Thérapies et techniques médicales
(16 avril 2012)
Animaux contre les maux
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© Patrick Allard/REA-REPORTERS |
Les
animaux sont parfois bien davantage que de fidèles amis de l'homme. Dans
certaines cas, ils rendent de précieux services aux âmes qui vont mal ou
aux personnes souffrant d'un handicap. Mais cette aide n'a rien d'inné
chez eux et ne s'improvise pas.
Un berger australien nommé Ice et June, un beau
lévrier whippet, attendent sagement sur
le parking d’une école bruxelloise. Leur queue s’agite: même si l’excitation
de rencontrer les enfants est palpable, les chiens restent calmes. Ici, les
aboiements et les sauts ne sont pas les bienvenus et les deux chiens le
savent. Les élèves de maternelle qu’ils s’apprêtent à rencontrer sont
autistes et/ou malvoyants. Leur rôle, ils le connaissent : apporter quelques
minutes de douceur et de tendresse dans cette classe.
S’apprivoiser mutuellement
L’institutrice souligne : “Une telle activité apporte énormément aux
enfants sur le plan relationnel. Ils prennent un certain temps à réaliser
qu’un animal est en classe. Mais petit à petit, ils le touchent, prennent la
laisse pour le promener, se couchent sur lui pour sentir son cœur battre ou
tout simplement pour fourrer sa tête dans son pelage.” Alors que ces
enfants ont l’air plongés dans leur monde, absents du nôtre, l’animal leur
permet de s’ouvrir et d'entrer en relation avec lui. Ces élèves participent
également, chaque semaine, à des rencontres avec des chevaux. L’équipe
pédagogique et le kinésithérapeute qui les suivent remarquent, de séance en
séance, les avancées – parfois motrices – des enfants. L’institutrice
continue : “Une des petites filles bouge habituellement ses jambes très
difficilement. Quand elle a commencé l’hippothérapie, elle était réticente.
Pourtant, maintenant, dès qu’elle se trouve devant le cheval, elle lève la
jambe toute seule pour pouvoir l’enfourcher le plus rapidement possible.”
Les enfants rient ou se calment avec Ice et June. Mais ces deux chiens
n’agissent pas seuls. Leurs deux maîtresses sont bien présentes et
attentives pendant toute la séance pour guider l’animal et les enfants. “Cette
activité doit être encadrée, précise Marie-Paule Daniels, coordinatrice
de l’association Activ’Dog. Les chiens sont préalablement testés pour
éviter les accidents, comme des morsures. Et le maître suit une formation
pour aider son chien. Les enfants ou les personnes que l’on visite sont
parfois brusques avec les animaux… Il faut pouvoir réagir de la bonne
manière, tant avec son chien qu’avec cette personne. Le maître doit toujours
faire barrière entre les deux, tout en laissant la relation s’installer.”
Animal, vecteur social
A la Résidence pour seniors du CPAS de Watermael-Boitsfort, Lupita,
Matteo et Agathe accompagnent Isabelle, leur maîtresse. Ces deux chiens et
ce chat tiennent compagnie à huit personnes âgées pendant une heure. C’est
l’ergothérapeute, Céline Vanderhaegen, qui a eu l’idée de mettre en place
cette activité. “Les animaux sont interdits dans le home par le
règlement. Mais certains résidents en avaient chez eux. Retrouver ce genre
de contact leur permet de se rappeler de bons souvenirs et de les revivre.
Par ailleurs, certains seniors, peu mobiles ou atteints de démence, ne
participent pas aux activités telles que la peinture… organisées par la
résidence. Pour eux, la venue de ces animaux est l’occasion de sortir de
leur chambre et se socialiser (parce que l’activité se passe en groupe). Ils
rencontrent les autres résidents, les maîtres des chiens. Et puis, avec les
animaux, des petits jeux sont organisés: lancer la balle au chien, lui
donner à manger, le brosser… Grâce à ça, les seniors bougent un peu. Au
niveau psychomotricité, c’est positif.”
L’animal n’est pas médecin
De nombreuses études scientifiques ont démontré les bienfaits sur
l’homme du contact avec les animaux. “Regarder un poisson dans un
aquarium a un effet apaisant; caresser un chat ou un chien fait baisser la
tension et le rythme cardiaque ; un chien que l’on doit régulièrement sortir
entretient une activité favorable à l’organisme”, souligne Sandrine
Willems, philosophe et psychologue clinicienne de formation analytique(1).
Penser à l’intégrer dans des thérapies est survenu par hasard. Dans les
années 50, le psychiatre américain Boris Levinson a constaté qu’un de ses
jeunes patients autistes, avec lequel il n’arrivait pas à entrer en
relation, s’est mis à communiquer avec le chien du thérapeute qui, de
manière inattendue, s’était introduit dans le cabinet de consultation.
L’idée de poursuivre des thérapies assistées par un animal est née.
