Travail
(3 mai 2012)
D’autres modalités
dans le secteur public |
Dans le secteur public, la concertation est organisée de manière bien
différente. Les relations collectives de travail y sont régies par une loi
de décembre 1974 dont les arrêtés d’exécution ne sont entrés en vigueur que
dix ans plus tard! Dans ce secteur, le statut syndical est l’instrument de
travail de l’action syndicale. Il s’applique aux personnels des
administrations fédérales, des Communautés et des Régions, des organismes
publics, des administrations régionales et locales et de l’enseignement
officiel. Il concerne donc quelque 650.000 travailleurs.
Toutefois, les
élections sociales du secteur privé concernent aussi les personnels de
certaines entreprises du secteur public non régies par le statut syndical:
les sociétés de transport (Tec, Stib et De Lijn), la Loterie nationale
(société anonyme de droit public), des bases militaires étrangères (le
Shape) ainsi que certaines entités comme les sociétés de logements sociaux
ou la médecine du travail. |
Faire vivre la
concertation dans l’entreprise
|
© Rob Stevens |
Les
élections sociales se dérouleront du 7 au 20 mai prochains dans plus de
6.000 entreprises du secteur privé. Environ 1,3 million de travailleurs sont
invités à voter pour élire leurs représentants dans les instances de
concertation de l’entreprise. Ces élections qui se déroulent sur leur lieu
de travail sont donc particulièrement proches des gens.
Tous les quatre ans, les travailleurs du
secteur privé sont invités à se rendre aux urnes pour élire
leurs représentants syndicaux. Chaque organisation syndicale représentative
peut introduire des listes électorales où figurent des travailleurs et
travailleuses qui s’engagent à représenter et défendre leurs collègues. Les
élections sociales sont dix fois plus proches des gens que les élections
communales : si de nombreux citoyens ne connaissent pas même un conseiller
communal, la plupart des travailleurs connaissent leurs délégués, savent ce
qu’ils défendent et font dans le cadre de la concertation.
Le droit de
s’exprimer et de s’organiser dans l’entreprise représente un acquis
considérable pour les travailleurs. Il s’agit d’une notion encore
relativement jeune puisque les élections de mai 2012 seront les seizièmes de
l’histoire de notre pays.
Négocier
avec la direction
Si beaucoup
d’employeurs jouent correctement le jeu, certains restent hostiles à la
démocratie au travail et font tout pour empêcher les travailleurs de
présenter des listes dans leur entreprise. Pourtant, on constate souvent que
l’échange d’informations entre la direction et les délégués du personnel
contribue à une évolution positive de l’entreprise et favorise l’intérêt
général. De leur côté, les organisations syndicales font tout pour qu’il y
ait le moins possible d’entreprises sans candidats. En effet, les élus
jouent un rôle essentiel dans le système de relations collectives très
élaboré dans notre pays. Le nombre de voix engrangées par un syndicat
détermine sa représentativité, donc son poids face aux employeurs et aux
pouvoirs publics.
Dans l’entreprise,
les travailleurs élisent leurs représentants dans trois organes. La
délégation syndicale (DS) est le moteur de l’action syndicale. Les délégués
qui la composent sont compétents pour négocier avec la direction la
conclusion des conventions collectives de travail (CCT) d’entreprise,
veiller à leur application et vérifier la mise en œuvre correcte de la
législation sociale, du règlement du travail et des contrats de travail.
C’est elle aussi qui intervient pour régler les problèmes individuels et
collectifs et, quand cela s’avère nécessaire, pour organiser des actions
syndicales.
Les délégués élus
siègent aussi au comité pour la
prévention et la protection au travail (CPPT). Cet organe de
concertation doit être installé dans toute entreprise qui occupe au moins
cinquante travailleurs. Sa mission est de veiller au bien-être des
travailleurs sur leur lieu de travail. Ses compétences portent sur la
sécurité, la santé, la lutte contre le stress, la prévention des accidents
de travail et des maladies professionnelles, la surveillance de la qualité
de l’environnement tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.
Protégés
pour protéger les autres
Enfin, les délégués
élus siègent au conseil
d’entreprise (CE) qui doit obligatoirement être installé
dans les entreprises occupant au moins cent travailleurs (ou qui occupent
entre cinquante et cent travailleurs et étaient obligées d’installer un CE
lors des élections sociales précédentes). Cette instance a des compétences
sociales, économiques et financières. Elle dispose d’un droit d’avis (et
même de décision) sur certaines matières comme le règlement de travail, les
vacances annuelles, le remplacement des jours fériés, l’accueil des
travailleurs, la formation et le recyclage, le congé-éducation payé, le
crédit- temps, les problèmes en cas de restructuration ou de fermeture…
Pour exercer
convenablement leur rôle de porte-parole du personnel, les délégués doivent
pouvoir s’exprimer librement dans l’entreprise et y mener leurs activités
syndicales, sans risquer de perdre leur emploi. C’est pourquoi, les
représentants du personnel sont protégés par la loi ; l’employeur ne peut
pas les licencier ou les muter au motif qu’ils défendent leurs collègues.
