Social
(15 janvier 2009)
Le “jobcoach”,
un plus
pour l’emploi des personnes handicapées
En 2005,
l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (AWIPH) lance
un projet pilote, le “Soutien dans l’emploi”, qui vise à favoriser l’emploi
des personnes handicapées dans le milieu ordinaire du travail. Il s’agit
d’un accompagnement individuel, intensif et à long terme de la personne
handicapée dans sa préparation et sa recherche d’emploi et surtout lors de
son intégration en entreprise.
Angélique Brisard s’est intégrée avec succès
dans la petite chocolaterie de Nancy Gonzalez
et son mari.
L’accès
des personnes handicapées au marché de l’emploi est souvent très difficile.
Différentes mesures sont proposées pour le faciliter: formation spécialisée,
aides financières, emploi protégé... L’accompagnement des travailleurs
handicapés vers et dans l’entreprise n’est cependant pas assez développé.
S’inspirant d’une méthode d’insertion pratiquée avec succès outre-Manche et
en Scandinavie appelée le “Supported Employment” (ou soutien dans l’emploi),
l’AWIPH libère un budget pour l’expérimenter en Wallonie.
Le principe essentiel de ce
soutien est d’offrir aux personnes handicapées, quelle que soit l’origine de
leur handicap (physique, sensorielle, mentale, psychique) un accompagnement
individualisé, intensif et de longue durée pour la recherche d’emploi et
pendant qu’elles sont en entreprise. Cet accompagnement sera réalisé par un
“jobcoach”, terme très en vogue.
Les promoteurs
Plusieurs services, dont des
centres de formation et un service d’accompagnement, couvrant le territoire
de la Région wallonne, ont été sélectionnés pour assurer cet accompagnement.
Les services devaient s’engager à soutenir 20 personnes handicapées minimum
par an et par coach.
Les coaches
Les coaches (neuf
équivalents temps plein) engagés dans le soutien dans l’emploi sont
principalement assistants sociaux, éducateur spécialisé, formateurs ou
psychologues. L’expérience a montré l’importance de trouver des coaches
disposant à la fois d’une connaissance du monde de l’entreprise, de
l’insertion professionnelle et du handicap et de développer une
complémentarité avec d’autres services pour certains aspects de
l’accompagnement. L’AWIPH a par ailleurs contribué à leur formation.
Les bénéficiaires
Ce soutien s’adresse aux
personnes présentant un handicap reconnu par l’AWIPH, pour lesquelles les
autres filières d’insertion sont restées inopérantes (ou risquent de le
rester) mais qui sont capables d’exercer une fonction de première
qualification sans grande formation préalable et se montrent très désireuses
d’occuper un poste en entreprise ordinaire.
Le soutien dans l’emploi
n’est pas pour autant destiné à toutes les personnes handicapées: celles qui
sont visées vivent de nombreuses difficultés, dont l’accumulation crée un
obstacle important à l’emploi comme des tentatives d’insertion
infructueuses, un handicap suscitant de fortes craintes chez les employeurs,
des conditions de vie défavorables… Au total, 407 personnes ont été
soutenues.
Les entreprises
Au cours des 30 premiers
mois de l’action, 318 entreprises ont intégré un bénéficiaire. Les mises en
entreprise peuvent prendre plusieurs formes: des mises en situation (comme
le stage découverte de l’AWIPH, qui favorise l’évaluation du bénéficiaire),
des formations en entreprise (par exemple par le contrat d’adaptation
professionnelle), des emplois tremplin (dont les intérims) et des contrats
de travail, à durée déterminée ou indéterminée.
Le fonctionnement
du soutien dans l’emploi
Jusqu’ici le parcours a duré
en moyenne deux ans. Il passe tout d’abord par une évaluation des besoins et
des compétences de la personne handicapée pour bien cibler les recherches
d’emploi. Ensuite, une prospection active est nécessaire avant de se lancer
dans la mise en entreprise, point de départ du processus d’insertion
professionnelle. La formation et l’adaptation au poste lui succèdent. C’est
là que l’action du jobcoach va se concentrer. Il va par exemple aider au
développement des compétences professionnelles exigées par la fonction,
établir un planning ou un aide-mémoire, apprendre à effectuer le trajet vers
le travail, résoudre des problèmes qui ne sont pas liés aux compétences
professionnelles mais qui peuvent faire obstacle au travail comme la garde
d’enfants, la compréhension des codes de l’entreprise, les conflits avec la
famille suscités par le changement de vie de la personne handicapée... Une
part importante de son rôle consiste à aider les bénéficiaires à acquérir de
l’assurance.
L’aide du jobcoach s’adresse
aussi à l’entreprise: analyse de la fonction, conseil pour l’aménagement du
poste de travail, aide pour l’obtention des soutiens financiers,
démystification du handicap auprès des collègues...
Le jobcoach va aussi repérer
dans l’entourage de la personne handicapée celui ou celle qui pourra
épauler, si nécessaire, le travailleur.
Enfin, le jobcoach passe le
relais à ce «support naturel». Il garde cependant un contact périodique
avec le bénéficiaire et l’employeur, veille au développement des compétences
et reste disponible en cas de besoin.