Brossage, caresses ou simple présence de l’animal dans la pièce etc., les
méthodes utilisées en thérapies sont diverses. “L’animal n’est pas un
médicament, précise Bénédicte de Villers, chercheuse en anthropologie
de la communication homme-animal (ULg). Les thérapies sont organisées et
structurées avec le patient, l’animal et le thérapeute. Chaque patient est
différent, chaque thérapeute aussi ; il n’existe donc pas UNE méthode, il
faut donc toujours l’adapter.” La thérapie assistée par l’animal ne
convient pas à tout un chacun : que faire des personnes qui ont une peur
bleue des bêtes ou celles qui y sont allergiques? Il ne faut surtout pas
forcer quelqu’un à suivre à tout prix une telle thérapie.
Réponse à tous les maux?
Même si tout le monde n’est pas réceptif à cette méthode thérapeutique,
elle a déjà montré de bons résultats avec des personnes autistes,
handicapées mentales ou moteurs, hyperactives ou souffrant de solitude ou de
troubles psychologiques dus à un décès, une séparation, une adoption, etc.
Chiens, chats, lapins, cochons d’Inde, chevaux mais aussi, dauphins ou même
oiseaux : nombreux sont les animaux venant à point pour aider les patients
et accompagner le thérapeute. Généralement, l’animal met à l’aise, ne “juge”
pas. Il joue un rôle catalyseur dans les relations. Découvrir qu’une
personne en thérapie développe une communication avec l’animal alors qu’elle
n’en a pas avec les humains: voilà qui donne l’espoir qu’un jour, elle
étende cette nouvelle capacité à ses pairs.
Le psychiatre Levinson l’avait constaté : dans une thérapie, l’animal
parvient à s’introduire là où lui-même ne trouvait pas d’accès(1).
Cette méthode douce, loin des acharnements médicamenteux, offre une
alternative qui a du chien!
// VIRGINIE TIBERGHIEN
(1)
Sandrine Willems, L’animal à l’âme, De l’animal-sujet aux psychothérapies
accompagnées par des animaux, Ed. Seuil, 2011.
A cheval et se sentir
mieux !
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© Reporters - Incredible Features |
Les thérapies assistées par les chevaux sont très tendance ces
dernières années. Qu’offrent-elles aux patients? Cet animal doux et robuste
arrive-t-il à leur procurer du bien-être? Rencontre avec Patrick Guilmot,
hippothérapeute et directeur du centre d’hippothérapie de Louvain-la-Neuve.
En Marche : L’hippothérapie est-elle efficace pour tout le monde
et en toutes situations?
Patrick Guilmot : Quand on pense à l’hippothérapie, on
l’associe volontiers au travail avec des personnes handicapées. Mais le
champ de bénéficiaires d’une telle thérapie est bien plus large. Des
personnes en détresse psychologique ou souffrant d’un mal-être viennent
aussi au centre pour des ateliers avec les chevaux. Par ailleurs, chaque
personne est unique et différente. Elle a donc sa manière propre d’entrer en
relation avec le cheval. L’hippothérapie n’est donc pas une thérapie toute
faite, clé sur porte.
EM : Comment fonctionne la relation homme-cheval?
PG : Le cheval n’a pas d’a priori, il vous prend tel
que vous êtes. Animal sensible, il ne se présente pas comme un prédateur :
il est doux, a une forte présence et une très grande disponibilité pour
l’homme. Mais le cheval a quand même sa personnalité et ses propres
émotions. S’il prend peur, il va fuir. Cette réceptivité fait prendre
conscience à la personne en thérapie des actes, des gestes et des relations
qu’elle entretient avec les autres.
EM : Quels sont les avantages offerts par le cheval en thérapie?
PG : Je dis toujours qu’il est beau, grand et fort (rires). Il propose
ainsi une expérience corporelle et émotionnelle étendue. On peut le caresser
de la main mais également, le sentir avec tout son corps. Quand on monte sur
le dos du cheval, on est porté, on dépend du mouvement de l’animal. C’est
une manière aussi d’apprivoiser son propre corps. Par exemple, pour une
personne handicapée, monter l’animal peut restimuler certaines capacités
corporelles, aider à gérer l’équilibre, la fluidité de mouvements…
EM : Le cheval joue-t-il un rôle de thérapeute?
PG : L’animal n’est pas le soignant. La relation s’envisage à trois : le
patient, le cheval et le thérapeute. Les acteurs jouent chacun à leur tour
un rôle, chacun est à un moment le moteur de la thérapie. C’est une aventure
commune. Si un événement vient la perturber, on cherche des solutions à
trois. Le thérapeute est toujours l’allié du bénéficiaire et va l’aider à
dépasser les obstacles.
EM : Qui sont les hippothérapeutes ?
PG : Le choix du thérapeute est très important. Certains sont kinés,
d’autres psychologues ou psychomotriciens. Il existe différentes formations
en hippothérapie. Le titre n’étant pas ‘protégé’, lorsqu’on s’adresse à un hippothérapeute, il est important de savoir sur quelles bases s’appuie son
travail.
// PROPOS RECUEILLIS PAR VIRGINIE TIBERGHIEN
>> Infos : Ferme équestre d'Ottignies Louvain-la-neuve :
010/45.24.74 -
www.ferme-equestre.be
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