Maladies
(7 octobre 2010)
Grande alarme ou longue alerte?
Le
cancer de la prostate s’est construit une fameuse réputation. Il touche
annuellement quelque 9.250 Belges. C’est le cancer le plus fréquent chez
l’homme. Mais il n’est pas nécessairement synonyme de fin de vie ou de
traitement chirurgical aux lourdes conséquences.
A coup d’images symboliques
– en Belgique le Manneken Pis qui n’urine plus que de manière
intermittente ; en France une casserole de lait qui déborde avec le
slogan “n'attendez pas qu'il soit trop tard pour vous informer” – les
associations médicales d’urologie veulent marquer leurs campagnes
d’information sur les maladies urinaires. Le public cible : les hommes
avançant dans la cinquantaine. Car si nombre de femmes ont pris la bonne
habitude d’avoir recours à un examen gynécologique régulier, du côté des
hommes, les fonctions érectiles et urinaires ne bénéficient pas de
l’attention médicale qu’elles méritent. Les hommes n’aiment pas parler
de leurs symptômes, constatent les urologues. Difficultés pour uriner,
gouttes retardataires, sensation de vidange incomplète, incontinence,
besoin de se lever la nuit, douleurs ou problèmes lors de l’éjaculation
voire sang dans les urines… seront tus, considérés avec dédain ou
fatalisme. Pourtant, ces signaux peuvent cacher des maladies graves; ils
peuvent aussi être le signe de maladies bénignes mais fort embêtantes au
quotidien. En outre, c’est parfois sans symptôme apparent que le cancer
de la prostate s’installera.
Estimer la dangerosité
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©
Marc Detiffe |
Loin de faire
exception dans la gent masculine, on pourrait découvrir – à y
regarder de plus près – des cellules cancéreuses chez la moitié des
hommes de plus de 60 ans et chez 80% des octogénaires. Mais il ne
faut cependant pas céder à la panique. Un tiers de ces cancers sont
considérés comme “indolents”. “Le cancer de la prostate est une
maladie complexe, explique le professeur Bertrand Tombal des
Cliniques universitaires Saint-Luc. Bien que 20 à 40% des hommes
âgés de plus de 50 ans présentent des foyers microscopiques de
cancer dans la prostate, la grande majorité ne mourra pas de cette
maladie. En effet, seule une faible proportion de cancers va se
développer rapidement et s’étendre à d’autres organes.” Comme
l’écrit le professeur Hendrick Van Poppel, urologue à la KUL, il y a
lieu de distinguer les “petits chats” des “tigres”, de déterminer
s’il s’agit d’un cancer “insignifiant qui ne posera pas de problèmes
au patient”, ou d’un cancer agressif, source de métastases,
dangereux pour la vie du patient. Dans le premier cas et selon
l’état de santé du patient, la présence de cellules cancéreuses ne
nécessite pas de traitement au sens strict du terme. Une
surveillance – rapprochée – peut être tout à fait suffisante.
L’histoire d’une surveillance
Jean-Marie (prénom
d’emprunt) (1) a choisi cette option. Voici deux ans, sensibilisé par
les messages de prévention mais sans symptômes particuliers, le
quinquagénaire se soumet à des examens chez un urologue, sur les
conseils de son médecin généraliste. L’analyse de sang complémentaire
révèle un taux de PSA ( antigène spécifique de la prostate) légèrement
au dessus de la moyenne. Comme ce dernier est un traceur d’un éventuel
problème, un examen complémentaire lui est conseillé. Il consiste en un
prélèvement de “petits échantillons” de l’organe. Résultat : présence de
cellules cancéreuses. Sur les dix échantillons prélevés, un prélèvement
est cancéreux à huit dixièmes, un autre à deux dixièmes. L’urologue lui
explique les différents traitements possibles et préconise une opération
chirurgicale à très court terme. Non sans évoquer les désagréments
éventuels : incontinence et/ou impuissance temporaires ou prolongées.
