Coopération
(20 décembre 2001)
La première mutualité de Pologne fait école
Dans une Pologne aux portes de l’Europe, il existe un projet pilote
de mutuelle adapté aux règles européennes de libre marché, mais qui
garantit la protection des intérêts sociaux de tous les patients. Cette
mutuelle est soutenue depuis ses débuts par la Mutualité chrétienne et
devient un modèle en matière de médecine sociale.
E n vue de son adhésion à l’Union européenne, la Pologne
réalise des progrès économiques marquants et se démocratise petit à
petit. Le revers de la médaille est pourtant apparu de manière flagrante
au cours des dernières années: le développement économique varie
fortement de région à région. Les territoires situés à l’est du pays
sont les moins développés et les groupes sociaux les plus faibles
(personnes âgées, handicapées, ...) se trouvent dans des situations très
précaires. Dans le domaine des soins de santé, les coûts augmentent et
le système public de financement de la santé ne peut plus satisfaire la
demande croissante.
C’est dans ce contexte qu’est née en 1996 la première mutuelle
indépendante en Pologne, appelée " Flandria " car elle bénéficie de
financements de la Communauté flamande de Belgique. Elle a démarré ses
activités dans la ville d’Inowroclaw, sous l’impulsion de représentants
des syndicats, des prestataires de soins et d’individus responsables
d’activités sociales dans le secteur de la santé.
Son projet? Garantir aux groupes sociaux les plus faibles un accès à
des soins de santé de meilleure qualité. Dans les faits, trois groupes
de personnes profitent principalement de l’affiliation à la mutuelle :
• Les
personnes qui vivent avec le salaire mensuel le plus bas, qui équivaut à
environ 7.600 FB. Ce sont surtout des pensionnés. Les chômeurs font
également partie de ce groupe mais ce sont surtout de jeunes qui font
peu appel aux services de soins de santé. La cotisation coûte environ
300 FB pour ces personnes.
• Le
deuxième groupe est constitué des mères de famille et de leurs enfants.
La cotisation est de 400 FB par an, quel que soit le nombre d’enfants.
• Les
employés des grandes entreprises (mines de sel, imprimeries)
d’Inowroclaw constituent le troisième groupe.
Actuellement, Flandria compte 3.000 affiliés et fournit des services
à 10.000 personnes dans la région. Les premiers services offerts par "Flandria"
à ses affiliés comprenaient une pharmacie sociale, un cabinet dentaire,
des contrats avec des cabinets de médecins privés et un service de soins
à domicile. Concrètement, les affiliés y bénéficient de tarifs
préférentiels leur permettant un accès aux soins et aux médicaments.
Une reconnaissance officielle
1999 a été une année charnière en Pologne. Le gouvernement y a
introduit plusieurs réformes de taille dont celle du système des soins
de santé (lire ci-dessous). Ni le staff médical, ni les patients ne s’y
retrouvaient dans ce nouveau système mais, pour la première fois, le
secteur privé pouvait accéder à l’argent public puisque les caisses
régionales de maladie nouvellement créés étaient habilitées à conclure
des contrats avec des prestataires de soins afin d’assurer des soins de
santé gratuits aux patients. Cette réforme a modifié le système de
gestion de la mutuelle Flandria dans la mesure où elle a pu accéder aux
fonds publics. Mais bien que positif, cet apport financier a induit
beaucoup de dépenses nouvelles. Parmi elles, le déménagement de la
mutuelle résultant de la nécessité de répondre aux normes de
l’administration en matière d’accès des bâtiments aux personnes
handicapées.
Des activités en extension
Cette année, " Flandria " a développé ses activités au travers de
contrats établis avec un réseau de 7 pharmacies sociales privées, de 2
cabinets de médecins et de 5 sanatoriums. Elle a également étendu ses
services dans trois autres villes de la région Kujawsko-Pomorski ainsi
que dans quelques villages dans la zone d’Inowroclaw. Par ailleurs, elle
a développé un réseau de magasins de vente et de prêt de matériel
médical et de revalidation pour les patients, aussi appelés "
médiothèques ". Ces magasins sont situés dans toutes les villes
principales : Torun, Bydgoszcz, Wloczawek, Inowroclaw mais aussi dans
des villes rurales de plus petite taille avec un système de " points de
location " à partir desquels du matériel est régulièrement envoyé vers
des centres médicaux publics, qui sont un lieu de rencontre entre le
patient et la mutualité. Les services offerts aux membres comprennent
notamment la location d’équipements, gratuitement ou pour un petit
montant d’argent, l’achat de matériel à moindre prix dans les magasins
médicaux qui fournissent également de l’information sur la santé. Les
magasins travaillent en étroite collaboration avec de prestataires de
soins privés et publics afin de donner aux patients les meilleurs
services aux prix les plus bas. Ils collaborent également avec des
associations de handicapés, qui influencent directement la gamme de
services offerts dans les magasins.
Ce réseau a pu naître et prendre de l’ampleur grâce aux importantes
ressources financières provenant de la Caisse régionale d’assurance
maladie avec laquelle la mutuelle a signé un contrat pour le
remboursement de services de location. Flandria espère d’ailleurs
pouvoir signer un contrat du même type pour la vente de matériel, ce qui
lui donnerait une assise financière plus confortable.
