(6 octobre 2011)
La kiné vestibulaire, un traitement efficace
Vertiges, troubles de l’équilibre, mal des transports, malaise dans un
environnement en mouvement… : très souvent, ces symptômes difficiles à
supporter peuvent être traités en rééduquant l’oreille interne, un des
principaux centres de l’équilibre du corps.
Avoir l’impression d’être sur un carrousel infernal après s’être
retourné dans son lit en pleine nuit.
Se lever brusquement et voir quelques instants la pièce et les objets
tourner autour de soi. Avoir régulièrement le sentiment de
perdre l’équilibre. Marcher en déviant comme en état d’ébriété. Etre
facilement malade en voiture, en avion ou en mer. Se sentir nauséeux rien
qu’en regardant des gens tourner sur un manège. Eprouver des malaises dans
des lieux fort fréquentés… Ces plaintes, ces troubles trouvent souvent leur
origine dans une lésion ou un dysfonctionnement du vestibule qui forme, avec
les canaux semi-circulaires, l’organe de l’équilibre de l'oreille interne(1).
Avec les yeux et certaines terminaisons nerveuses sensitives (ce qu’on
appelle le proprioceptif), l’oreille interne représente, en effet, l’un des
principaux organes sources de l’équilibre. Tous les trois jouent un rôle
complémentaire dans la stabilisation du regard et du corps durant les
mouvements. Si le fonctionnement de l’oreille interne est perturbé, les
informations fournies au cerveau sont incohérentes, contradictoires, et
provoquent alors, chez la personne, des vertiges, une perte d’équilibre ou
des malaises qui peuvent s’accompagner de nausées, de vomissements, de maux
de tête ou d’une importante fatigue, selon les cas.
Remise à niveau
Le principe de la réadaptation vestibulaire est d’utiliser la plasticité du
système nerveux central, c’est-à-dire sa capacité à développer de nouvelles
stratégies d’équilibration face à un déficit vestibulaire, qu’il soit uni ou
bilatéral (une ou deux oreilles) et quelle qu’en soit la cause (maladie,
traumatisme, déficience innée…). Pour remettre à niveau le système
vestibulaire, le kinésithérapeute dispose de différents traitements en
fonction des pathologies décelées. D’où l’importance de bien identifier les
problèmes, de poser le bon diagnostic, de se mettre à l’écoute du patient
qui, parfois, vit depuis des années avec des sensations désagréables dont il
s’accommode tant bien que mal. “Je vois arriver dans mon cabinet
beaucoup de personnes en détresse à cause de plaintes jusque-là non
résolues, témoigne Diane Van Campenhoudt, kinésithérapeute vestibulaire en
région bruxelloise. Le rétablissement de leur système vestibulaire est, pour
ces patientes, une délivrance par rapport à leurs symptômes. Mais c’est
aussi extrêmement bénéfique pour prévenir les risques de chutes lorsqu’elles
avanceront en
âge”, assure-t-elle.
Pathologies et techniques principales
Le “vertige paroxystique positionnel bénin” (VPPB) est le
vertige le plus fréquent et aussi le plus aisément guérissable par la
kinésithérapie vestibulaire. Très intense et impressionnant, il dure en
général moins de trente secondes et se déclenche brusquement aux changements
de position du corps ou de la tête. “Ce type de vertige est lié au
déplacement de petits cristaux (les otolithes) dans les canaux
semi-circulaires de l'oreille interne. Il peut être traité par une manœuvre
dite “libératoire” qui permet, en basculant le patient, de renvoyer les
cristaux d’où ils viennent, assure Christian Briart, kinésithérapeute
vestibulaire aux Cliniques universitaires St-Luc. Cette manœuvre très
spécifique a un taux de réussite de plus de 90% en une seule séance!”
Face aux autres types de vertige (vertige de quelques
heures que connaissent par épisodes les patients atteints de la maladie de
Ménière, ou vertige de plusieurs jours, suite à une infection virale, par
exemple), la rééducation est principalement basée sur l'utilisation d'un
fauteuil rotatoire. “Nous commençons par observer le mouvement des yeux
de la personne et calculer le temps de stabilisation de son regard, après
l’avoir fait tourner au fauteuil, les yeux bandés par un masque muni d’une
caméra intérieure, explique Diane Van Campenhoudt. En répétant
l’exercice de rotation dans l’autre sens, on voit s’il existe une différence
de réactions et on la mesure. L’objectif du traitement est de symétriser les
réponses des deux oreilles et de diminuer le temps que le patient met à
retrouver une information correcte, c’est-à-dire à voir d’une façon nette,
une fois les yeux rouverts. En général, on arrive à de très bons résultats
en quelques séances seulement”.
