Familles
(19 novembre 2009)
Tests de paternité
Pour
le meilleur
et pour
le pire
Il est
très facile,
aujourd’hui, si
l’on a
des doutes
sur sa
paternité, de
prouver sa
filiation via
un test
ADN. Les
professionnels de
la santé
en appellent
pourtant à
la plus
grande prudence
face aux
tests proposés
sur Internet.
Gare aux
séquelles
psychologiques et
aux dégâts
familiaux !
Xavier,
la quarantaine,
n’en revient
toujours pas.
Un beau
soir, il
voit débarquer
son ex-compagne
à son
domicile, une
charmante
fillette
de trois
ans dans
les bras.
“Tiens,
prends-la, c’est
ta fille
! J’ai
plein de
problèmes en
ce moment.
Peux-tu t’en
occuper les
week-ends ?”
Stupeur !
Xavier n’avait
jamais entendu
parler de
cet enfant.
Comment va-t-il
réorganiser sa
vie avec
sa nouvelle
amie qui
vient d’emménager
chez lui
?
Cyril, 30
ans, a
assisté à
une dispute
violente lors
d’une réunion
familiale où
étaient présents
ses oncles
et tantes.
Une petite
phrase, lâchée
dans un
accès de
colère par
l’un d’eux,
le plonge
dans un
profond désarroi,
ranimant un
doute enfoui
dans son
subconscient :
et si
son véritable
géniteur n’était
pas l’homme
qui, depuis
sa naissance,
s’affiche comme
son père
?
Marie (26
ans), elle,
a la
cœur qui
balance entre
deux hommes.
Elle est
enceinte mais
n’en a
encore parlé
à personne.
Qui est
le père
de l’enfant
à naître
? Comment
réagiront les
“deux” pères
présumés ?
Le point
commun à
ces trois
situations ?
La tentation
d’en avoir
le cœur
net, via
un test
de paternité.
Depuis une
vingtaine d’années,
la génétique
offre la
réponse avec
un pourcentage
de fiabilité
qui dépasse
99 %.
En Belgique,
huit centres
de génétique
agréés pratiquent
couramment ces
tests pour
un montant
qui varie
entre 200
et 300
euros par
personne. Si
leurs résultats
sont sûrs,
ils offrent
surtout deux
garanties de
taille :
l’accompagnement
psychologique des
demandeurs et
la déontologie
du personnel
chargé de
les réaliser.
“Nous refusons
de pratiquer
le test
ADN dans
le dos
des personnes
concernées, explique
Gregory Schmit,
assistant en
médecine légale
à la
Clinique
universitaire St-Luc
(UCL). Pas
question de
faire des
analyses à
partir d’un
chewing-gum subtilisé
au père”.
La règle
générale est
la prudence
car la
découverte du
véritable lien
de paternité
peut laisser
des traces
très profondes
dans les
familles. On
a vu
des hommes
qui, ayant
appris que
l’enfant éduqué
par leurs
soins n’était
pas le
leur, ont
réagi violemment,
dans un
contexte de
dégradation des
relations du
couple, en
refusant soudain
d’assumer leurs
droits et
devoirs envers
cet enfant.
“Pour
certains, le
monde peut
s’écrouler.
D’ailleurs, préalablement
à l’échantillonnage
de l’ADN,
nous informons
toujours les
demandeurs sur
les risques
d’une telle démarche.
Ils peuvent
renoncer à
tout moment”.
Viser
le bien-être
de l’enfant
La découverte du véritable
lien de paternité peut laisser des traces très profondes dans les
familles. |
A l’Hôpital
Erasme (ULB),
le même
type de
prudence prévaut.
“Nous ne
testons jamais
un enfant
qui a
déjà un
père légal,
explique Catherine
Streydio, responsable
du Service
Empreintes Génétiques
de l’hôpital.
Dans un
tel cas,
nous renvoyons
les demandeurs
vers la
justice ou
un avocat
afin qu’ils
introduisent une
action en
contestation de
paternité (lire
“Les tests
ADN sous
l’angle juridique”).
Dès ce moment,
la défense
des droits
légaux de
l’enfant est
assurée et
la procédure
est contradictoire”.
