Seniors
(1er octobre 2009)
Des
maisons de repos
en route vers plus de bien-être
Si la réputation des maisons de repos est parfois déplorable, si l’idée d’y
entrer fait frémir plus d’un, nombreux sont ceux qui, au sein de ces lieux
de vie, cogitent pour améliorer concrètement la vie des résidants et qui
changent les manières d’agir pour aller vers davantage de bientraitance. Ils
témoignent: la qualité de vie en maison de repos n’est pas une utopie. Et
ils y travaillent (1).
|
Eric Lussot
© Belpress |
Entrer
en maison de repos pour de nombreux adultes âgés résonne de manière plutôt
négative.
Alors, plutôt que
de s’y préparer, ils renvoient l’idée à plus tard tant elle est rébarbative.
Elle est repoussée au plus loin, quand les questions de «sécurité» auront
pris le dessus, quand la famille en parlera avec insistance, quand la santé
l’obligera…
Accueillir
et préparer l’arrivée
Débarquer avec
armes et bagages dans un nouveau lieu de vie, ce n’est pas comme s’installer
pour une semaine de vacances, ce n’est pas comme venir pour un soin et
repartir. Pourtant certains penseront ne rester qu’un court laps de temps
pour se reposer, puis retourner chez eux. On leur aura dit, d’ailleurs, ou
on ne leur aura rien dit du tout. Car entrer en maison de repos s’accompagne
parfois de non-dits, voire de mensonges. Mais «nul ne peut avoir de bon
vent, s’il ne sait où il va», fait remarquer Daisy Hambursin, infirmière
citant Sénèque. La politique de la vérité – même si elle est difficile à
admettre parfois – semble bien préférable à celle du silence.
Pour prendre la
décision d’emménager en maison de repos, rien de tel que la visite des lieux
– même en virtuel via des photos pour les personnes qui ne peuvent se
déplacer. Rien de tel, également, que la possibilité de poser toutes ses
questions, d’énoncer ses craintes à un intervenant de la maison qui prendra
le temps d’expliquer. Présenté avant son arrivée à l’équipe et annoncé à ses
futurs cohabitants, le nouveau résidant ne viendra pas en inconnu. Peu à
peu, au fil des jours, il mettra des noms sur les visages. Il prendra ses
quartiers dans la chambre aménagée pour lui – “customisée” diraient les plus
jeunes.
Le temps des ablutions
Alors qu’elle
évoque les débarbouillages et rafraîchissements quotidiens du corps, Daisy
Hambursin soulève cette question: pourquoi – comme je loge dans la première
chambre du couloir – devrais-je voir arriver l’aide soignante tôt le matin
pour ma toilette, alors que ma voisine se lève bien avant moi et que moi, je
préfère flâner au lit avant de me laver? Pourquoi ne pas modifier la
chronologie des toilettes en fonction de l’histoire de vie de chacun, de ses
habitudes, de son horaire? La maison de repos où elle travaille comme
infirmière en chef tente ces aménagements tout en veillant à la bonne
organisation du travail pour les soignants. Préserver la liberté de choix au
maximum doit être une préoccupation de tous les instants, et passe parfois
par de simples attentions. Comme choisir entre deux tenues même si on ne
sait plus parler, si on est devenu très dépendant. Un regard peut suffire.
Comme décider de l’heure à laquelle on se couche même si on a besoin d’aide
pour entrer dans son lit.
Le temps des repas
La couleur des
nappes, la décoration florale de la table ou l’apéro du dimanche ont certes
leur importance, mais restent des sujets relativement dérisoires lorsqu’on
envisage les repas en maison de repos. D’autant si l’on souhaite associer
aux repas les principes de liberté et d’autonomie, si l’on souhaite éviter
le trop grand décalage entre par exemple le statut de maîtresse de maison
aux fourneaux durant des années et celui de résidente assise à table face à
un menu conçu loin de ses narines. Le personnel des maisons de repos vous le
dira: les repas sont souvent au centre des débats. Les conseils de résidants
– ces lieux de participation ouverts aux résidants et éventuellement à leur
famille dans chaque maison de repos – regorgent d’interpellations à ce
sujet. D’aucuns testent alors de nouvelles idées pour améliorer ce moment
potentiel de pur plaisir. La maison de repos dirigée par Patricia Moxhet, à
Bèfve, a institué par exemple une commission des menus. Tous les quinze
jours, quelques résidants, des membres du personnel et le chef de cuisine
élaborent des suggestions de repas, proposent des recettes. Ils ont été
jusqu’à organiser un repas raclette. Là aussi, dès les beaux jours, les
petits déjeuners en plein air et les barbecues font leur apparition. Un
chariot de glaces, bricolé maison, circule à l’heure du goûter. Les
résidants se coiffent parfois des bonnets ad hoc pour participer à la
préparation des repas. D’autres responsables de structures nettement plus
grandes, comme «Marimont-village», développent la carte des repas avec une
offre bio notamment, donnent la possibilité de manger en famille, tentent
d’éviter au maximum la cuisine préparée hors de la maison. «Le bien-être
passe par le respect de l’autre, de ses envies, de ses goûts, de ses idées,
rappelle Patricia Moxhet. A tout âge, manger doit rester un plaisir.»