“S’il faut passer
par là, j’y passerai, se dit dans un premier temps Jean-Marie. Mes
fonctions d’homme, j’y tiens encore un soupçon mais il faut continuer à
vivre…” En parlant avec son épouse et un ami médecin, il suivra leur
réflexe de prendre un deuxième avis. Le temps d’obtenir un rendez-vous
auprès d’un deuxième spécialiste, et Internet s’offre à lui comme un
premier espace de questionnement. Jean-Marie est prudent avec cette
source d’informations. Mais, s’il y découvre des témoignages effrayants,
il y lit également des informations nuancées, et prend conscience de la
diversité des situations, des dispositifs possibles. L’ablation de sa
prostate n’est peut-être pas la seule issue…
Et, de fait, le
deuxième avis médical l’emmènera sur une autre voie, celle de la
surveillance active. Une voie adaptée au diagnostic, à son état de santé
général, son âge, son mode de vie, sa manière d’envisager la vie. Une
voie qui lui convient jusqu’à aujourd’hui. L’aspect psychologique n’est
en effet pas négligeable. “S’il vous est impossible de vivre en pensant
que vous avez des cellules cancéreuses, lui a indiqué le médecin
soucieux de s’engager avec lui dans un choix réaliste, il vaut peut-être
mieux envisager l’opération”. Pour Jean-Marie, ce n’était pas le cas. Il
se sentait plus angoissé par les effets secondaires d’une opération
chirurgicale que par la présence en lui de cellules biscornues. Il a
opté pour un suivi régulier. Tous les trois mois, l’évolution de son
taux de PSA est analysée de près. Et les examens cliniques auxquels il
se soumet fidèlement se sont jusqu’à présent révélés rassurants. A
chaque rendez-vous, c’est un peu d’angoisse qui l’envahit. Mais pour
lui, les deux ans qu’il vient de vivre avec ce suivi médical, “sont deux
ans de gagnés”.
Contrôler la maladie
n'est pas de tout repos. Il ne s'agit pas d'attendre les bras croisés.
Aux examens réguliers, vient se greffer un mode de vie équilibré. Les
conseils de prévention valent assurément pour ces patients en
surveillance. Certains préceptes recommandent de manger des tomates, des
brocolis… Mais “à ce jour, adopter un style de vie sain et équilibré est
la seule recommandation que l'on peut donner dans le cadre de la
prévention”, précise le professeur Tombal. Jean-Marie évoque ainsi son
“régime plaisir”. “Quelques années avant ce diagnostic, je me suis lancé
dans des efforts alimentaires. Rien de neuf pour moi donc, mais avec mes
problèmes de prostate, j'ai remis une couche, en veillant à une
alimentation plus riche en fruits et légumes. Je suis aussi devenu cyclo-voyageur.
A soixante ans, je grimpe des cols que je n'imaginais pas franchir à
trente ans. Je parcours environ 1000 km à vélo sur une dizaine de jours.
Et c’est un véritable repos pour moi dans une année de travail”. Il
illustre en clin d'œil la petite maxime: “tout malade est un homme bien
portant qui s'ignore”.
Pas une voie unique
Entre l'intervention
rapide, peut-être superflue, et l'attitude attentiste, éventuellement
porte ouverte à un traitement médicochirurgical par la suite, chaque
patient tentera de déterminer la voie qui lui convient. Il y parviendra
avec d'autant plus de justesse qu'il pourra être informé des
possibilités de traitements – en évolution constante –, des effets
secondaires; avec d'autant plus de sérénité qu'il sera accompagné dans
ce choix, et avec d'autant plus d’aisance, qu'il pourra aussi en parler
autour de lui, dans son couple, avec d'autres hommes concernés. Des
initiatives naissent d’ailleurs çà et là. En Flandre, l’association de
patients “Wij ook”, en Suisse, des prostate-cafés… regroupent des hommes
qui en causent, qui échangent leurs points de vue, se soutiennent. Rien
encore du côté belge francophone. A suivre donc.
