La santé publique
(18 juin 2009)
Tatouage et piercing:
gare aux infections!
Avec la perspective des vacances estivales, la tentation d’un
tatouage ou d’un piercing refait surface chez bien des gens,
particulièrement chez les jeunes. Ce choix ne doit pas se faire à la
légère, et le tatouage ou le piercing doivent impérativement se
pratiquer dans de bonnes conditions d’hygiène pour éviter des dégâts sur
la santé.
Le tatouage consiste à créer sur une
partie du corps un dessin par injection intradermique de colorants. Le
piercing, quant à lui, est le fait de transpercer une partie du corps pour y
insérer un bijou (1). Tatouages et piercinqs sont
durables, voire permanents et irréversibles (2).
Choisir de se faire tatouer ou percer ne peut donc se faire sur un simple
défi lors d’une soirée arrosée ou au hasard d’une promenade sur un marché!
Le choix doit être mûrement réfléchi. Le perceur ou le tatoueur est
d’ailleurs tenu de vérifier que son client n’a pas consommé d’alcool, de
drogues ou de médicaments qui pourraient altérer sa capacité de décision.
Admettons. Mais
à partir de quel âge peut-on se faire tatouer ou percer? La loi qui
réglemente cette profession depuis 2005 (voir ci-dessous) est muette sur le
sujet. Bien sûr, le Conseil supérieur d’hygiène recommande de ne pas
effectuer de tatouage/piercing sur les mineurs car ils ne sont pas à même de
prendre une décision qui aura des conséquences durables voire permanentes.
Le fait que la transformation du corps et la croissance ne soient pas
achevées est une autre raison déterminante.
Mais dans les
faits, rien n’oblige un tatoueur ou un perceur à respecter cette
recommandation ni même à demander à un mineur l’autorisation écrite de ses
parents (3). «Nous regrettons que la loi n’ait pas
imposé de limite d’âge afin d’éviter les dérapages», explique Anne-Marie
Michel, responsable de l’accueil dans un studio de tatouages et de piercings
à Liège et membre active de l’ABTCP, une association professionnelle de
tatoueurs qui a élaboré un code de bonnes pratiques (4).
«Beaucoup de filles de 12-13 ans veulent un piercing au nombril mais à cet
âge, la croissance n’est pas terminée et le bijou risque de blesser la jeune
fille au fil du temps, précise Anne-Marie Michel. Le risque d’infections
graves est grand aussi car les filles chipotent sans arrêt à leur piercing,
oublient les soins et s’échangent même leur bijou… Dans notre studio, nous
refusons donc catégoriquement de poser un piercing au nombril aux moins de
14 ans, même avec l’accord de leurs parents. Malheureusement dans ce cas, il
n’est pas rare qu’on subisse les foudres des parents qui risquent de se
tourner alors vers des tatoueurs moins scrupuleux».
A défaut de loi
concernant l’âge, les praticiens consciencieux appliquent les principes
suivants: pas de tatouage avant l’âge de 18 ans, sauf avec accord parental à
partir de 16 ans. Et pas de piercing avant l’âge de 16 ans, sauf avec accord
parental à partir de 14 ans. Avant cet âge, le piercing ne se fait que pour
le lobe de l’oreille. Certains praticiens vont encore plus loin, exigeant la
présence d’un des parents en plus de l’accord parental ou apportant des
restrictions supplémentaires selon les zones du corps percées ou tatouées.
«L’absence
légale de limite d’âge pose de réels problèmes», admet Jean Paques,
responsable du contrôle des studios de tatouage-piercing en Belgique
francophone au sein du SPF Santé publique. «Il est clair qu’on devra
légiférer en suivant vraisemblablement la charte déontologique appliquée
actuellement par les professionnels consciencieux. Notre attention se porte
également vers d’autres domaines tels que maquillage permanent, détatouage,
implants, ... qui nécessiteront certainement une réglementation spécifique».
Des risques à éviter
Tatouage et
piercing ne sont pas des actes anodins. Il est ainsi recommandé aux femmes
enceintes et à certaines catégories de personnes de se rendre préalablement
chez leur médecin traitant et, le cas échéant, de lui demander son accord
afin d’en aviser le professionnel qui pratiquera le tatouage ou le piercing.
Ceci pour déceler les contre-indications ou éviter les complications
éventuelles (mauvaise cicatrisation, réaction cutanés…). Ce sont par exemple
les personnes souffrant d’hémophilie, d’un trouble de coagulation, d’une
diminution du système immunitaire, d’infections à répétition, d’allergie ou
affection cutanée, d’une maladie cardiaque, de diabète, d’épilepsie…
S’ils ne sont
pas effectués dans le respect des règles d’hygiène les plus strictes, le
piercing et le tatouage peuvent entraîner des infections de la peau ou du
cartilage, le tétanos ou encore des infections virales comme l’hépatite B,
l’hépatite C ou le VIH/sida. Le risque de réactions allergiques n’est pas
non plus à écarter. Elles peuvent être provoquées par les pigments des
encres utilisées ou par les objets insérés lors du piercing. Pour éviter ces
risques, il faut donc impérativement se rendre chez un praticien agréé par
le SPF Santé publique (voir ci-contre) et bannir absolument les lieux non
spécifiquement dévoués aux tatouages et piercings. Les bijoutiers , quant à
eux, ne peuvent réaliser que le piercing du lobe de l’oreille.
Les praticiens
agréés doivent respecter des règles d’hygiène très strictes: se laver les
mains avant chaque client, utiliser du matériel à usage unique, ouvrir le
matériel stérile sous emballage devant la personne, stériliser avec un
autoclave tout autre matériel (notamment les bijoux), porter des gants à
usage unique, pratiquer dans un local spécialement aménagé, propre, non
fumeur, interdit aux animaux… etc.
