Seniors
(4 octobre 2007)
Entre don, devoir
et anxiété
“On commence par faire les courses
ou la lessive. Puis la dépendance s’installe et se confirme. La personne
aidée - un membre de la famille, une voisine… - se prend de moins en moins
en charge… Aussi, explique une aidante participant à un groupe de
parole de Verviers,
l’aide de
proximité, c’est souvent le départ d’une longue histoire dont on est parfois
loin d’imaginer toutes les difficultés!”
Aider un proche
et être soutenu
L’UCP,
mouvement social des aînés, a voulu mieux connaître les difficultés
rencontrées par ceux qu’on appelle les aidants proches, celles et ceux qui,
en dehors de leur vie professionnelle, apportent leur aide, au moins une
fois par semaine, à une ou des personnes à l’autonomie limitée, à leur
famille ou leur entourage, à domicile ou en maison de repos. Une enquête a
donc été menée en collaboration avec la Croix-Rouge, la Fédération de l’Aide
et des Soins à Domicile asbl, la Mutualité chrétienne, l’asbl Permanence
Soins à Domicile et les Pensionnés Prépensionnés Chômeurs Agés/CSC.
Dans la grande majorité des cas,
65% des aidants appartiennent au cercle familial. Quoi de plus naturel en
effet que d’apporter de l’aide à un parent après un décès, une
hospitalisation ou un accident.
“Le sentiment
d’appartenance familial crée des devoirs. On serait gêné de demander l’aide
aux voisins” disent certains. Même si la personne aidée n’est pas “de
la famille”, le lien qui unit l’aidant et celle-ci est très fort. On ne voit
d’ailleurs pas comment quelqu’un pourrait surmonter toutes les difficultés
propres à cette situation d’aide s’il n’y avait pas un lien très fort avec
la personne aidée, fait remarquer la sociologue Charlotte Royen dans sa
synthèse de l’enquête réalisée par l’UCP:
“D’une manière
générale, l’aide évolue au fil du temps et au rythme de la maladie ou du
handicap de la personne aidée. D’une visite occasionnelle, les aidants
passent vite à des visites régulières pour apporter les repas, les courses,
les médicaments, etc. Évoluant d’une aide morale et légère à une aide
physique plus lourde, les aidants n’ont pas toujours su ‘prendre la mesure’
de ce qui les attendait et, n’étant pas préparé à l’évolution de la maladie
ou du handicap, peuvent se sentir piégés.”
Faire
face
Que ce soit par choix ou par
obligation, consacrer du temps à aider une personne malade a de multiples
répercussions.
Certain(e)s choisissent ou sont
contraint(e)s de réduire leur temps de travail – et donc leurs revenus –
pour donner du temps à un enfant handicapé ou une personne vieillissante.
Tandis que d’autres cherchent au contraire à augmenter leur temps de travail
– et leurs revenus - afin de pouvoir faire appel à des services
professionnels afin de garantir à la personne aidée une certaine qualité de
vie.
L’impact sur le revenu est
variable mais certain: coût des déplacements, paiement des services et des
soins professionnels à domicile, visites médicales et médicaments
contribuent ainsi à réduire le “train de vie” familial et limitent très fort
les possibilités d’activités extérieures.
L’enquête de l’UCP nous apprend
par ailleurs qu’
“environ 32% des aidants sondés par questionnaire n’ont qu’un revenu net
mensuel se situant entre 750 et 1500 euros pour l’ensemble de leur ménage.
Si le lien est matrimonial, cet impact est davantage – et en toute logique
– considérable”.
Aux difficultés professionnelles
et financières s’ajoutent des difficultés physiques et psychologiques.
“Pour une majorité
d’aidants proches (60%), de manière générale, sans tenir compte du degré de
difficulté et de sa fréquence, l’aide peut sembler difficile physiquement.
Cette fatigue physique s’accompagne d’une fatigue morale et renforce cette
dernière… Outre la difficulté physique, la plupart des aidants reconnaissent
négliger leur vie sociale, culturelle et familiale. Ainsi, ne pas s’oublier
peut relever du défi pour l’aidant. A contrecœur, il faut supprimer des
engagements sociaux. Les amis s’écartent et les relations perdues ne
reviennent pas” entend-t-on dire dans les groupes de paroles.
“Petit à petit, une
coupure s’installe avec le monde extérieur”. Dans les situations les
plus envahissantes, nombre d’aidants affirment en effet
“avoir peu de temps
pour penser à eux”. D’où une demande fréquente
“d’aide et de
soutien, de besoin de se ressourcer”. Pour 68% des aidants, l’aide
est psychologiquement difficile à vivre:
“Les problèmes ne
sont pas seulement physiques… Il faut aussi faire face aux tracasseries, aux
périodes de fatigue ou de découragement…” témoignent des aidants qui
“estiment ne pas
avoir la possibilité de refuser de venir en aide.” Ceux-ci se sentent
en effet redevables de la personne à aider:
“Ce qui peut donc a
priori passer pour un choix délibéré est en réalité une ‘décision contrainte
et contraignante’. L’aide est alors vécue comme une obligation morale. En
effet, ils ne se situent pas dans une logique du choix où la raison guide la
pensée mais dans une logique de l’affect.” L’aide serait alors le
“juste retour des choses”.
