Environnement
Voisinages torrides
Bien
qu'interdite dans les jardins, l'incinération de déchets reste largement
pratiquée. Au détriment de la santé et des relations entre voisins. La
répression s'est (un peu) accentuée en Wallonie. Mais elle ne remplace pas
le dialogue.
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©
Philippe
Lamotte |
Avec les problèmes de bruit, les feux de jardins et incinérations de
petits déchets constituent la plaie des relations de voisinage,
surtout à
la campagne. Ils sont aussi le cauchemar des autorités communales
(policiers, mandataires) qui, ayant souvent d'autres chats à
fouetter, ne peuvent ou ne veulent se déplacer pour de telles
broutilles ou… arrivent comme des carabiniers d'Offenbach.
Broutilles, vraiment? Se
faire empester par son voisin négligeant ou je-m'en-foutiste n'a rien d'une
partie de plaisir. L'odeur âcre et irritante d'une combustion de branches ou
de plastiques peut ruiner un projet d'après midi passée au jardin ou sur la
terrasse. Mais, au-delà de cette gêne très momentanée, le problème de santé
publique peut revêtir des contours plus préoccupants.
Selon le rapport
environnemental Mira, en Flandre (2006), 53% des dioxines présentes dans
notre environnement sont originaires des feux ouverts et des feux de jardin.
Et cela, qu'il s'agisse d'un simple tas de débris végétaux ou de déchets
ménagers (emballages, bouteilles, etc.) brûlés en douce pour échapper aux
taxes communales calculées selon le poids ou le volume “mis aux poubelles”.
Gare aux
plastiques!
Eh oui, même de
vulgaires branchages dénués de produit chimique relâchent, s'ils brûlent, du
gaz carbonique (un gaz à effet de serre) mais dégagent également des
dioxines et des hydrocarbures polycycliques aromatiques (HAP), explique le
Mira. Evidemment, c'est la combustion des déchets non naturels,
particulièrement les plastiques, qui dégage de loin le plus de polluants.
“Des dioxines et des furanes (NDLR: une famille proche des dioxines)
se fixent sur les particules fines en suspension, qui peuvent alors être
inhalées et s'avérer toxiques, précise Delphine Fontenoy, chargée de
mission chez Espace Environnement, à Charleroi. Mais, pour peu qu'elles
se déposent sur des fruits et légumes mal nettoyés, elles peuvent aussi être
ingérées. Quant à savoir si elles peuvent aussi se retrouver dans
l'alimentation via les racines des végétaux en sols pollués, la Spaque(1)
étudie actuellement la question…”.
En Suisse, l'Office
fédéral de l'environnement a analysé le problème de très près. Contrairement
à ce qui sort des cheminées des usines d'incinération, devenues bien plus
propres qu'autrefois, les polluants émanant des feux et des incinérateurs de
jardin sont relâchés au ras du sol et se déposent facilement sur les légumes
des jardins. “Sont particulièrement concernés les légumes à larges
feuilles, qui deviennent de véritables capteurs à dioxines”. Et
d'ajouter: “Celui qui incinère des déchets ménagers dans son jardin
enrichit de produits toxiques non seulement sa propre nourriture mais aussi
celle de ses voisins”. Un chiffre? Les ordures brûlées illégalement, en
Suisse, ont beau ne représenter qu'1 à 2% des déchets incinérés, elles
produisent 27 à 30 grammes de dioxines par an, soit plus du double de toutes
les usines d'incinération de déchets réunies. La réalité belge n'est
probablement pas très différente.
Que dit notre
réglementation? En Wallonie, seule la combustion des déchets végétaux est
autorisée, mais à plus de 100 mètres de toute habitation ou de tout verger,
de toute haie, de toute paille, etc. Autant dire: quasiment nulle part. En
Région bruxelloise, la règle générale est l'interdiction de toute
incinération, quelle que soit la distance. Mais certaines communes tolèrent
peut-être la combustion de déchets verts (il est conseillé de vérifier
auprès de son administration). Bouter le feu à des déchets ménagers est
interdit partout. Paradoxe: la vente de petits incinérateurs de jardin,
pourtant destinés à cette fin et vendus comme tels, reste autorisée dans les
magasins de bricolage. Allez comprendre cette incitation au “crime”, alors
que les parcs à conteneurs et les collectes sélectives n'ont jamais autant
joué leur rôle d'alternatives(2).
Constater, et après?
Depuis deux ans, en
Wallonie, 80 “agents constatateurs”, présents seulement dans certaines
communes, sont spécialement habilités à dresser procès-verbal pour les
petites infractions environnementales. Certes, ils travaillent généralement
pendant les heures de bureau… Mais, au moins, lorsque le Parquet classe leur
PV sans suite (l'écrasante majorité des cas), leur passage chez l'auteur
d'une incinération répressible est suivi par celui d'un “agent
sanctionnateur”, communal ou provincial. “La plupart du temps, mes
collègues et moi sensibilisons le contrevenant au problème avant de vouloir
le réprimer, nuance Fabien Baps, agent constatateur à Awans.
Evidemment, il y a les irréductibles: ceux qui ont toujours fait ainsi et
qui ne voient pas pourquoi ils changeraient”. Tarif de l'amende
administrative: 150 euros.
Parler à son voisin, le
convaincre, le sensibiliser à la santé de tous et à l'environnement: c'est
l'attitude que tous les services officiels recommandent. Pas toujours
simple… D'autant qu'une autre limite frappe le travail des constatateurs
wallons. Dès lors qu'un feu n'est pas visible de la voie publique et que le
constat doit se faire à partir du domicile du plaignant, ce dernier doit
déposer une plainte. Pour préserver son anonymat, il y est peu enclin…
Finalement, rien de tel – pour tous – qu'éviter les emballages inutiles à la
source.
// Ph.L.
(1) Société publique d'aide à la qualité de l'environnement.
(2) Les déchets verts sont souvent broyés et transformés en
compost.
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