Enfin, au cours de ces dernières années, le premier mouvement de
bénévoles est né autour de la mutuelle à Inowroclaw. Des jeunes ont
notamment été formés par la Mutualité chrétienne de Gand (" Jeugd en
Gezondheid ") pour l’encadrement de vacances d’enfants. Cette initiative
rencontre un vif succès.
Priorités et projets
Les priorités que la mutuelle Flandria se fixe pour l’avenir sont
triples :
• Premièrement,
réaliser l’auto-financement de services médicaux, en gardant la
dimension sociale.
• Deuxièmement,
élargir la gamme de services complémentaires propres ou contractés pour
un public large tout en conservant l’accès pour les plus pauvres.
• Enfin, poursuivre le
développement du mouvement social, ce qui va requérir un investissement
important supplémentaire ces prochaines années. Même si les résultats
n’apparaissent pas immédiatement, les bénéfices en sont sûrement
garantis car on remarque déjà aujourd’hui que Flandria se profile, grâce
aux activités sociales et au bénévolat, en complémentarité avec les
secteurs public et privé, et trouve sa place parmi les acteurs de la
santé. C’est à ce niveau surtout que la Flandria pourra compter sur
l’aide et l’expertise des Mutualités chrétiennes au cours des prochaines
années.
Flandria recherche également des appuis en Pologne pour le
développement de son mouvement social. L’année dernière, elle a reçu un
financement de la Fondation Soros-Batory pour organiser un réseau de
mouvements sociaux dans la région. La mise en réseau s’organise à
présent au niveau national avec d’autres régions où des plates-formes
sociales semblables ont été mises en place au cours des dernières
années. Celles-ci pourraient bien devenir à l’avenir les porte parole
des idées mutualistes dans toutes les régions de Pologne.
Valérie Van
Belle
Service
Coopération Internationale
ANMC
(20 décembre 2001)
Repères géographiques
La Pologne est un pays
d’Europe centrale entouré par l’Allemagne, la République tchèque, la
Slovaquie, la Biélorussie, l’Ukraine, la Russie et la Lituanie. Elle
compte environ 40 millions d’habitants et le revenu mensuel moyen par
personne était de 481 dollars (22.000 FB) en 1999. Les changements les
plus significatifs depuis la chute du communisme en 1989 sont la
démocratisation de la société par l’organisation d’élections libres, le
développement de l’initiative privée et le démantèlement de
l’intervention de l’Etat dans tous les secteurs de la société.
Actuellement, la Pologne prépare activement son adhésion à l’Union
européenne prévue pour 2004.
La région Kujawski-Pomorski,
située au centre de la Pologne, compte trois millions d’habitants sur
17.970 km2. La ville la plus importante, Bydgoszcz, capitale régionale
est principalement une zone industrielle. Viennent ensuite Torun, un
centre universitaire où est né l’astronome Copernic, puis Wloclawek et
Inowroclaw.
Repères chronologiques
Avant 1989, l’époque communiste
Un réseau de services
médicaux et sociaux, mis gratuitement à la disposition de l’ensemble de
la population, est créé sous le parapluie du "parti". La réalité est
souvent très différente de cette image idéale : de nombreux services
n’existent qu’en théorie, sont souvent d’une qualité dramatiquement
mauvaise ou ne peuvent être obtenus que moyennant des paiements
"officieux" aux prestataires de soins ou de services.
Suite à la récession
économique des années 80, les services sociaux sont également de plus en
plus rabotés tandis que les pharmacies et les cabinets dentaires sont
progressivement privatisés. En marge de la légalité, d’autres
prestataires de soins organisent leurs propres cabinets, mais en dehors
de tout contrôle, tant au niveau de la qualité qu’en matière de
politique de prix.
De 1989 à 1999, les soins de santé après la chute du communisme
Après la chute du communisme,
le système social de nombreux pays d’Europe centrale change rapidement.
Dans le passé, tous les prestataires de soins étaient directement
financés par un budget national. Dès 1989, des caisses de maladie
existantes ou nouvellement créées reçoivent la responsabilité du
financement des soins de santé avec comme objectif à court terme une
rationalisation des dépenses.
En matière de prestations de
soins, des différences régionales importantes apparaissent entre la
périphérie et le centre du pouvoir. À l’exception d’un petit groupe de
médecins privés et d’un certain nombre de secteurs spécifiques
(dentisterie, pharmacie), le personnel médical est sous-payé et
démotivé. La principale victime du système est néanmoins le patient qui,
dans la plupart des cas, ne dispose d’aucune liberté de choix du
prestataire, reçoit un mauvais service et doit souvent encore payer des
dessous de table supplémentaires.
A partir de 1999, le développement des caisses de maladie régionales
Une caisse de maladie publique (régionale) est créée dans chaque
province et reçoit un budget attribué par le système national de
sécurité sociale pour conclure des contrats avec des prestataires de
soins afin d’assurer des soins de santé gratuits au patient. La caisse
de maladie régionale peut choisir elle-même avec qui collaborer et à
quelles conditions. De cette manière, elle peut gérer l’offre de soins
et surtout obliger les établissements publics à mener une meilleure
politique. Elle reçoit également la possibilité de soutenir d’autres
aspects, comme la qualité des soins prestés, l’importance de la
prévention et l’intégration des groupes socialement plus faibles.
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