Aider
les aidants
Si certains aidés ne souhaitent
pas l’intervention d’autres personnes qu’un aidant proche, 45% des aidants
interrogés par l’UCP estiment avoir besoin d’un soutien. Les demandes de ces
aidants, explique la sociologue Charlotte Royen, peuvent se regrouper autour
de trois besoins prioritaires.
Ils cherchent
“quelqu’un pour les remplacer” afin de retrouver du temps pour eux,
de souffler, de partir une semaine, de s’occuper des petits-enfants… Ils
cherchent aussi “des
informations sur des services d’associations de bénévoles” et
“des informations centralisées sur les services
professionnels disponibles car ils dépensent beaucoup d’énergie et de temps
à trouver le bon interlocuteur et la bonne information.”
Ensuite, près de 20% citent comme
besoin “un lieu pour
échanger, rencontrer des personnes qui vivent une situation similaire”
afin de diminuer leur charge émotionnelle.
Pour certains aidants, un groupe
de parole permettant de partager, d’évacuer le stress, de déculpabiliser…
apparaît comme la réponse à leurs difficultés psychologiques. D’autres
privilégieraient davantage l’écoute individuelle et professionnelle d’un
psychologue ou psychiatre au groupe de parole.
Enfin, les aidants attendent
qu’on reconnaisse l’importance de leur rôle et de leurs compétences. En
effet, le manque de reconnaissance du travail des aidants par l’extérieur,
tant par la famille que par le corps médical, est souvent mal vécu par les
aidants.
Christian Van Rompaey
Agir
Christian Dhanis,
président de l’UCP, mouvement social des aînés, relève trois domaines dans
lesquels les pouvoirs publics, le secteur associatif et l’UCP se doivent
d’agir.
Mise
en route de l’aide
Les aidants proches expriment
leur besoin d’être correctement informés sur les services professionnels
disponibles et réclament que les informations soient centralisées afin de
s’y retrouver plus facilement. Certains citent, comme un exemple, un
répertoire reprenant tous les services professionnels existants susceptibles
de les seconder dans leur tâche, car les aidants dépensent beaucoup
d’énergie et de temps à trouver le bon interlocuteur et la bonne
information.
Aides
professionnelles
à domicile
■
Les aidants proches mentionnent un manque de personnel dans ce
secteur, un manque de formations et enfin, un accès à ces services encore
trop onéreux pour certains aidants et aidés. Ainsi, les aidants réclament
plus de personnel disponible, une formation continuée de celui-ci et enfin
une diminution du coût de ces aides professionnelles.
■
Les aidants proches, particulièrement ceux qui viennent en aide à une
personne désorientée ou confuse, réclament moins de rotation de la part des
professionnels qui viennent à domicile, afin de ne pas perturber davantage
la personne désorientée mais aussi afin d’établir une relation de confiance
avec l’aidant proche.
Soutien moral
■
Les aidants proches doivent pouvoir souffler et interrompre l’aide
qu’ils offrent pour se consacrer à leur vie personnelle ou à la détente. Il
faut donc que la personne aidée puisse se faire aider de temps à autre.
■
Au plan local, avec l’aide des mouvements et associations, des
personnes pourraient assurer des remplacements de courte durée.
■
Les aidants proches se sentent parfois désarçonnés et aimeraient
avoir l’occasion d’exprimer leurs questions, leurs attentes, leur
découragement même. Des lieux de parole où ils pourraient rencontrer
d’autres aidants proches et des spécialistes devraient être créés.
Des
groupes de paroles
Les groupes de paroles d’aidants
proches s'adressent à toute personne concernée par l'accompagnement d'un
proche et qui souhaite partager ses difficultés et échanger avec d'autres
des informations utiles. La création des “groupes de paroles” de Verviers et
de Namur a été soutenue par la Fondation Roi Baudouin.
( http://www.kbs-frb.be/code/home.cfm )
Verviers, Malmedy et Thimister
A l’initiative de l’UCP.
Prochaine rencontre sur le thème
“les limites de l’aide à domicile et nos limites personnelles”.
Dates: jeudi 15/11
de 19h à 21h à la Mutualité chrétienne de Verviers; le mardi 20/11de 19h à
21h à la Mutualité chrétienne de Malmedy; mardi 27/11 de 19h à 21h à la
Mutualité chrétienne de Thimister. Participation gratuite.
Rens.:
Véronique Gerardy - 087/30.51.29.
Namur
(“Aidants familiaux: oser dire sa fatigue”)
A l'initiative de Vie Féminine
avec l'ACIH-AAM, l'UCP, en collaboration avec la Mutualité chrétienne.
Réunion une fois par mois.
Prochaines dates: mardi 23/10 de 13h45 à 15h15, mardi 20/11 de 17h à 18h30,
mardi 18/12 de 13h45 à 15h15, à la Mutualité chrétienne de Namur.
Participation gratuite.
Rens.: Catherine RASE - 081/24.48.62 - les lundi, mardi, jeudi,
vendredi matin.
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