Les normes en matière de cuisine collective sont sévères mais la qualité du
rapport à la nourriture a, elle aussi, toute son importance.
De l’animation
Distraire un peu,
occuper pour éviter l’ennui, mettre un peu de vie, voilà des objectifs bien
limités pour les animations en maison de repos. «L’animation en maison de
retraite est souvent vécue comme accessoire, certes nécessaire, mais souvent
secondaire dans la mission des établissements d’accueil d’adultes âgés et
dépendants», constate Philippe Crone, animateur dans une maison de
retraite française. Son point de vue est tout différent. L’animation, ce
n’est pas du «bonus», mais un service à part entière au même titre que les
soins, la lingerie, le secrétariat… Elle est une réponse à l’isolement, un
accompagnement pour vivre dans la maison, pour se sentir chez soi et bien
avec les autres, un soutien pour réaliser des projets. Des projets, il est
toujours question même aux grands âges, insiste Philippe Crone. L’animateur
ne fait pas de projet à la place de la personne; il a, par contre, à gérer
le climat social et l’environnement pour qu’ils soient “facilitateurs”,
«comme le jardinier prépare le terreau autour de l’arbre pour le faire
pousser (…).»
Aussi la fin de la vie
Si la vie est
encore bien présente en maison de repos, la mort n’y est pas inconnue. Il
n’est pas évident d’en parler, de s’y préparer. Pourtant certaines maisons
de repos s’en soucient. C’est le cas de la maison Marienheim, à Raeren, où
la fin de vie n’est pas tabou. Ainsi, les désirs du résidant pour ces
derniers moments seront connus du personnel de l’institution qui s’est formé
en soins palliatifs. Un accompagnement du mourant et de sa famille y a été
réfléchi. De préférence, c’est dans sa chambre que le résident vivra ses
dernières heures. On évitera les transferts d’urgence vers l’hôpital quand
la fin de vie s’est annoncée. C’est dans sa chambre aussi – et non à la
morgue – que la famille, les amis, les membres du personnel auront
l’occasion de lui dire au revoir. Puis le corps quittera la maison en
procession. Une veillée funèbre sera proposée. «Souvent orientée vers la
religion catholique, elle peut aussi être faite de symboles d’autres
religions ou sans symbole religieux», explique Patrick Laschet directeur
du Marienheim. Une fois par an, au moment de la Toussaint, les familles des
résidents décédés durant l’année écoulée sont invitées à une cérémonie. La
maison de repos, lieu de vie du résident, est aussi lieu de souvenirs pour
les proches.
Qu’elles
concernent de petits actes du quotidien ou le tournant d’une vie, ces
manières d’(ré)envisager le passage en maison de repos touchent à
l’essentiel: au respect des adultes âgés. Elles doivent leur réussite à une
écoute attentive des besoins et des attentes des résidants, à un esprit de
co-construction. Elles viennent questionner les routines et proposer
d’autres pratiques qui ne sont pas nécessairement coûteuses et donc pas
réservées aux plus fortunés. Elles montrent que rien n’est immuable, et
ouvrent des perspectives enthousiasmantes.
Catherine Daloze
__________
(1) Dans le but de partager des expériences
intéressantes, une journée sur le thème «Vivre et créer la vie ensemble»
était organisée ce 15 septembre, par Infor Homes Bruxelles, IGM
Belgique-Luxembourg et l’asbl Bien Vieillir.
►
Lire aussi:
UCP, “Vivre heureux en maison de repos”,
15 mai 2008 - www.enmarche.be et
dossier n°26 de Balises – www.ucp.mc.be –
02/246.46.73.
Fondation Roi Baudouin, “La maison de repos du 21e siècle:
un lieu convivial, soins inclus”,
juin 2009 (125 p.) – www.kbs-frb.be ou
070/23.30.65.
Maison de repos,
une appellation contrôlée |
La
maison de repos est un établissement destiné à l’hébergement de
personnes âgées de 60 ans au moins qui y ont leur résidence
habituelle et y bénéficient de services collectifs familiaux,
ménagers, d’aide à la vie journalière et, s’il y a lieu, de soins
infirmiers ou paramédicaux.
La
maison de repos et de soins est un établissement destiné aux
personnes âgées dont l’autonomie est réduite, nécessitant des soins
et atteintes d’une maladie de longue durée étant entendu qu’une
surveillance journalière et un traitement médical spécialisé ne
s’imposent pas. Toutefois, les personnes accueillies doivent être
fortement tributaires de l’aide de tiers pour pouvoir accomplir les
actes essentiels de la vie quotidienne.
Il existe
bien entendu d’autres types d’hébergements collectifs pour personnes
âgées comme les résidences services, les maisons Abbeyfield, les
cantous...
►
Plus d’infos:
Infor Homes Wallonie
- 070/24.61.31 (du lundi au vendredi de 8h30 à 17h)
Infor Homes Bruxelles –
02/219.56.88. |
|