Cette protection vaut également pour les nouveaux candidats aux élections
sociales.
//
ANNE-MARIE PIRARD
Voter pour des collègues |
Les élections sociales sont organisées dans les entreprises du secteur
privé, marchand et non marchand. Les conditions de participation au vote
sont particulièrement démocratiques : il suffit d’être lié à l’entreprise
par un contrat de travail ou d’apprentissage et de ne pas appartenir au
personnel de direction. Il faut toutefois être occupé depuis au moins trois
mois dans l’entité juridique ou l’unité technique d’exploitation. Il n’y a
aucune condition de nationalité; les travailleurs d’origine étrangère ont
d’ailleurs pu voter pour les élections sociales bien avant de pouvoir voter
pour les élections politiques. Les convocations électorales rappellent que
voter est un droit, mais aussi un devoir pour que les listes soient vraiment
représentatives.
Mais voter pour qui? Les candidats sont des collègues que,
généralement, l’on connaît et donc on peut apprécier l’action et
l’engagement, souvent très importants : “J’en suis à mon 3ème mandat à la
DS, au CPPT et au CE. Et je me représente encore, témoigne Jeannine,
déléguée de la CSC-Alimentation & services. J’ai acquis de l’expérience et
c’est utile car être déléguée en entreprise est devenu plus difficile
aujourd’hui qu’avant. La pression de l’Europe est bien réelle. Et, dans
l’entreprise même, c’est plus difficile aussi. Mais j’ai la chance d’être
vraiment bien épaulée par ma centrale. C’est très important, car cela permet
de faire vraiment du bon travail, très concret. Certains chefs aimeraient
bien me voir partir et me l’ont déjà bien fait comprendre parce que j’essaie
d’aller au fond des choses et que c’est dérangeant pour eux. Mais je tiens
bon!” |
La CSC, premier syndicat du pays
Depuis trois décennies, la Confédération des syndicats chrétiens (CSC),
organisation constitutive du Mouvement ouvrier chrétien, n’a pas arrêté de
progresser aux élections sociales. Lors des précédentes élections, en 2008,
elle a présenté plus de 65.000 candidats et candidates sur ses listes. C’est
bien plus que ce que l’ensemble des partis politiques classiques peuvent
rassembler lors des élections communales. En Belgique, aucun syndicat
n’avait jamais présenté autant de candidats ni obtenu autant d’élus. Les
résultats officiels publiés par le SPF Emploi, Travail et Concertation
sociale font état de 16.218 élus effectifs CSC pour les comités pour la
prévention et la protection au travail (CPPT) et 12.032 pour les conseils
d’entreprise (CE). La force de tous ces candidats a permis à la CSC de
confirmer sa position de premier syndicat du pays mais aussi de chacune de
ses Régions.
Lors des élections de 2008, environ un tiers des candidats
était des femmes. Celles-ci occupent 39% des mandats remportés par la CSC.
C’est le meilleur résultat féminin obtenu parmi les trois organisations
syndicales (CSC, FGTB et CGSLB). Ainsi, la place des femmes à la CSC est
supérieure à celle des élues des conseils communaux, de la Chambre et du
Sénat. Malgré cela, les travailleuses demeurent sous-représentées sur les
listes par rapport à la place effective qu’elles occupent dans les
entreprises concernées. La CSC sensibilise donc ses militants à la diversité
et les invite à constituer des listes où figurent des hommes et des femmes,
des jeunes et des aînés, des travailleurs d’origines diverses.
Leur slogan,
“Notre boulot: défendre le vôtre!”, indique la ligne directrice commune à
tous les candidats de la CSC. Leur mandat consiste à être à l’écoute et
attentifs aux problèmes de leurs collègues de travail, avec une préférence
pour les plus faibles. Ils doivent rechercher des solutions efficaces,
durables et justes aux problèmes quotidiens, dans le cadre de la
concertation autant que possible, dans l’action si nécessaire.
Le programme
de la CSC est celui d’un syndicat responsable, qui se préoccupe de l’avenir.
Il est centré sur le “trèfle à quatre feuilles”: concertation au travail,
travail, salaire équitable et emplois de qualité. Ce programme national est
un fil conducteur qui reprend les orientations de base du syndicat chrétien
et sur lequel les militants articulent un programme électoral d’action et un
programme d’action propres à leur entreprise ou institution, à partir des
problèmes concrets, des préoccupations et des questions de leurs collègues.
Leur objectif commun est de rechercher des solutions durables, dans la
perspective d’une économie au service de l’être humain et de la société, en
améliorant le bien-être et l’égalité des chances pour tous.
|