Des exigences
sont également imposées quant aux techniques et produits utilisés:
• ne jamais percer au pistolet (sauf pour
le lobe de l’oreille),
• ne jamais tatouer sur un grain de beauté,
• utiliser des encres conformes aux normes
européennes,
• placer tiges et bijoux présentant un taux
de libération du nickel très faible. A cet égard, les professionnels
recommandent d’utiliser des bijoux en titane car l’acier chirurgical
n’est pas totalement exempt de nickel et beaucoup de personnes y sont
allergiques.
Des soins à appliquer scrupuleusement
Une fois le
piercing ou le tatouage effectué, il est important d’appliquer
scrupuleusement les soins conseillés par le praticien et de respecter
quelques règles essentielles:
• ne pas utiliser alcools, parfums, crèmes
solaires ou épilatoires qui peuvent altérer la cicatrisation,
• éviter l’exposition au soleil ainsi que
les bains, saunas et piscine jusqu’à la cicatrisation complète (l’été
n’est donc pas la période idéale pour se faire tatouer ou percer),
• ne pas retirer le bijou avant la
cicatrisation complète, sauf avis médical,
• bien surveiller la cicatrice et consulter
son médecin en cas de fièvre, d’infection, de rougeur, de lésion cutanée
ou de démangeaison.
Joëlle Delvaux
(1) La douleur ressentie au moment de la pratique du
tatouage est comparable à une épilation. Pour le piercing, elle est
similaire à une prise de sang. Mais la douleur peut être perçue différemment
d’une personne à l’autre.
(2) Le détatouage doit être réalisé par un personnel
qualifié, après avoir pris un avis médical, mais le résultat ne peut être
garanti à 100%. En retirant le bijou du piercing , le trou se referme assez
vite mais peut aussi laisser des cicatrices.
(3) Sans l’accord des parents, le tatoueur risque
cependant d’être poursuivi par ceux-ci pour coups et blessures.
(4) Art Belgium Corporation of tatoo & piercing - rue
Souverain-Pont, 8 à 4000 Liège- 04/223.68.22 - www.abctp.be
Une profession mieux réglementée
Fin 2005, les pouvoirs publics ont décidé de règlementer la pratique
du tatouage et du piercing sous la pression de plusieurs associations de
tatoueurs/perceurs, demandeuses de mettre de l’ordre dans un secteur
d’activités où le meilleur côtoyait (et côtoie toujours mais dans une
moindre mesure) le pire.
Depuis 2006,
toute personne désirant exercer le métier de tatoueur ou de perceur doit
être agréé par le Ministre fédéral de la santé (1).
Pour ce faire, le professionnel doit avoir suivi une formation obligatoire
de 20h sur l’hygiène, et réussi l’examen (2). Il doit
en outre respecter des règles sur le matériel utilisé, la propreté des
locaux et le choix des bijoux (3).
Le praticien
est tenu de faire signer au client un document de consentement en double
exemplaire (dont un lui est remis) mentionnant les risques liés au
tatouage/piercing et les cas dans lesquels une visite préalable chez le
médecin est conseillée. Il devra également lui remettre un document
détaillant les soins à apporter durant la cicatrisation et les précautions
particulières à prendre.
Concrètement,
des contrôles ont eu lieu à plusieurs reprises dans tous les studios de
tatouage, donnant lieu, pour quelques uns seulement, à des observations et
injonctions pour se conformer aux réglementations en matière d’hygiène.
Aujourd’hui, 600 praticiens sont enregistrés auprès du SPF, une bonne moitié
a déjà suivi la formation en hygiène et tous devraient l’avoir suivie d’ici
fin 2009. Les praticiens reconnus peuvent déjà présenter leur diplôme et
leur agrément officieux, les agréments officiels étant en cours de
validation. La liste des tatoueurs/perceurs agréés n’est pas encore
disponible sur le site du SPF Santé publique mais il est possible d’obtenir
des informations précises auprès de cette administration
(4).
JD
(1) Arrêté royal du 25 novembre 2005 réglementant les
tatouages et les piercings. MB du 21 décembre 2005. Les tatoueurs et
perceurs doivent obligatoirement afficher le texte de cet AR dans leur
espace de traitement.
(2) Cette formation ne garantit pas la qualité du
travail du professionnel. Ce métier nécessite une formation artistique et un
apprentissage dans un studio.
(3) Voir https://portal.health.fgov.be (rubrique
santé).
(4) SPF Santé publique – 02/524.98.34. -
jean.paques@health.fgov.be
Un phénomène de mode
Qu’on aime ou
qu’on aime pas, le tatouage et le piercing ne sont plus des actes marginaux.
Pratiqués par des jeunes et des moins jeunes, dans toutes les couches de la
population, ils sont devenus un phénomène de mode, amplifié par des stars
qui arborent fièrement leurs trophées ou les laissent discrètement
découvrir.
Pour beaucoup
d’adultes, tatouage et piercing véhiculent des images plutôt négatives:
provocation, vulgarité, automutilation, voire marginalité. Alors que chez
les jeunes, on évoque surtout des arguments esthétiques, l’appartenance au
groupe, un cap à franchir.
Quoi qu’il en
soit, se faire tatouer ou percer n’est pas sans conséquences, et les risques
sur la santé ne sautent pas forcément aux yeux d’un jeune. Il est donc
important que les parents s’informent sur ces pratiques, maintiennent le
dialogue avec leurs enfants et abordent le sujet le plus sereinement
possible avec eux, en toute confiance…
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