Pour un
enfant qui
n’a pas
de père
légal, l’accord
de la
mère -
et même
sa participation-
est systématiquement
demandé. “Pour
accéder ou
non aux
demandes, nous
tenons compte
de trois
critères :
l’âge de
l’enfant, sa
situation familiale
et les
circonstances de
la demande.
Chaque cas
est particulier.
C’est le bien-être de l’enfant qui nous guide, au sein d’une
équipe pluridisciplinaire où l’avis d’une psychologue spécialisée
s’avère déterminant”.
Test via
Internet :
risqué !
La législation
sur les
tests de
filiation répond-t-elle
avec assez
de précision
aux différentes
situations de
terrain ?
Les professionnels
de la
santé en
appellent à
la retenue
: rendre
la réglementation
plus restrictive
aurait pour
effet de
précipiter davantage
de gens
vers les
labos privés
qui, en
l’échange d’une
somme plus
ou moins
équivalente, mettent
en avant
leur discrétion
et leur
rapidité dans
la réalisation
des tests
ADN. Au
prix de
quelques clics
sur un
clavier d’ordinateur,
il est
en effet
possible, aujourd’hui,
de se
procurer un
kit d’analyse
via Internet.
Et d’obtenir
les résultats
quelques jours
plus tard,
sans le
moindre appel préalable à la
prudence ni
le moindre
entretien psycho-social.
La démarche
est assurément
plus souple
que dans
un centre
universitaire agréé
et qu’en
cas de
demande introduite
par un
juge.
Mais gare
aux déboires
! Si
certains laboratoires
privés semblent
a priori
présenter les
garanties de
sérieux nécessaires,
qu’en est-il
de ceux
qui tirent
l’entièreté de
leurs revenus financiers
des tests
ADN ?
“Les centres
agréés comme
le nôtre
ne dépendent
pas de
ces tests
pour leur
survie, précise
Catherine Streydio.
Les firmes
privées qui
font ces
tests n’ont
pas d’éthique
et travaillent,
elles, uniquement
dans un
but lucratif.
Elles ne
pratiquent aucune
sélection parmi
les demandes
et ne
prennent pas
en compte
l’intérêt de
l’enfant”. Autres
garanties fournies
par les
centres agréés
: muni
des autorisations
écrites de
tous les
adultes concernés,
le test
est réalisé
à partir
du prélèvement
d’une goutte
de sang
et jamais
à partir
d’une tétine
ou d’un
matériel subtilisé
dans des
conditions douteuses
(linge, poil,
cheveu, salive,
etc.). Enfin,
le résultat
final, avec
tout ce
qu’il peut
comporter de
révélations brutales,
n’y est
jamais envoyé
par la
poste ou
par un
simple courriel,
mais généralement
communiqué lors
d’un entretien
psychologique. Autant
de précieux
garde-fous à
ne pas
négliger avant
de se
lancer dans
l’aventure d’un
test de
paternité.
Philippe Lamotte
L’ADN comme
garde-frontière |
Curieusement,
en Belgique,
l’imposition d’un
test ADN
aux étrangers
désirant opérer
un regroupement
familial n’a
pas entraîné
des débats
aussi enflammés
qu’en France
sur le
projet du
gouvernement
Sarkhozy. Depuis
2003, cette
pratique est
pourtant couramment
opérée par
l’Office des
étrangers. Justifiée
? Oui,
sans doute,
lorsque l’acte
officiel de
naissance du
pays d’origine
fait réellement
défaut. Ce
qui n’empêche
pas la
discrimination entre
demandeurs, estime
la Ligue
des droits
de l’homme.
“Le coût
reste prohibitif,
proteste Marie
Charles, juriste
à la
Ligue. De
plus, on
ne tient
pas compte
de ces
familles où
l’oncle, le
cousin ou
la tante
peuvent avoir
une importance
fondamentale dans
la notion
de “famille”.
Dans d’autres
cultures, les
liens
socio-affectifs peuvent
être plus
profonds que
les liens
strictement
biologiques.” |
Les
tests ADN
sous l’angle
juridique
Il n’existe
aucune loi
qui réglemente
de manière
globale les
tests ADN
en matière
de filiation.