// Catherine Daloze
(1) Jean-Marie nous demande d’indiquer qu’il est prêt à échanger sur la
base de son expérience et dans les limites de celle-ci. Les courriers
que vous souhaiteriez lui adresser, seront transmis par la rédaction
(enmarche@mc.be – chaussée de
Haecht, 579 BP 40 à 1031 Bruxelles).
La prostate, cette méconnue masculine |
“C’est lorsqu’un problème survient que l’on apprend à quoi
sert la prostate”, témoigne ce monsieur dans la soixantaine.
Objet de remarques gentiment grivoises, la prostate vit avec les
tabous et l’humour des sujets qui touchent à la sexualité. Et
finalement, que sait-on de son fonctionnement ? Voici un tout
petit peu d’explications.
La prostate
est une glande située en avant du rectum, juste sous la vessie
des hommes. Elle entoure l’urètre, ce canal qui conduit l’urine
de la vessie vers l’orifice du pénis. Elle fait partie du
système sexuel et reproducteur. Des canaux dits “déférents”
amènent les spermatozoïdes des testicules vers la prostate où
ils se mélangent au liquide séminal pour former le sperme qui
passe dans l’urètre au moment de l’éjaculation. La prostate ne
possède pas de fonction urinaire. Cependant, lorsqu’elle
augmente de volume et comprime l’urètre, elle peut entraîner
l’apparition de problèmes urinaires.
La taille et
la forme de la prostate se rapprochent de celles d’une
châtaigne. 3 à 4 centimètres de long et 3 à 5 centimètres de
large, pour un homme à l’âge adulte. C’est à la puberté qu’elle
va se développer véritablement – elle double de volume– sous
l’influence de la testostérone, la principale hormone mâle. Mais
sa taille continue d’augmenter avec l’âge, de manière tout à
fait normale. Par contre, un gonflement sensible peut être signe
de maladies prostatiques.
Les maladies
de la prostate les plus fréquentes sont l'hyperplasie bénigne de
la prostate (augmentation bénigne du volume de la prostate), la
prostatite (inflammation souvent d'origine bactérienne), le
cancer de la prostate.
Sources :
“Comprendre et traiter les maladies de la prostate”, éd. Vivio,
2007. |
Traquer les cellules cancéreuses |
Le dépistage
de masse ne fait pas l'unanimité. Doit-il être systématique à
partir d'un certain âge? D'aucuns le pensent tandis que d'autres
préfèrent le réserver aux hommes à risque plus élevé (en
fonction de l'âge, de l'état de santé, de la race, de
l'hérédité…). D’autres questions s’ajoutent. Le dépistage
n’est-il pas source d'anxiété inutile? Ne mène-t-il pas à un
traitement superflu de cellules cancéreuses peu agressives? A
contrario, n’est-ce pas la seule manière de diagnostiquer de
manière précoce certains cancers agressifs? Ne permet-il pas de
réduire la mortalité due à la maladie?
Quoi qu’il
en soit, les méthodes de dépistage s'affinent. Pour compléter
l’analyse du taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) et
le toucher rectal, des recherches sont en cours, au niveau de
tests urinaires notamment. Et des progrès dans le domaine de
l'imagerie médicale – par exemple – laissent présager des
meilleurs résultats encore. |
Mais en termes de santé publique, le débat n'est pas clos.
“Autant dire que les hommes ayant passé le cap des 50 ans n'ont
pas fini d'être perplexes, écrivait un journaliste dans le
journal Le Monde (1). Faut-il assumer l'angoisse du dépistage,
sachant qu'il sera toujours plus justifié l'année suivante car
la fréquence du cancer de la prostate augmente avec l'âge? Ou
bien doit-on considérer que le risque de séquelles après une
ablation de la prostate est tel que le jeu n'en vaut pas la
chandelle?” Une chose est sûre, en discuter avec son médecin est
le premier des actes à poser.
(1) Paul Benkimoun, “Le gouffre du cancer de la prostate”, paru
le 13 mars 2010. |
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