En ce qui concerne les instabilités lors de la marche, les pertes
d’équilibre, les malaises et étourdissements que l’on peut
ressentir dans la foule ou encore le mal de transport, le
traitement s’opère essentiellement via ce qu’on appelle la stimulation
optocinétique. “A l’inverse du fauteuil qui met la personne en
mouvement, ici, c’est l’environnement qui bouge, explique Diane Van
Campenhoudt. La personne est placée debout dans l’obscurité. Un peu
comme dans un planétarium, elle voit défiler des dizaines de points lumineux
qui se déplacent horizontalement, d’abord lentement puis plus vite. On
observe alors la manière dont la personne réagit. Elle a en effet
l’impression visuelle que la salle tourne et a tendance à effectuer des
mouvements de rattrapage avec les bras ou le corps pour ne pas tomber”.
L’exercice est réalisé ensuite avec un défilement vertical des points
lumineux. C’est par la répétition de cette épreuve que la personne va
progressivement abandonner l’entrée visuelle trompeuse et source de chutes
ou de malaises, et arriver à se stabiliser en restant ancrée au sol par les
pieds. Cette rééducation donne de très bons résultats en quelques séances
également.
D’autres techniques et exercices statiques et dynamiques sont utilisés par
les praticiens pour traiter les troubles de l’équilibre, mais nous
n’entrerons pas ici dans les détails. En pratique, les diverses techniques
sont fréquemment associées. Dans la vie courante, en effet, notre système de
l’équilibre est soumis à des stimulations multi-sensorielles. Il faut donc
combiner les épreuves selon un rythme, une intensité et une durée variables
en fonction de la pathologie du patient.
// Joëlle Delvaux
(1) L’oreille interne est constituée du labyrinthe
osseux qui contient, dans sa partie antérieure ou limaçon, l'organe de
l'audition et, dans sa partie postérieure, l'organe de l'équilibre.
Une discipline mal connue
“La
kiné vestibulaire, c'est un peu comme un entraînement de cosmonaute:
on place les gens en situation extrême, de manière contrôlée bien
entendu, afin que les situations normales deviennent tout à fait gérables,
résume Christian Briart, kinésithérapeute vestibulaire aux Cliniques
universitaires St-Luc. Il est important que les médecins (les ORL
et les généralistes en particulier, ndlr) prennent conscience que la
kiné vestibulaire n'est pas un miroir aux alouettes. Il s’agit de techniques
fonctionnelles, mécaniques qui apportent réellement un mieux-être aux
patients”.
La réadaptation vestibulaire reste hélas une discipline mal connue au sein
du corps médical(1). Pourtant, elle ne date pas d’hier
et ses techniques et indications ont fait l’objet d’une reconnaissance par
l’Académie nationale de médecine en France, il y a plusieurs années. C’est
en effet dans l’Hexagone que cette discipline a acquis ses lettres de
noblesse, grâce aux travaux
scientifiques d’Alain Sémont et aux formations rigoureuses dispensées par la
SIRV, Société internationale de réhabilitation vestibulaire (qu’ont suivies
la plupart des kiné vestibulaires belges)(2).
En Belgique, aucune spécialisation en
kinésithérapie (vestibulaire ou autre) ne fait l’objet d’une
reconnaissance officielle, ce qui représente une difficulté pour le patient
de savoir à quel praticien compétent s’adresser. Le mieux est de demander
conseil à son médecin prescripteur. La ministre fédérale de la Santé
souhaite avancer sur la voie de la reconnaissance, mais on est loin d’une
solution.
En attendant, il est clair que la kiné vestibulaire ne s’improvise pas. Elle
exige une formation approfondie, une connaissance très spécifique de la
pathologie, de l’anatomie et de la physiologie vestibulaires ainsi qu’une
pratique quotidienne. Elle nécessite aussi un matériel très spécifique
d’exploration et de rééducation, sans lesquels aucune prise en charge digne
de ce nom ne peut être entreprise.
//JD
(1) Les séances de kinésithérapie vestibulaire
doivent faire l'objet d'une prescription par le médecin traitant ou le
médecin spécialiste.
(2) Infos :
www.vestib.org. En Belgique, la liste des praticiens formés par la SIRV
est consultable sur www.vestibulaire.be
Une autre
association de kiné vestibulaires existe. Voir
www.kinevestibulaire.be