Tout
n’est pas
pour autant
permis. Il
faut rester
attentif aux
règles suivantes
:
► Un
test ADN
sur un
enfant mineur
ne peut
être décidé
qu’avec le
consentement de
sa mère
et celui
du père
repris dans
son acte
de naissance.
► Le
père qui
doit consentir
est celui
repris dans
l’acte de
naissance de
l’enfant.
► Si
la mère
de l’enfant
donne seule
son consentement,
on présume
le consentement
du père
sauf s’il
s’y est
ouvertement opposé.
►
C’est toujours
la loi
qui désigne
qui est
le père
d’un enfant
et qui
lui reconnaît
des droits.
Les résultats
d’un test
ADN n’entraînent
pas un
changement automatique
du père
officiel de
l’enfant : seule
la justice
peut en
décider.
► Seul
le père
désigné par
la loi
peut décider
pour l’enfant.
On parle
d’autorité parentale.
La seule
reconnaissance de
paternité par
un test
ADN ne
donne aucun
droit au
père biologique
à l’égard
de son
enfant.
Quant
à la
valeur d’un
test ADN
devant les
tribunaux, il
faut la
distinguer selon
les trois
types de
tests ADN
possibles :
1) Les tests ADN effectués dans le cadre d’une action
judiciaire.
Ordonnés
par les
tribunaux eux-mêmes,
ils jouissent
de la
plus grande
valeur et
ont ainsi
un poids
prépondérant. Ils
offrent plus
de garanties
quant au
respect des
droits de
la défense,
des consentements
de chacun
et surtout
de l’intérêt
de l’enfant.
Ces tests
ne sont
ordonnés que
si le juge
l’estime nécessaire
et est
convaincu qu’il
y va
de l’intérêt
de l’enfant.
2) Les
tests pratiqués dans
un centre
agréé en
dehors de
toute action
judiciaire.
L’agrément
accordé à
ces institutions
représente un
gage de
sécurité quant
aux méthodes
utilisées et
aux résultats
obtenus (lire l’article ci-contre).
3) Les
tests ADN
effectués auprès
d’institutions non
agréées par
le biais
d’Internet ou
d’un autre
canal.
Il
n’existe aucune
garantie quant
au sérieux
et à
l’exactitude des
résultats. Il
faut donc
éviter d’y
recourir.
Que faire
si le test ADN aboutit à une autre paternité que celle établie dans l’acte
de naissance ?
Certaines
personnes peuvent introduire
une demande
en justice. Il
faut cependant
garder à
l’esprit que
cette demande
n’aboutit pas
toujours favorablement.
Dans certaines
circonstances, la
loi préfère
sauvegarder une
certaine paix
de la
famille et
entériner une
situation qui
n’a jamais
été contestée
auparavant, plutôt
que de
donner suite
à une
contestation qui
entraînerait trop
de chamboulements
pour l’enfant.
Il
reste prudent
de faire
appel à
un avocat
ou un
juriste pour
examiner avec
lui la
portée du
test ADN
envisagé et
une éventuelle
action en
justice.
Cela
évite de
recourir à
un test
ADN qui
se révèlerait
inutilisable en
justice et
dont le
coût et
les conséquences
psychologiques ne
pourraient être
supportées que
par celui
qui y
aurait recouru…
Durant
le mois qui suit la publication de cet article, consultez les questions
complémentaires sur le thème abordé dans la rubrique accès libre sur le
site: www.droitsquotidiens.be.
Qui peut introduire cette demande ? |
Dans quel
délai ? |
la mère de l’enfant |
► dans
l’année de la naissance (si elle conteste la présomption de
paternité de son mari)
► dans
l’année de la découverte de la non paternité (si elle conteste la
paternité de celui qui a reconnu son enfant) |
le père repris dans l’acte de naissance |
► dans
l’année de la découverte de la non paternité |
le père biologique |
► dans
l’année de la découverte de sa paternité |
l’enfant |
► entre
ses 12 et 22 ans ou dans l’année de la découverte de la non
paternité |
|