Cinéma
(4 mai 2006)
Shooting Dogs
Le réalisateur Michael Caton-Jones filme les derniers jours de
réfugiés tutsis abandonnés par les Casques Bleus de la Minuar dans une école de
Kigali. Bouleversant mais indispensable.
Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais Juvenal
Habiarimana explose en plein vol. Bien que Hutu, il avait, sous la pression
internationale, fait entrer des Tutsis dans son gouvernement. Les Hutus
accusent les Tutsis d’avoir commis l’attentat, avec la complicité des Casques
Bleus belges de la mission d’assistance des Nations Unies, la Minuar, présents
sur place pour surveiller le processus de paix. Ce sera l’élément déclencheur
des terribles événements qui verront des voisins, des frères, des amis
s’entre-tuer à coups de machettes, faisant au total 800.000 morts en quelques
semaines. Le 11 avril, les soldats de l’ONU quittent l’Ecole Technique Officielle,
dans la périphérie de Kigali, évacuant les derniers occidentaux encore sur
place et abandonnant les quelque 2.000 Tutsis réfugiés là, aux mains des
«interhamwe», les milices hutues qui encerclent l’école, armés de gourdins, de
kalachnikov et des terribles machettes.
C’est de cet épisode réel que s’est inspiré le réalisateur
britannique Michaël Caton-Jones (Basic Instinct 2, avec Sharon Stone...) pour
son film de fiction «Shooting Dogs». Il raconte le parcours de deux
occidentaux, un prêtre catholique, Christopher, admirablement interprété par
John Hurt, et Joe, un jeune coopérant plein d’idéal (Hugh Dancy) face à cette
violence terrifiante, lorsqu’ils prennent conscience que les forces armées des
Nations Unies ne feront pas un geste si ce n’est de tirer sur les chiens qui
dévorent les cadavres pour éviter «un réel problème sanitaire». Les forces
armées ont ainsi laisser les Hutus tuer, assassiner et violer les Tutsis car leur
mission était de «surveiller» le processus de paix…
Le personnage interprété par John Hurt fait référence au
prêtre bosniaque Vjeko Curic qui choisit de rester dans l’école après le départ
de l’ONU, et qui périt assassiné. David Belton, le scénariste du film, était un
des journalistes de la BBC présents sur place, que l’on voit filmant les horreurs
perpétrées sous ses yeux, et qui choisit de fuir pour témoigner, emportant avec
lui une culpabilité éternelle. Le réalisateur Michael Caton-Jones a tourné sur
les lieux mêmes des faits, avec des figurants locaux, rescapés du génocide ou
parents de victimes dont les visages défileront au générique de fin, avec
quelques mots sur leur drame. Et c’est peut-être cela qui émeut le plus, les
visages souriants, les yeux pleins d’espoir des survivants d’un drame si
proche, duquel nous avons coupablement détourné les yeux.
Linda Léonard
Shooting Dogs ► de Michael Caton-Jones, sur un scénario de
David Belton, David Wolstencroft, avec John Hurt, Hugh Dancy, Dominique
Horwitz, Clare-Hope Ashitey, David Gyasi. 1h54.
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