Travail
(3 mai 2012)
Fraude
Les Belges aiment le noir...
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© Philippe Turpin/BELPRESS |
38,8% de la
population admet avoir acheté des biens ou des services au noir ces douze
derniers mois pour un montant moyen de 1.553 euros. Et pas moins de 14,1%
avoue avoir travaillé au noir dans le même laps de temps. Ce sont là
quelques-unes des données qui ressortent d’une récente étude-pilote relative
à la fraude sociale et fiscale en Belgique.
Mesurer l’ampleur
de l’économie souterraine semble être une mission bien périlleuse. Parce
que, par définition, la fraude se veut la plus discrète possible. Pour
l’appréhender, plusieurs méthodes existent pourtant : études
macro-économiques, sondages, analyse de données administratives, évaluation
des comptes nationaux... Même si ces méthodes sont imparfaites, le plus
souvent, elles aboutissent au résultat convergent suivant : 6% du produit
intérieur brut (PIB) échapperait au fisc en raison de services et produits
non déclarés dans notre pays. Et cela sans parler de l’évasion fiscale ni de
l’ingénierie sociale et fiscale qui se faufile dans les failles du système.
C’est dire le manque à gagner pour les recettes de l’Etat.
L’autorité fédérale
ambitionne dès lors de créer un véritable observatoire de l’économie
souterraine pour centraliser les données existantes (mais souvent « retenues
» au sein des administrations), pour mesurer de manière plus pointue
l’ampleur du phénomène et pour donner des outils aux décideurs politiques
pour prendre des mesures ciblées.
Une récente enquête relative aux activités frauduleuses des Belges
alimentera ce futur observatoire. Il s’agit de l’étude Sublec (Survey on the
Black Economy) commanditée par le SPF Politique scientifique et le SPF
Sécurité sociale, et réalisée par trois universités : la KUL, l’ULg et
l’ULB. Bien que mené à titre d’étude-pilote à faible échelle, ce
questionnement à visage découvert des Belges – par interview – délivre des
résultats très instructifs. Tout d’abord, que nos compatriotes aiment le
noir et sont d’autant plus enclins à frauder qu’ils connaissent autour d’eux
des gens qui travaillent ou consomment au noir. Le sentiment de prendre peu
de risque d’être contrôlé ou pris joue aussi un rôle très important dans la
fraude. “A l’inverse de ce que l’on a coutume d’entendre, la complexité
des législations n’est pas en cause, explique le Professeur Josef
Pacolet (Hiva, KUL). Les gens fraudent par profit et se disent confiants
par rapport aux contrôles. Il ajoute : Contrairement aux idées
reçues, les premiers résultats de notre enquête laissent apparaître que les
allocataires sociaux sont peu enclins à faire du noir. Ceux qui ont du mal à
trouver un boulot dans le circuit normal du travail ont aussi plus de
difficultés pour en trouver un dans le circuit parallèle”. La fraude
sociale des allocataires sociaux ne dépasserait pas 100 millions d’euros par
an. Une paille à côté des dizaines de milliards d’euros perdus chaque année
en raison de la fraude fiscale.
Si le fait de payer
moins d’impôt motive les fraudeurs, peut-on pour autant incriminer la
pression fiscale trop élevée? Comme le fait observer le Professeur Jean
Hindriks, de l’UCL (senior fellow Itinera), le niveau de celle-ci n’a pas
grand-chose avoir avec la fraude. Il en veut pour preuve la Grèce,
championne de la fraude malgré une pression fiscale très faible. A
l’inverse, la pression fiscale est élevée dans les pays nordiques mais la
fraude y est faible car jugée moralement inacceptable.
“Les autorités
publiques doivent créer un cercle vertueux qui augmente le risque de se
faire prendre (et de payer des amendes), améliore le sens moral face aux
contributions et diminue ainsi la fraude, plaide Josef Pacolet. La
maladie de notre système tient au fait que lorsqu’on prend des mesures
fiscales, on les assortit d’exceptions et dérogations qui, bien souvent,
réduisent l’efficacité de ces mesures. L’exemple de la nouvelle taxation des
voitures de société n’en est qu’une illustration. Il y a du potentiel pour
diminuer la dette publique et rendre le système plus juste”.
//JD
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“Etude-pilote sur les revenus déclarés et non déclarés
et sur le travail : Sublec” - J. Pacolet et consorts – 2012 - acco
éditions – Plus d’infos sur
www.socialsecurity.fgov.be (publications).
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