Alimentation
(15 novembre 2012)
La tyrannie du bien manger
Nous
sommes bombardés de messages qui prescrivent les bons comportements
alimentaires à adopter pour être en bonne santé, se prémunir des maladies...
et conserver la ligne. Le dernier dossier édité par l’ASBL Couples et
famille porte un regard critique sur les diktats du bien manger.
Manger cinq fruits et légumes chaque jour,
limiter les sucres et les graisses, éviter chips, sodas et pizzas, faire le
plein d’omega 3, privilégier les produits frais, s’assurer d’apports
journaliers en calcium, vitamines et oligo-éléments, consommer des
collations saines, limiter la viande, calculer le nombre de calories
consommées chaque jour… Les comportements alimentaires font l’objet de
multiples injonctions. Il faut aussi veiller à ne pas prendre du poids,
surveiller sa tension, son taux de cholestérol et de diabète et adapter son
régime en conséquence. Sans parler des allergies et intolérances
alimentaires.
Ces conseils
diététiques sont aujourd’hui tellement nombreux et parfois contradictoires
qu’ils ne facilitent pas la tâche. A qui faire confiance? Les
recommandations des médecins, diététiciens, médias, industriels et marchands
répondent bien évidemment à des intérêts différents. Quelle attitude adopter
alors? Comment mettre en pratique toutes ces recommandations quand le temps
et le budget sont limités? Comment faire pour que ces messages ne deviennent
pas tyranniques, au point d’ajouter un stress et des tensions
supplémentaires à la vie familiale? Autant de questions parmi d’autres
qu’aborde le dernier numéro des Editions Feuilles Familiales, qui donne la
parole à des parents, à des professionnels de la santé, à des personnes
impliquées dans la production alimentaire.
Une
religion
“A n’en pas
douter, alimentation et santé sont liées et il convient donc de soigner
l’une si l’on veut soigner l’autre, expliquent les auteurs.
Cependant, les prescriptions donnent des accents si moralisateurs que
ceux-ci provoquent un certain ras-le-bol. La nutrition semble parfois
devenir une nouvelle religion avec ses dogmes, ses règles, ses obligations
et interdits, ses tentations et ses ‘péchés’ lorsqu’on s’écarte de bonnes
pratiques, de ses prêtres et gourous...”. Myriam Tonus, théologienne,
nous invite dès lors, si l’on veut éviter les dérives des intégrismes, à
adopter un regard critique sur le discours moral mis au service du culte de
la santé.
L’énervement
s’accentue encore lorsque l’on découvre que certains messages changent du
tout au tout. Ainsi, le beurre, accusé de tous les maux et banni de nos
assiettes, est aujourd’hui réhabilité, les margarines végétales n’étant pas
si miraculeuses que cela. Une cacophonie que décrit bien Andrée De Smet,
médecin.
Un des effets
néfastes de cette multiplicité des discours est l’anxiété qu’elle provoque.
Les jeunes mamans sont l’objet de fortes pressions pour adopter
l’allaitement maternel, les parents se demandent comment donner la meilleure
alimentation à leurs enfants ; les adultes sont aussi inquiets de leur
manière de s’alimenter.
Au niveau sociétal,
la pression du “bien manger” a aussi ses effets pervers. Elle nous oriente
vers une alimentation de plus en plus uniformisée et aseptisée, en raison
des normes sanitaires imposées aux produits alimentaires. Par ailleurs, les
campagnes de prévention véhiculent parfois des stéréotypes qui stigmatisent
ceux dont le corps ne correspond pas à l’idéal de santé et de minceur.
Conserver
le plaisir de manger
“Dans la vie
quotidienne, il est pourtant possible de se préoccuper du bien manger en
préservant un rapport paisible avec la nourriture et en ne faisant pas
obstacle au plaisir ni à la convivialité”, écrivent les auteurs. Qui
concluent leur dossier par une note positive : “Le succès des émissions
culinaires, ces dernières années, révèle l’attente du public pour une
cuisine plaisir : des produits naturels et savoureux, la convivialité de la
table, la beauté de la présentation, tous les sens convoqués autour de la
table. Avec tous ces éléments, si une préoccupation éthique s’y ajoute, le
repas peut être un moment de profonde humanité.”
// JD
>> La tyrannie du bien
manger, ASBL Couples et familles, Editions Feuilles
Familiales n°101 - 10 EUR (+ port) - A commander par tél : 081/45.02.99, fax
: 081/45.05.98 ou email mcf[at]skynet.be Infos :
www.couplesfamilles.be
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