réseau Justice Fiscale.
Réduire les inégalités de revenus, c'est possible!
Pour les
Equipes Populaires (EP), il est impératif de prendre des mesures pour
réduire les inégalités sociales. Leur nouvelle campagne de sensibilisation
“Réduire les inégalités de revenus c'est possible!” propose d'agir
sur les recettes fiscales et l'instauration d'un impôt plus juste.
Pour
les Equipes Populaires, la situation devient critique.
Le pays est
touché par la pauvreté d'un plus grand nombre de personnes et l'association
d'éducation permanente craint que les futures mesures que le gouvernement va
être amené à prendre dans le cadre des économies budgétaires, renforcent
encore les inégalités.
Leurs revendications
portent essentiellement sur trois points.
> La lutte contre la fraude fiscale.
En Belgique, la fraude
fiscale est estimée entre 20 et 30 milliards d'euros par an. Cela représente
un manque à gagner très important pour le financement de services
collectifs. Pour lutter contre cette fraude, les EP souhaitent la levée du
secret bancaire. L'objectif est d'augmenter la transparence dans les
transactions financières. Lever le secret bancaire fiscal permettrait
d’établir des listes nominatives des bénéficiaires de revenus financiers
(intérêts, dividendes, plus-values…), de fournir des informations sur les
ouvertures et fermetures de comptes bancaires dans le but d’établir un
répertoire national des comptes bancaires et enfin, de connaître toutes les
sorties de capitaux de la Belgique avec l’identification du donneur d’ordre.
>
La progressivité de l'impôt.
En principe, les plus
nantis sont à même de supporter de plus lourdes charges fiscales et ainsi
apporter une plus grande contribution à la communauté. Mais ce n'est pas le
cas dans la pratique. En Belgique, les taux d'imposition les plus élevés ont
disparu et les nombreuses déductions fiscales profitent aux revenus
supérieurs. Certains revenus ne doivent pas être déclarés comme les revenus
immobiliers. Les EP plaident donc pour que l'on restaure les taux marginaux
supérieurs de 52,5% et de 55% qui ont été supprimés lors de la réforme
fiscale de 2001. Cette mesure devrait être combinée à une baisse de la
pression fiscale sur les bas revenus.
>
L'impôt sur les grosses fortunes.
Les EP voudraient que
l'on instaure un impôt annuel sur les grosses fortunes sous la forme d'un
prélèvement fiscal de 2% sur les revenus de plus d'un million d'euros.
Ces mesures sont
également défendues par le Réseau Justice Fiscale dont fait partie les
Equipes Populaires. D'autres propositions sont également sur la table pour
diminuer les inégalités comme relever les allocations sociales au-dessus du
seuil de pauvreté, rendre le statut Omnio automatique, supprimer le taux
cohabitant au chômage, encadrer les loyers, instaurer un tarification
progressive de l'électricité ou encore instaurer la gratuité des transports
publics et relever les salaires minima.
>> Infos :
Equipes Populaires
•
081/73.40.86
•
www.equipespopulaires.be
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