Un premier bilan
L’initiative de l’AWIPH a
permis d’offrir un soutien beaucoup plus intensif et dans la durée que ne le
permettent les autres formes d’intégration professionnelle. “C’est ce qui
fait la différence”, nous dit Pierre Gauthier, coordinateur du Centre de
Formation Continuée Spécialisé (CFCS) (1), un service
d’accompagnement spécialisé dans l’aide à la formation et à l’accès à
l’emploi des personnes handicapées situé dans le Hainaut.
Après 30 mois d’activité,
les différents acteurs du projet sont satisfaits, même si cette période est
trop courte pour juger de la durabilité et de la qualité des emplois
obtenus. Le nombre de mises en entreprise (60% des bénéficiaires ont connu
une mise en entreprise, par rapport à un objectif de 50%), d’emplois (15% de
l’ensemble des bénéficiaires) est plutôt positif par rapport aux résultats
des autres formules d’insertion et le coût du soutien dans l’emploi est
inférieur. Il n’est cependant pas destiné à les remplacer mais à les
compléter pour répondre plus efficacement à la diversité des besoins. Le
projet est aujourd’hui reconduit pour une période de trois ans et va être
élargi à d’autres promoteurs.
Ce qui pourrait donner une
impulsion supplémentaire? Pierre Gauthier pense à “une législation du
travail plus souple , un accompagnement encore plus intensif, des formations
plus pensées en fonction d’un projet professionnel réaliste, et bien sûr un
changement de mentalités”.
Le handicap résulte en effet
d’une combinaison de caractéristiques personnelles et de facteurs
environnementaux qui peuvent, selon les cas, révéler la déficience ou au
contraire l’éclipser. “Ce n’est pas facile, mais quand on y croit, ça
peut marcher!” conclut Pierre Gauthier.
Isabelle
Thirion
Infos:
AWIPH, rue de
la Rivelaine 21, 6061 Charleroi, L. Fohal au 071/20 57 11,
l.fohal@awiph.be ,
www.awiph.be
Source :
Le soutien dans l’emploi pour les personnes handicapées. Bilan de
l’initiative spécifique 2005-2008, Charleroi, AWIPH, 2008, 164 p.
(1) CFCS, rue Lescarts 11/8, 7000 Mons, 065/84.13.79,
cfcs@acis-group.
Une expérience
enrichissante |
Nancy Gonzalez et son mari, qui font tourner à deux une petite
chocolaterie, se sont lancés dans l’aventure avec le Centre de
Formation Continuée Spécialisé (CFCS) en Hainaut.
Contactée
par le CFCS en novembre 2006, dans la période de rush précédant les
fêtes, Nancy Gonzalez s’est dit que “deux mains de plus seraient
bien utiles”. Une première rencontre dans le cadre d’un stage
découverte avec Angélique Brisard a été positive et suivie d’une
année et demie de contrat de formation.
Au début,
“j’avais peur de tout”, dit Angélique Brisard. Mais Nancy
Gonzalez ne doute pas: Angélique peut le faire ! Elle lui explique
le fonctionnement de tous les appareils, étape par étape, et le
répète si nécessaire. Angélique Brisard est la seule employée du
petit atelier, elle est obligée de prendre des responsabilités. Et
elle les prend.
Son insertion dans
l’entreprise l’a boostée. Etre en contact avec des personnes
fonctionnant différemment, qui croient en elle, qui lui ont donné
des responsabilités, tout en l’aidant et l’encourageant, lui a
permis d’acquérir la confiance et l’autonomie qui lui manquaient
pour faire valoir ses capacités.
Pour Angélique
Brisard, la jobcoach est surtout intervenue au niveau relationnel.
“Le plus dur
c’était les foires”, dit Angélique Brisard. Parler, répondre
même, la paralysait. (Ce qui est d’ailleurs arrivé lors de son 1er
rendez-vous à la chocolaterie, où heureusement la jobcoach
l’accompagnait). Avec la jobcoach, elle a appris des phrases types
pour faire face aux diverses situations qu’elle rencontrait.
La jobcoach a
également procédé à des évaluations régulières du travail accompli.
Elle a aidé Nancy Gonzalez à obtenir les aides financières. Mais ce
qui était aussi important pour l’entreprise, c’était de savoir que
quelqu’un était toujours disponible en cas de besoin. Et pour
Angélique Brisard, d’avoir la possibilité de parler, d’exprimer ses
craintes, de résoudre d’autres problèmes et de se confronter à la
jobcoach pour pouvoir repartir gonflée à bloc.
Aujourd’hui,
Angélique Brisard a un contrat à mi-temps à durée indéterminée. Elle
participe à presque toutes les étapes de fabrication de leurs
pralines, ainsi qu’à leur vente. Elle prend des initiatives et se
sent de plus en plus à l’aise dans les contacts avec les clients.
Mais Nancy Gonzalez “attend encore plus d’elle. Je voudrais
qu’elle puisse montrer le travail à accomplir aux personnes qu’on
espère pouvoir engager quand la chocolaterie s’agrandira”.
Angélique Brisard, quant à elle, “voudrait encore apprendre à
avoir plus de feeling avec les clients”. La présentation des
pralines est maintenant l’aspect du travail qu’elle préfère.
Rendez-vous sera pris avec la jobcoach pour approfondir ces
compétences.
Marie-Claire Huart,
la responsable de l’antenne de Houdeng-Goegnies du CFCS conclut :
“après un temps de démarrage, ces intégrations sont souvent des
opérations win-win ! C’est l’addition des compétences et des bonnes
volontés de chacun qui permet d’aboutir à de telles réussites.”
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